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Comment le Brabant wallon est devenu une vraie success-story

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Trente ans après sa création, le Brabant wallon fait preuve d’une santé économique insolente, disputant à Anvers et au Brabant flamand le titre de province la plus riche du pays.

Le 30 mai dernier, l’accord de coopération entre l’Etat belge, les trois Régions et les Communautés française et flamande pour la mise en œuvre de la scission du Brabant a fêté ses trente ans. Décidée huit mois plus tôt, en septembre 1992, dans le cadre de l’accord dit de la Saint-Michel entérinant une révision de la Constitution pour intensifier la fédéralisation du pays, elle signifiait donc l’instauration d’un Brabant flamand et d’un Brabant wallon. Le 1er janvier 1995 est leur date de naissance officielle, mais c’est bien le 30 mai 1993 que tout a réellement commencé pour elles, en tant qu’entités à part entière.

Trente ans, donc, ont suffi pour faire du Brabant wallon la province la plus riche du pays. Alors qu’elle en est la plus petite (1 090 km2, soit 6,49% du territoire wallon et 3,57% du territoire belge) et, ex æquo avec son homologue flamande, la plus jeune – les huit autres remontant à 1830 et la création de la Belgique.

La plus riche, vraiment? «Si l’on prend en compte le PIB – à savoir ce qui est produit sur le territoire de la province, y compris par ceux qui n’y habitent pas – , elle se dispute la première place avec la province d’Anvers, répond Didier Paquot, chief economist et directeur de recherche au Wallonia Policy Lab de l’Institut Jules Destrée. Selon Eurostat, entre 2018 et 2020, le PIB par habitant du Brabant wallon était le plus élevé de toutes les provinces belges. Mais en 2021, Anvers a repris la tête: son PIB par habitant se chiffre à 52 100 euros, contre 51 600 euros pour le Brabant wallon. La troisième province, la Flandre-Orientale, est distancée, avec 44 200 euros par habitant. Si l’on regarde le revenu – celui des habitants la province – et toujours selon Eurostat mais pour l’année 2020, dernière année disponible, le Brabant wallon se classe deuxième, avec 30 600 euros de revenu médian (les revenus du travail et autres avant impôts, cotisations, etc.) et 24 100 euros de revenu disponible (les revenus après impôts, cotisations, etc.), derrière le Brabant flamand (respectivement 32 800 euros et 25 400 euros).»

Dans son rapport Le Brabant wallon en chiffres, édition 2023, la Fondation économique et sociale de la province précise pour sa part que «le revenu annuel médian du Brabant wallon, d’un montant de 28 104 euros (NDLR: chiffres 2020), est en constante augmentation de 530 euros par an depuis 2006. Le différentiel de ce revenu annuel médian est de + 3 300 euros par rapport à celui de la Wallonie et de + 1 700 euros comparé à celui de la Belgique.»

Des indicateurs unanimes

Toutes les autres données confirment la santé insolente de la jeune province: revenus des ménages (salaires et traitements bruts) et de la propriété les plus élevés du pays juste derrière le Brabant flamand ; en 2022, taux d’emploi de 74,7% (numéro un wallon) et taux de chômage de 5,6% (deuxième wallon derrière le Luxembourg) ; en 2020, 23,615 milliards d’euros d’exportations (40,1% des exportations wallonnes et 6,5% du pays), soit une augmentation de 77% depuis 2011, pour 16,150 milliards d’importations (44,6% des importations wallonnes et 7,4% du pays), soit une augmentation de 22,5% en neuf ans.

Le revenu annuel médian du Brabant wallon est en constante augmentation: + 530 euros/an depuis 2006.

On peut aussi citer la présence de dix parcs d’activité économique et d’un parc scientifique, un accroissement de la population de presque cent mille habitants entre le 1er janvier 1993 et le 1er janvier 2023 (de 329 614 à 412 934), soit un taux de croissance de plus de 25% – «contre 15% en Belgique et 11,2% en Wallonie», rappelle la Fondation économique et sociale du Brabant wallon, avec la perspective d’atteindre 490 000 habitants en 2070, dont 87 500 de moins de 18 ans. Le taux de mortalité (neuf décès pour mille habitants) est en outre inférieur aux moyennes belge (9,8) et wallonne (10,7). Et l’espérance de vie (84,5 ans pour les femmes, 80,3 pour les hommes) est supérieure aux moyennes nationale (83,8 et 79,6 ans) et régionale (82,4 et 77,6 ans).

Le pôle sportif de haut niveau de Louvain-la-Neuve, nouvelle vitrine de l’excellence de la jeune province.
Le pôle sportif de haut niveau de Louvain-la-Neuve, nouvelle vitrine de l’excellence de la jeune province. © belgaimage

Une évolution fulgurante que Didier Paquot justifie par la concomitance de conditions heureuses, bien davantage que par une stratégie pensée, défendue et déployée localement ou régionalement: proximité avec Bruxelles, présence de l’UCLouvain, développement de GSK à Wavre, arrivée massive d’une population aisée issue de la capitale ou de l’étranger (10,81% de non-Belges au 1er janvier 2023), développement et construction sur des terrains vierges et sans souci de réaffectation de sites industriels… Tout cela a mené en moins de trente ans la petite province wallonne à tutoyer les plus florissantes d’Europe. Même si la réalité de ses 27 communes est différente: le niveau de vie, les revenus, le type de population, les secteurs d’activité et l’héritage économique varient fortement entre Tubize et Lasne, Orp-Jauche et Rixensart, Louvain-la-Neuve et Beauvechain, Waterloo et Incourt, etc.

Un ensemble non uniforme

C’est que le BW est un ensemble hétéroclite, jusque dans son histoire ancienne. Avec ses sites technologiques de haut vol et ses forges désaffectées, ses multinationales pharmaceutiques et ses exploitations agricoles (1 040 en 2021) – lors de la dernière Foire de Libramont, Sophie Van Parijs, éleveuse à Braine-l’Alleud, a remporté le deuxième prix du concours Qu’elle est belle ma prairie, la sienne s’étendant sur 18 ha! –, ses centres nationaux d’excellence sportive opérationnels (natation à Louvain-la-Neuve) ou annoncés (hockey à Wavre) et ses spectacles dans les ruines de Villers-la-Ville, Walibi et la plaine de Waterloo, ses 22 hôtels, la plage de Renipont et la cavalcade de Nivelles, la Fondation Folon et les bunkers qui n’ont servi qu’un seul jour en mai 1940…

Qu’elle soit devenue l’entité la plus prospère de Wallonie, et régulièrement de Belgique, alors qu’on entérinait sa naissance il n’y a que trente ans, relève donc de ce qui ressemble à un petit miracle. Qui valait bien une auscultation.

«L’histoire sert de levier pour l’avenir», le slogan de l’abbaye de La Ramée va comme un gant au Brabant wallon.
«L’histoire sert de levier pour l’avenir», le slogan de l’abbaye de La Ramée va comme un gant au Brabant wallon. © belgaimage
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