Comment traquer les influvoleurs parmi les influenceurs ?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Yasmin Vantuykom, PDG et fondatrice d’Efluenz, agence de création numérique, estime que séparer le bon grain de l’ivraie, le vrai créateur de contenu numérique de «l’influvoleur» est un vrai défi pour le business de l’influence.

Encadrer les influenceurs pour mieux les recadrer dans leurs activités: en quoi l’initiative législative adoptée en France sera-t-elle une réelle avancée?

Ce cadre légal est une très bonne chose. Il permettra de professionnaliser davantage le secteur, ce à quoi nous nous attelons depuis longtemps déjà, de clarifier et de faciliter la collaboration entre les influenceurs et les agences de création numérique. Pour les influenceurs eux-mêmes, c’est une manière de reconnaître la profession qu’ils exercent, d’assumer le fait qu’ils sont payés pour faire de la publicité. Nous aimerions un cadre légal plus précis en Belgique aussi (NDLR: chez nous, le marché du marketing d’influence devrait peser entre 45 et cinquante millions d’euros, selon l’étude d’HypeAuditor, menée en novembre 2022).

Yasmin Vantuykom «Nous nous heurtons à une méconnaissance du monde du marketing d’influence de la part des autorités.

Le secteur est volontiers dépeint comme un Far West, une jungle où prospèrent des «influvoleurs», où règnent l’arnaque, la tromperie et la fraude. Selon l’étude de la plate-forme de marketing HypeAuditor, «40% des influenceurs belges sur Instagram seraient impliqués dans des fraudes». Le pire côtoie le meilleur dans le marketing d’influence?

Si Far West il y a, ce ne sont pas tant les influenceurs qui l’ont créé que l’absence de règles d’encadrement. Un cadre légal devrait permettre d’opérer un tri et de mettre fin à l’amalgame qui est fait entre les créateurs de contenu, avec lesquels nous travaillons, et les influenceurs issus de la téléréalité qui profitent de leur notoriété pour se livrer à du dropshipping (NDLR: mode de vente en ligne controversé dans lequel le vendeur ne se charge que de commercialiser et de vendre le produit). On peut ainsi espérer dissiper la mauvaise opinion répandue sur le marketing d’influence.

Yasmin Vantuykom
Yasmin Vantuykom © National

Le recours par les pouvoirs publics au «name and shame» ou la mise au pilori des auteurs d’agissements fautifs, pourrait-il se révéler tout aussi dissuasif?

En ce qui nous concerne, ce mécanisme n’aurait aucun impact puisque nous ne faisons pas appel à des acteurs de publicité frauduleuse. Mais on se passerait volontiers de cette façon de procéder qui ne ferait que produire un surcroît de mauvaise publicité sur le secteur en général.

L’emploi des enfants influenceurs n’est-il pas particulièrement problématique?

Il n’existe pas vraiment, en Belgique, de comptes d’influenceurs créés et alimentés en contenus par des enfants, mais il arrive que des parents engagés par contrat impliquent leur enfant dans leur activité d’influenceurs en les faisant apparaître sur une photo pour promouvoir l’un ou l’autre produit.

Monnayer sa notoriété en ligne, est-ce un vrai métier?

Oui. Tout un chacun peut, à son échelle, se considérer comme un influenceur lorsque nous parlons autour de nous de ce que nous aimons. Notre tâche, en tant qu’agence de création numérique, consiste à être le point de contact entre les marques et les influenceurs qui atteignent une certaine notoriété, un certain cap d’abonnés. Cela exige du professionnalisme quand on gère des campagnes à grande échelle qui peuvent toucher des millions de personnes.

L’influenceur est-il devenu incontournable dans le placement de produits?

S’en passer serait une erreur. Son atout sur le marketing traditionnel, c’est le ciblage d’audience. La communauté que l’influenceur touche, si l’on tient compte de l’âge, de l’aire géographique, du centre d’intérêt des personnes ciblées, livre une masse de données chiffrées qui offre un reporting précis sur le retour sur investissement.

La Belgique serait donc bien inspirée d’imiter la France dans un encadrement légal?

Oui, d’autant que nous nous heurtons aujourd’hui à une méconnaissance du monde du marketing d’influence de la part des autorités. On en a eu un exemple avec cette obligation imposée à l’influenceur de faire état de l’adresse où il exerce son activité et qui est généralement l’adresse de son domicile (NDLR: une des recommandations émises par le SPF Economie, dans un souci de traçabilité des créateurs de contenu à caractère publicitaire. La mention de l’adresse d’une fédération d’entreprises est à présent autorisée pour des questions de protection de vie privée). Nous sommes demandeurs d’un statut clair pour les influenceurs en tant qu’employés par une entreprise. Nous souhaiterions être entendus, être invités autour d’une table ou dans des panels, afin de pouvoir faire connaître notre activité et faire valoir notre point de vue.

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