Pierre Havaux

Chez nous, l’hospitalité se mérite ou s’achète

Pierre Havaux Journaliste au Vif

La suédoise part à la chasse aux cadeaux aux demandeurs d’asile et migrants. Sous prétexte de générosité déplacée, au nom d’abus non prouvés et d’économies budgétaires dérisoires. Mieux vaut être kazakh et milliardaire pour recevoir bon accueil.

Pas de quoi fouetter un chat, encore moins soulever les foules. Trois fois rien, juste une poignée d’articles de loi bien utiles pour mettre fin à des accès de générosité déplacée.

La suédoise (N-VA – MR – Open VLD – CD&V) agit en gouvernement responsable. Soucieux des deniers de l’Etat, attentif au moindre abus qui menacerait l’intérêt supérieur de la nation. Pour parvenir à ses fins, il aime opérer par frappes chirurgicales. Son public-cible : l’individu venu d’ailleurs.

La distribution des rôles est parfaite. Johan Van Overtveldt (N-VA), ministre des Finances, s’est chargé d’obtenir du Parlement la suppression du crédit d’impôts pour enfants à charges jusqu’ici accordée aux demandeurs d’asile dépourvus de revenus professionnels. Daniel Bacquelaine (MR), ministre des Pensions, attend des députés fédéraux qu’ils rendent plus compliqué l’octroi de la GRAPA, cette garantie de revenus accordée aux personnes qui, parvenues à l’âge légal de la pension, peinent à nouer les deux bouts faute de ressources financières suffisantes : fini de toucher le pactole sans avoir séjourné au moins dix ans en Belgique, dont cinq ans de façon ininterrompue. Preuves à l’appui, bien entendu.

Il était temps d’adresser ces signaux forts. De signifier que la période des petits cadeaux accordés les yeux fermés est révolue.

Johan Van Overtveldt a parlé : « Recevoir de l’argent du fisc sans disposer de revenus imposables ou avoir payé d’impôt » quand on débarque en Belgique dans l’espoir d’obtenir l’asile sans en avoir la certitude, ne pouvait plus se concevoir. Daniel Bacquelaine dit : « Recevoir une allocation, dans certains cas supérieure à la pension de beaucoup de travailleurs belges qui ont payé des cotisations sociales tout au long de leur carrière » alors qu’on n’a jamais résidé ni travaillé en Belgique, ne peut plus être toléré.

Il faut en finir avec le shopping social, le bien connu « effet d’aspiration » déstabilisateur. Il y va de la survie financière du système. Daniel Bacquelaine invite à méditer : le coût de la GRAPA a doublé en dix ans, pour atteindre plus d’un demi-milliard d’euros par an, le nombre de ses bénéficiaires a augmenté de 24%.

Des chiffres, un rapport, vite ! De quoi découvrir l’ampleur des abus constatés et s’effrayer de la masse des profiteurs mis à jour. Las, les deux ministres se présentent les mains vides : aucune analyse d’impact digne de ce nom. Mais la vague promesse d’économies budgétaires proprement mirobolantes : entre 4 et 5 millions d’euros, a balancé Johan Van Overtveldt non sans avoir peiné à glaner une estimation. 9 millions, a communiqué de son côté Daniel Bacquelaine. A cette nouvelle, un député N-VA n’a pu contenir sa joie : « notre système social est plus tenable grâce à une économie de 9 millions d’euros d’ici à 2018 et le pouvoir d’attraction sur les migrants diminue. »

Il a bien sûr fallu balayer certains états d’âmes. Passer outre aux réserves et objections de ces éternels empêcheurs de légiférer en rond que sont les magistrats du Conseil d’Etat. Qui doutent de la compatibilité du tour de vis opéré par Van Overtveldt avec le principe d’égalité. Et qui prennent acte du « recul significatif du niveau de protection sociale » contraire à la Constitution car insuffisamment justifié, que causera le serrage de boulons administré par Daniel Bacquelaine.

Foutaises que tout cela, là n’est pas la question. Le ministre des Finances en a fait « une décision de principe reprise dans l’accord de gouvernement », qui ne souffre aucun retard. Le ministre des Pensions en fait une nécessité de « prouver et de renforcer le lien que doit avoir avec la Belgique et son système d’assistance sociale le bénéficiaire d’une allocation sociale pour laquelle il n’a pas dû payer de cotisations. »

Rien à voir avec des lois scélérates à relents populistes, aussi odieuses que budgétairement inutiles, comme osent le prétendre des esprits chagrins.

Oui, la Belgique reste une terre d’accueil. Où le tapis rouge se déroule à partir d’une certaine surface financière, où le sens de l’hospitalité se déploie sans entraves à compter d’une certaine fortune. Où l’octroi de la nationalité belge se jauge à l’épaisseur d’un portefeuille kazakh.

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