Christine Laurent

En odeur de sainteté

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

« Gouverner, c’est faire croire », affirmait Machiavel. Elio Ier a déjà réussi ce tour de passe-passe : après plus de 500 jours de crise, on veut y croire à son gouvernement. Oubliés, les erreurs funestes du passé, les déficits qu’on laisse filer, la mauvaise gestion des affaires communautaires, c’est l’état de grâce.

Pour preuve, Didier Reynders est prêt à travailler bras dessus bras dessous avec son ami « infréquentable » de 2009, un miracle ! La belle amnésie du temps ! Un nouveau papillon a vu le jour, la chrysalide s’est « éliotisée », un négociateur hors pair nous est né qui oscille habilement entre l’indispensable lucidité et le cynisme chimiquement pur. Voilà Di Rupo politiquement notabilisé.
« Il en va désormais des carrières politiques comme des valeurs en Bourse. Elles dépendent moins des résultats obtenus que de la perception qu’en ont les commanditaires, l’opinion ou les marchés. La crédibilité des gouvernants est devenue synonyme de flexibilité, d’adaptation », écrivait dans le supplément M2 du Monde le chroniqueur Christian Salmon ( lire édition du 19 novembre 2011). Flexibilité et adaptation, des mots qui collent parfaitement à la personnalité du président du PS. L’homme, de plus, a une vista, un vrai sens de l’opportunité. Des qualités qu’il a su développer dès son entrée en politique. N’a-t-il pas failli être broyé dans les années 1980 par les rouages de la machine socialiste, comme nous l’expliquons avec des témoignages inédits cette semaine ? Un survivant. Mais ne dit-on pas que tout ce qui ne tue pas rend plus fort ? Déjà, il savait roucouler pour mieux ensorceler, tout un art ! Diable d’homme qui a su constituer, au fil des ans et des postes occupés, des réseaux puissants et redoutables. Belle revanche pour le « tchouk », le « macaroni » que la nomenklatura montoise voulait éliminer. Une réussite triple A qui l’a conduit enfin, après bien des courbes sinueuses et des virages en épingle à cheveux, au 16, rue de la Loi.
Encore 912 jours pour convaincre, pour réussir la quadrature du cercle, tant sur le plan national qu’international. Jusqu’au 8 juin 2014, il faudra surtout tenir. Ceci explique- t-il cela ? Di Rupo a fait monter dans son équipe majoritairement « les vieux de la vieille », histoire de neutraliser toute mauvaise surprise qui pourrait surgir de l’inexpérience d’un bleu. Time is money. D’autant plus que cette sixième réforme de l’Etat, on s’en doute bien, ne sera pas la dernière. « Les Flamands sont plus nombreux et ils entendent que les francophones l’admettent à tous les niveaux », analysait dans Le Soir du 1er décembre Xavier Mabille, le directeur général du Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques).
L’état de la Wallonie aujourd’hui ne dégageait aucune marge de manoeuvre ; un fédéralisme plus radical encore l’aurait laissée carrément sur le carreau. Alors notre « scientifique florentin » a tenté le tout pour le tout : sauver les meubles, obtenir un sursis pour permettre au sud du pays de se refaire fissa une santé. Un pari plus que risqué, tant les écueils qui attendent le gouvernement sont nombreux. Mais bon, si l’on en croit les sondages, du nord au sud du pays, l’auréole de l’ancien « martyr » socialiste brille de mille feux. Le voilà donc fin prêt pour entamer un nouveau chemin de croix.

CHRISTINE LAURENT

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