Le logo officiel de WorldVentures ainsi que son slogan "You should be here!" © WorldVentures.com

Entre discrétion et controverse, les dreamtrips débarquent en Belgique

Stagiaire Le Vif

L’été approche. Vous imaginez-vous sur une plage bordée de cocotiers ? Une entreprise américaine, fraîchement arrivée en Belgique, pourrait vous aider à concrétiser ce rêve. Elle propose des voyages paradisiaques à prix cassés. Mais le système préfère rester discret. La menace de la justice plane.

« Êtes-vous prêt à embarquer pour votre nouvelle vie ? » Ce slogan convainc de plus en plus d’adeptes. Présent officiellement dans trente pays, WorldVentures débarque en Belgique et en France. Incognito. Dans le monde, ils seraient plus de 500.000 à être membres de la firme basée à Plano, au Texas. En 2015, l’entreprise générait un chiffre d’affaires de 560 millions de dollars. La société érige le bouche-à-oreille comme unique méthode de communication. Aucune publicité sur la voie publique. Sur les réseaux sociaux, les échanges restent secrets. Pour rejoindre ce club de vacances privé, il faut une connaissance qui vous confiera son secret et vous incitera à participer, comme elle, au mystérieux projet qui pourrait bouleverser votre vie. Mais WorldVentures est-il vraiment tout rose ?

L’entreprise, fondée en 2005, propose ce qu’elle appelle des dreamtrips, des escapades qui vous permettent d’accéder à des « voyages de luxe à prix de rêve ». Le système, controversé, repose sur un mécanisme complexe appelé vente à multiniveau ou MLM pour les intimes, à l’instar de sociétés déjà bien implantées chez nous comme Herbalife.

Pour appartenir à ce club privé, il vous faudra payer une taxe d’entrée. WorldVentures propose deux solutions au nouvel adhérent : la formule « client – voyageur » ou la formule « représentant – professionnel ». Pour la première, comptez 200$ pour l’abonnement Gold, 300 pour la version Platinum. Ajoutez à cela un forfait mensuel (respectivement de 50 et 100$). L’offre « client – voyageur » vous permet de profiter des voyages offerts par WorldVentures. Et ce à des prix défiant toute concurrence. Au prix de l’engagement, il vaut tout de même mieux partir plusieurs fois par an pour rentabiliser l’investissement.

« Bienvenue dans la famille »

La seconde formule nous fait rentrer de plain-pied dans le système controversé de vente à multiniveau. Comme décrit dans la version française du plan de rémunération de WorldVentures, que nous avons pu consulter, « les représentants sont rémunérés pour vendre les abonnements dreamtrips Gold ou Platinum à des clients, par le biais de la recommandation, plus communément appelébouche à oreilles’. » L’objectif final ? Vendre suffisamment d’abonnements pour en vivre. Le concept permet de partir en vacances en permanence tout en se remplissant les poches. Pour réussir, il faut convaincre son réseau d’adhérer à WorldVentures.

Selon le nombre de personnes que vous faites devenir membre et le nombre de dreamtrips que vous et votre équipe vendez, vous grimperez dans la hiérarchie. Le but : gagner des commissions et des bonus de plus en plus importants. En bas de l’échelle, les « active representatives« . Si vous franchissez sept étapes, correspondant chacune à un nouveau statut et à des nouvelles plus-values financières, vous serez désigné « international marketing director « . À ce niveau, comptez un bonus hebdomadaire de 25.000$ (maximum) et une commission mensuelle de 50.000$ (maximum, à nouveau).

Mais allez-vous réellement atteindre ce stade et empocher le pactole ? Peu probable. Dans la déclaration de revenus annuels de WorldVentures, en 2015, il est indiqué noir sur blanc que 77,76% des représentants indépendants – comprenez les vendeurs – n’ont pas gagné de commission durant cette même année. La vingtaine de pour cent restant a empoché une commission moyenne annuelle de 150$. C’est maigre. Mais l’entreprise joue cartes sur table, estimant qu’elle ne promet « aucune garantie de revenus« . Le document renchérit : « Le succès ou l’échec d’un représentant indépendant (…) dépend de ses propres capacités, de son engagement personnel, de ses qualités de leadership et du marché disponible. » La culpabilisation, modèle récurrent : si vous échouez, c’est que vous n’êtes pas assez bon.

