La Cour des comptes a mis en garde jeudi le gouvernement devant le risque de manquer de moyens budgétaires pour honorer les dépenses militaires dans les années qui viennent, même en atteignant dès le mois de juin les 2% du PIB affectés à la Défense.
La Cour a publié la version définitive de son rapport sur l’élaboration et la mise en œuvre du programme Capacité Motorisée (CaMo) de la Force terrestre conclu avec la France en vue de permettre l’interopérabilité des unités belges et françaises. Il constitue l’un des investissements majeurs de la Défense au cours des dernières années, décidé en 2018 et intégré ensuite dans le plan stratégique STAR du gouvernement précédent.
La fuite dans les médias de la version provisoire du rapport avait suscité la polémique devant le dépassement des prévisions initiales de dépense et les retours pour l’industrie belge. Lors de sa signature, le contrat portait uniquement sur la livraison de 382 Griffon et 60 Jaguar pour un montant d’1,57 milliard d’euros. Aujourd’hui, il est question de 14,7 milliards d’euros couvrant le coût total de cycle de vie des investissements décidés en 2018 et complétés en 2022.
En faisant ses calculs, la Cour s’inquiète d’un risque général d' »éviction budgétaire », notamment pour cette capacité motorisée.
« Si les budgets ne sont pas adaptés aux besoins réels, la Défense devra soit réduire d’autres dépenses pour faire face aux exigences du nouveau matériel, soit être amenée à sous-utiliser le matériel acquis. Ce risque est réel puisque, selon l’analyse de la Défense, il manquerait 1,048 milliard d’euros pour couvrir les besoins réels de 2025 à 2028 par rapport aux budgets prévus par le plan Star pour la Composante Terre. La décision, prise en avril 2025 par le gouvernement, de porter dès juin 2025 l’effort de défense à 2 % du PIB est de nature à réduire, sans pour autant l’écarter, ce risque d’éviction budgétaire. Toutefois, il n’y a pas de garantie à ce stade, que cette augmentation sera suffisante pour couvrir les besoins réels et permettre un fonctionnement et une maintenance optimale des capacités acquises », a-t-elle averti.
La Cour formule plusieurs recommandations pour mieux évaluer l’impact budgétaire à long terme des programmes d’investissement de ce genre, non seulement pour l’acquisition d’équipement mais aussi pour les dépenses de fonctionnement. Elle insiste entre autres sur une gestion de projet intégrant toutes les phases et une actualisation régulière de la planification.
L’autre volet du rapport porte sur les retours industriels pour la Belgique. En 2018, la somme de 910 millions d’euros était avancée. Fin 2023, l’on en était à 626 millions. La Cour formule également plusieurs recommandations pour impliquer l’industrie dès le début dans ce genre de programme et s’assurer que les retours fassent l’objet de dispositions contraignantes dans les contrats.
Le Premier ministre Bart De Wever s’était ouvert du problème au président français Emmanuel Macron au cours d’un entretien bilatéral en avril. Il avait été convenu de mettre en place un groupe de travail pour mieux définir ces retours industriels. De son côté, le ministre de la Défense, Theo Francken, avait assuré devant les députés que la Belgique veillerait à mieux défendre ses intérêts à l’avenir. Il avait notamment annoncé qu’il ne signerait pas un bon de commande de 700 millions d’euros pour de nouveaux véhicules -des Serval- tant qu’un « rééquilibrage » n’était pas intervenu.