Christophe Hardiquest ne suit pas l’appel des autres chefs étoilés: « Pas le moment de se plaindre »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le chef doublement étoilé de Bon-Bon n’a pas signé l’appel à l’aide de ses collègues. Il nous explique pourquoi. « La créativité, c’est notre seule force, la seule arme qui peut faire du bien à la société », dit-il.

Ensemble, des chefs représentant une cinquantaine d’étoiles au Michelin ont écrit mardi une lettre ouverte à l’attention de la Première ministre, Sophie Wilmès (MR) et des ministres-présidents régionaux pour lancer un cri d’alarme et réclamer des mesures de soutien. Parmi les signataires, pas de trace de Christophe Hardiquest, chef du doublement étoilé Bon-Bon à Bruxelles. Il nous en explique les raisons. Son leitmotiv du moment? « Là où il y a la volonté, il y a un chemin? »

Vous n’avez pas signé l’appel des chefs, pourquoi?

J’ai été contacté par les auteurs du texte et je leur ai expliqué que je ne souhaitais pas le signer. Ce n’est pas le moment de se plaindre. Cette crise sanitaire sans précédent doit au contraire être le moment de sortir de sa zone de confort et de se poser des questions au sujet de ce que nous faisons. Si nous n’avons plus les moyens d’avoir des restaurants gastronomiques tels qu’ils existent aujourd’hui, la vraie question est de savoir comment se renouveler. Le rôle d’un chef ou d’un leader, c’est d’être créatif et de passer outres les obstacles. Nous devons reprendre le temps, élaborer une vision pour demain, qui cherche notamment à ne plus être polluante.

Votre situation n’est-elle pas difficile?

Nous sommes dans la merde, bien sûr, c’est une évidence. Mais ce n’est pas la première fois que cela arrive dans l’histoire, c’est notre condition humaine, et l’homme a toujours fini par se relever. Ces dernières semaines, j’ai profité la crise pour cuisiner à l’attention des hôpitaux avec les fins de rayon de chez Rob, le supermarché de gastronomie fine. Cela m’a amené un business parce que j’ai ensuite composé un menu commercialisé chez eux.

C’est cela le rôle d’un chef, pas de demander de l’argent à l’Etat parce qu’il est tout autant dans la merde que nous ! Mes collègues appellent notamment à une exonération des charges sociales jusqu’à la fin de l’année. Mais heureusement que nous payons des charges sociales et que nous vivons en Belgique ! J’apprécie ce que l’on a décidé au Danemark : ne pas octroyer de soutien financier aux entreprises qui continuent de verser des dividendes ou qui sont inscrites dans des paradis fiscaux.

Comment traversez-vous cette crise?

Je n’ai pas changé, je suis au restaurant tous les jours à 7h du matin. Nous nous battons avec une belle énergie, de beaux projets. Je me dis qu’il est important d’apprendre à voir les choses différemment. Il y a plein de gens qui soutiennent ma démarche. J’attends des chefs qu’ils mettent leur image au service de la société, pas qu’ils cultivent une approche néolibérale. Mes comptes sont en rouge, mais j’essaye de trouver des solutions. J’ai toujours payé mon personnel à plein-temps et j’assume afin qu’il ne soit pas dans la merde.

J’en ai parfois marre de l’hypocrisie, cela me fatigue. On se dit solidaire, mais solidaire de quoi ? On veut plus d’humanité, plus de solidarité ou tout simplement plus de pognon ? Moi, je ne veux pas me plaindre, je veux rester positif et fidèle à mes valeurs. La créativité, c’est notre seule force, la seule arme qui peut faire du bien à la société !

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