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Coronavirus : les écoles paniquent, « les médecins sont déjà débordés » (interview)

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Les enfants ont repris le chemin de l’école et déjà les nez qui coulent et les quintes de toux entrainent des exclusions. Au détriment des médecins généralistes qui sont débordés, alors que la saison des virus respiratoires ne fait que commencer, dénonce Philippe Devos, président de l’Association belge des Syndicats médicaux (ABSyM).

Le Vif : Recevez-vous des plaintes de médecins débordés depuis la rentrée scolaire ?

Philippe Devos : Oui. Un certain nombre de médecins se plaignent d’une surcharge de travail. Il y a en ce moment une infection virale peu grave qui se répand chez les patients et qui donne des maux de gorge et de la fatigue. Ces deux symptômes suffisent, selon les critères Sciensano, à envoyer les gens en dépistage à partir de 6 ans. De nombreux enfants sont donc exclus de l’école par les directions et envoyés chez leur médecin généraliste.

Ils suivent la procédure

Il y a une mauvaise interprétation d’une circulaire par certains directeurs d’école qui estiment que toute la famille doit s’isoler. Donc ils renvoient les frères et soeurs également. Alors que normalement, c’est le médecin qui doit évaluer s’il est nécessaire de mettre une famille entière en quarantaine. Et ce, en fonction de certains critères : s’il y a une poussée locale de coronavirus ou pas, si les symptômes sont plutôt mineurs ou si ce sont des symptômes plus suspects comme une perte de goût, etc.

Du coup, les médecins se retrouvent avec des familles entières à gérer à cause d’un seul potentiel patient qu’il faudrait dépister. Ça complique les choses et ça rend le travail des généralistes difficiles. Dans certaines régions, ils commencent déjà à saturer alors que l’hiver n’a pas encore commencé. Il ne faut pas oublier qu’à partir d’aujourd’hui, le nombre d’infections des voies respiratoires (autres que le coronavirus) ne va faire qu’augmenter.

Les médecins débordés arrivent-ils à faire tous les tests nécessaires ?

Ils testent tout le monde, mais cela entraine une surcharge dans certains centres de tri. J’ai encore eu ce matin un témoignage d’un centre de tri où il y avait 3 heures d’attente pour être dépisté. Ce qui a entrainé l’obligation morale de certains généralistes de commencer, eux aussi, à faire des frottis pour essayer d’offrir un service rapide à la population. Tout ça ajoute du travail au travail.

Le problème n’est pas tellement de dépister. Administrativement, c’est une grosse charge de travail. Il ne s’agit pas seulement de mettre un coup de tampon sur un papier. Toute la procédure est assez longue et fastidieuse pour les médecins.

Faudrait-il simplifier cette procédure ?

Oui à l’évidence. Puisque le nombre d’infections respiratoires va immanquablement augmenter ces prochains mois. Il faudrait au minimum faire en sorte que les gens puissent aller directement se faire dépister au centre de tri sans avoir à passer par leur généraliste.

Aujourd’hui, le patient doit téléphoner à son médecin. Celui-ci doit encoder les données dans un dossier. Il envoie ensuite au patient une demande de test par mail ou par SMS. Le patient va ensuite au centre de tri. Il se fait potentiellement examiner une deuxième fois. On lui fait un frottis. 24 heures plus tard, le médecin traitant est informé des résultats. Il doit alors téléphoner à son patient pour lui dire quoi faire. Alors que le contact avec le médecin traitant pourrait se limiter à l’annonce des résultats.

La surcharge ne risque-t-elle pas alors de se reporter sur les centres de tri ?

Il faut avoir le courage de ses intentions. Si le gouvernement veut dépister toutes les personnes peu symptomatiques, alors il faut déployer plus de moyens dans les centres de tri. Il s’agit d’un choix politique. Prendre des décisions et ne pas mettre les moyens financiers qui vont avec , c’est sûr que c’est voué à l’échec.

Avez-vous dénoncé la situation difficile des médecins généralistes ?

Les syndicats de médecins ont dénoncé la problématique. Une discussion a commencé. Mais nous ne savons pas si nous allons être entendus. C’est la même chose pour la durée des mises en quarantaine, une discussion est également en cours.

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