© DR

Delhaize et sa « pub de la honte »

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Delhaize vient de vivre un très mauvais buzz avec sa dernière action d’épargne de petites briques en plastique à destination des enfants. Une mauvaise aventure qui montre que les entreprises sont de plus en plus scrutées pour l’impact de leur comportement sur l’environnement.

À chaque tranche d’achat de 20 euros, le client qui se rend dans les magasins de la chaîne Delhaize reçoit une petite brique de construction en plastique dans le but de construire une réplique miniature d’un supermarché. Le hic : la briquette est déposée sur une barquette en plastique, elle-même emballée dans une pochette en plastique.

Il n’en fallait pas plus pour que l’enseigne au Lion s’attire les foudres de ses clients qui s’offusquent de cette surenchère de plastique à l’heure où le zéro déchet est prôné et où des milliers de personnes marchent pour sauver le climat. La chaîne a réagi rapidement à ce bad buzz en publiant ses excuses dans plusieurs journaux. Elle a aussi fait son mea culpa sur sa page Facebook.

Delhaizehttps://www.facebook.com/Delhaize/https://www.facebook.comFacebook1

En voulant faire plaisir aux enfants, nous avons surtout énervé les parents. Et à juste titre. En effet, vous avez été…

Geplaatst door Delhaize op Maandag 4 februari 2019

rich1.0https://www.facebook.com/Delhaize/photos/a.10150139063098043/10156398708728043/?type=3552

Fons Van Dyck, professeur de communication marketing à la VUB et conseiller au sein de Think BBDO qui conseille les marques sur leur stratégie et leur communication, estime que les excuses de Delhaize s’inscrivent dans une démarche positive, car cela fait passer ses responsables comme professionnels et sincères. « Ecologiste ou pas: la durabilité est devenue un code universel. Et les entreprises devraient en être conscientes », avance-t-il dans De Morgen. Il estime que leurs actions dans ce domaine devraient plus que jamais correspondre à leurs paroles.

Fons Van Dyck fait référence ici à la centaine d’entreprises, d’ONG, d’écoles, de médias et de collectifs citoyens qui ont rejoint le mouvement « Sign for my Future« , une vaste coalition – la plus importante à l’heure actuelle -, qui demande aux politiciens de travailler à une politique climatique ambitieuse. Ironie du sort : Delhaize fait partie des entreprises impliquées dans cette initiative. Cette mauvaise publicité déforce-t-elle son engagement envers l’environnement ?

Pour Van Dyck, « Delhaize a bien compris qu’à l’heure actuelle, elle sera jugée sur son comportement. La communication de crise utilisée par cette entreprise est, à mon avis, la nouvelle norme. En tant qu’entreprise, vous ne pouvez plus vous vanter de vos actions écologiques. Il y a maintenant une tierce partie d’experts et de faiseurs d’opinions qui surveillent de près si vous agissez de façon cohérente. Et celui qui fera un pas de travers devra en payer les pots cassés.  »

Gino Van Ossel, professeur « Retail & Trade Marketing », à la Vlerick Business School, n’est pas de cet avis dans les colonnes du quotidien flamand. « Delhaize ne s’est peut-être pas engagé sur le climat comme Colruyt pendant des décennies, mais cela ne signifie pas qu’elle doit être accusée de greenwashing. » La chaîne prend en effet des mesures concrètes dans la bonne direction. Il ajoute : « Dans la pratique, ce n’est pas toujours facile. Le climat est un terme général. Bien qu’il puisse y avoir une base sociale importante, il n’y a pas encore de consensus sur ce que cette nouvelle politique devrait inclure exactement. » Les entreprises tâtonnent encore dans ce secteur. « Les excuses si les choses tournent mal ne fonctionnent que si vous êtes cohérent par la suite. Cela semble être le cas avec la marque Delhaize qui ne s’est pas seulement exposée à la critique, mais montre qu’elle veut aussi recycler et rattraper son geste. » Van Ossel pense aussi que nous sommes entrés dans une nouvelle ère. « Il y a quelques années, on n’aurait jamais vu une telle action d’épargne susciter autant de critiques. On aurait tout au plus entendu quelques écologistes égarés se plaindre. »

« Publicité de la honte »

C’est aussi ce que pense le publicitaire Marc Fauconnier de l’agence créative FamousGrey. Bien qu’il se demande dans quelle mesure les lamentations de Delhaize sont le reflet d’une hypersensibilité climatique. « Ils sont en train de mordre la poussière. » Fauconnier trouve la situation exagérée. Dans le jargon, on appelle cela du « shamevertising », que l’on peut traduire par « publicité de la honte », explique l’expert en communication. « Je ne suis pas un climato-sceptique, mais le fait que les responsables de Delhaize se vautrent dans la culpabilité avec autant d’excuses n’est pas proportionnel à l’erreur qu’ils ont faite. C’est quand même l’un des supermarchés à l’avant-garde de la sauvegarde de l’environnement et de la durabilité. »

L’an dernier, par exemple, Delhaize a décidé de remplacer les sacs en plastique destinés aux fruits et légumes par du papier et des sacs réutilisables en coton biologique. « En faisant d’un incident relativement mineur une affaire d’État, ses bonnes actions en sont éclipsées », regrette Fauconnier.

Delhaize continuera à distribuer ses briquettes jusqu’à la fin de l’action en date du 13 mars prochain. Dans la foulée, le supermarché a mis en place plusieurs initiatives pour rattraper son faux pas écologique. Parmi elles, des bacs de recyclage disposés dans ses magasins afin de récolter les emballages en plastique pour qu’ils puissent être entièrement recyclés. Et d’aller plus loin: « Nous envisageons de soutenir logistiquement et financièrement une ONG environnementale, qui aura pour mission de compenser l’empreinte écologique causée par notre action, au travers d’un impact positif sur l’environnement. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content