Olivier Mouton

Coronavirus : ce pays ne fonctionne plus tel qu’il est

Olivier Mouton Journaliste

Le fédéral est impuissant ou inconscient. Les Régions lancent des messages confus. Et les pouvoirs locaux, trop puissants, peuvent tout court-circuiter. Il est temps de réformer et de hiérarchiser les niveaux de pouvoir.

Décidément, la Belgique fédérale telle qu’elle est issue de la sixième réforme de l’Etat n’est pas un pays efficace. Rapidement, on risque de parler d’un « failed state » dans le contexte de la crise du coronavirus, comme certains n’avaient pas hésité à le faire lors des attentats de Paris, notamment. La gestion de cet épisode sanitaire majeur témoigne du fait que ce pays ne fonctionne décidément pas comme il le devrait.

Le gouvernement fédéral de Sophie Wilmès (MR), minoritaire et en affaires courantes, fait preuve de bonne volonté et la ministre de la Santé, Maggie De Block (Open VLD), médecin elle-même, est au four et au moulin. Un collège d’experts l’accompagne dans ses recommandations. Il cherche en permanence à associer les entités fédérées aux décisions. Tout cela est à saluer.

Il n’empêche : les citoyens et les acteurs concernés regardent de façon éberluée ce pouvoir centralisateur émettre de simples « recommandations » pour tenter d’enrayer l’épidémie – et non des décisions. Cela s’explique par la répartition des compétentes, ultra-compliquées et bien trop décentralisées, du moins dans de tels cas d’urgence. Nous écrivions mardi qu’il s’agissait là d’un « aveu d’impuissance ». En retour, plusieurs voix nous ont fait remarquer qu’il s’agissait d’une analyse « trop gentille », que l’on doit plutôt parler d’inconscience.

La confusion fédérale frise en effet l’inconscience. Le Conseil national de sécurité était à peine terminé, mardi après-midi, que chaque entité fédérée y allait de son petit refrain. La Wallonie et Bruxelles interdisent les visites aux maisons de repos, une mesure forte pour protéger les plus vulnérables (sans concertation avec le secteur, apparemment), mais la Flandre est plus laxiste en limitant les heures de visites et en interdisant… la cafétéria. Dans tous les domaines – écoles, enseignement, travail… -, il existe des nuances plus ou moins grandes dans l’applications des « recommandations ». Elio Di Rupo (PS), ministre-président wallon, tempère en disant que le fédéral fonctionne bien. Mais il ajoute : « Evidemment, cela fonctionne mieux en Chine ». Cette phrase est certes exprimée de façon cynique – la Chine est une dictature -, mais elle est terrible et révélatrice.

Mais le plus terrible dans notre Etat fédéral, c’est le pouvoir démesuré octroyé aux autorités locales, provinces et communes. L’interdiction des rassemblements de mille personnes en intérieur leur est donc confiée. On a rapidement vu ce qu’il en était avec le sinistre jeu politicien de Bart De Wever (N-VA) à Anvers. Le président nationaliste aurait souhaité des décisions et non des avis du fédéral. D’accord, mais ce n’est pas sa prérogative et c’est étonnant d’exprimer cela de la part d’un autonomiste qui veut toujours plus de pouvoir pour les Régions. En outre, « son » ministre-président flamand, Jan Jambon, a validé les mesures. Le pire, c’est que Bart De Wever risquait de court-circuiter les options du fédéral en n’appliquant pas la mesure, même si le bon sens a fini par prévaloir. Cette rébellion verbale a néanmoins ajouté de la confusion à la confusion. On n’en attendait certes pas moins de la part de quelqu’un qui veut démontrer que la Belgique doit s’évaporer…

Une fois cette crise du coronavirus terminée, en misant sur la bonne volonté de nous tous pour éviter, il sera néanmoins temps de remettre un certain nombre des choses à plat. Si nos responsables politiques en ont le courage, bien sûr, et s’ils sont prêts à remettre en question leurs prés carrés. Plus que jamais, une discussion sur une réforme de l’Etat – avec son efficacité » comme leitmotiv ! – doit avoir lieu en marge de la mise en place – que l’on espère enfin rapide – d’un gouvernement fédéral de plein exercice. Il est temps, si pas de refédéraliser la compétence de la santé, à tout le moins de limiter le nombre de ministres compétents, de hiérarchiser les niveaux de pouvoirs (c’est la clé, même si c’est peut-être utopique!) et de veiller à des mesures plus efficaces en temps de crise.

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