Des rassemblements quasi sectaires

Si le siège social européen du géant du voyage se situe à Amsterdam, impossible pour l’heure de chiffrer le nombre d’adeptes de WorldVentures en Belgique et en France puisque l’entreprise n’y est pas encore établie officiellement. D’après nos estimations, ils seraient à peine plus d’un millier. Ce qui est sûr, c’est que le terrain de jeu de WorldVentures se trouve sur les réseaux sociaux. Là, les groupes secrets s’enthousiasment. Les membres y rameutent leurs cibles potentielles. Les adeptes les plus actifs postent très régulièrement des messages montrant les exploits de l’un ou l’autre. D’autres souhaitent la bienvenue aux petits nouveaux. Dans ces groupes secrets, ils s’appellent « la famille« . À chaque voyage, les membres de la famille sont supposés poster, sur leur profil, une photo de leur dreamtrip avec la banderole « you should be here » – tu devrais être ici. Une façon d’inciter discrètement les non-adeptes à se renseigner.

À gauche, la réussite d'une jeune fille qui a gravi les échelons. À droite, un nouveau venu qui espère le même destin...
À gauche, la réussite d’une jeune fille qui a gravi les échelons. À droite, un nouveau venu qui espère le même destin…© Aucun

En plus de cette présence massive sur le web, les adeptes se réunissent afin d’échanger de vive voix sur leur parcours et de progresser dans la hiérarchie. Ainsi, une formation a récemment eu lieu à Montpellier. Des Belges y assistaient massivement. Dans une ambiance quasi sectaire, un bootcamp aura également lieu du 23 au 25 juin, à Budapest. Il s’agit du plus grand événement annuel européen de l’entreprise WorldVentures. Durant trois jours, les intervenants se succéderont. Habillés de treillis militaires, ils se produiront sur scène pour inspirer les quelques milliers de spectateurs. La troupe belge a prévu de s’y rendre en nombre. À quoi servent concrètement ces trainings ? Les explications restent floues. « Nourrir votre esprit, votre âme et votre pouvoir intérieur« . Dans un vocabulaire digne d’un camp de GI, l’un des coachs explique l’importance de cette formation pour ceux qui veulent grimper les échelons et apprendre de ceux qui « sont déjà passés au travers de ce champ de mines, et qui ont rendu le passage sûr« . Prix d’entrée : 200$. Le commerce WorldVentures va bon train.

Une légalité controversée

Le géant américain se défend de toute manoeuvre illégale et explique pratiquer un système de ventes à multiniveau. En clair, il s’agit du cousin légal de la vente pyramidale. La différence entre les deux systèmes, mince, repose sur la vente de produits (ici, les voyages) dans le cas du MLM (multi level marketing). Celui-ci doit donc être considéré comme une stratégie commerciale. Les revendeurs gagnent de l’argent grâce aux marges sur les produits qu’ils vendent, mais également sur les produits écoulés par ceux qu’ils ont recrutés. L’avantage d’un tel système ? Éliminer les coûts de recrutement et de formation. Mais aussi utiliser le bouche-à-oreille pour éviter les dépenses publicitaires.

Le système MLM se rapproche dangereusement de la vente pyramidale qui est, elle, comme définie par le SPF Economie, une « pratique commerciale trompeuse« . Elle promeut un système dans lequel le profit ne vient pas de la vente d’un produit, mais bien du recrutement de nouveaux membres. Le terme « pyramidal » renvoie au fait que seuls ceux au sommet du système s’enrichissent.

WorldVentures fait recette partout dans le monde. Pourtant, certaines voix s’élèvent contre l’entreprise texane. Aux États-Unis, le Better Business Bureau a averti avoir reçu des plaintes de clients qui sont toutes du même acabit : WorldVentures « donne des informations trompeuses sur leur produit aux consommateurs avant leur achat, exagère les économies réalisées par leur produit et omet de fournir des remboursements pour les services annulés. »

Plus près de chez nous, en Norvège, la firme de Plano a subi les foudres de la Norwegian Gaming Board qui a demandé à la firme américaine de stopper toutes leurs activités de ventes dans le pays. Après une enquête longue de neuf mois, le conseil norvégien a établi qu’il s’agissait d’un système pyramidal. La Gaming Board en veut pour preuve que 95% des adhérents sont des « representative » et que les revenus proviennent « presque exclusivement du recrutement des membres et non de la vente de voyages« .

En Belgique, les dreamtrips restent pour l’instant marginaux malgré les efforts soutenus des représentants du plat pays pour faire connaître la marque et ainsi grimper dans la pyramide. Alors, WorldVentures, la solution idéale pour profiter des plages et des cocotiers dès cet été ? Rien n’est moins sûr.

Rodrigue Jamin

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire