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Carl Devos : « Il est grand temps de gérer la gestion de crise »

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

Mercredi, le Conseil national de sécurité a décidé d’autoriser à nouveau les visites dans les maisons de repos. Immédiatement, la confusion s’est installée dans les gouvernements et au sein des partis.

La décision du Conseil national de sécurité d’autoriser à nouveau les visites dans les maisons de repos a suscité beaucoup d’incompréhension et de chaos. Les membres du gouvernement et leurs collègues de parti se contredisent, tandis que le secteur concerné se cabre. S’agit-il d’une mauvaise communication? Ou bien les problèmes sont-ils de nature plus structurelle ? Notre confrère de Knack a posé la question au politologue Carl Devos (Université de Gand).

Carl Devos: Alors que nous avons besoin d’une communication claire, les gouvernements fédéral et flamand donnent une impression particulièrement chaotique. Le flou sur les maisons de repos et les événements de masse, le silence complet sur le possible redémarrage des différents secteurs économiques, la question persistante des masques… Je comprends que vu la situation, il n’est pas facile de tout contrôler, surtout maintenant que la pression sociale augmente pour assouplir les mesures. Mais la façon de communiquer est lamentable. Cela nuit à la confiance dans la politique.

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Koen Geens (CD&V) salue la mesure sur les visites aux maisons de repos, avant que son collègue du parti et ministre Wouter Beke revienne sur la décision. Le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) approuve la décision, tandis que Zuhal Demir (N-VA) exprime sa colère.

Le Conseil de sécurité était annoncé depuis plusieurs semaines. On s’attendrait donc à ce que les politiciens se préparent minutieusement et avec vigilance. Il y a eu trop peu de consultation entre les partis au pouvoir. Il y a eu trop peu de consultation entre les différents niveaux. Les secteurs concernés ont été trop peu consultés. Il semble que chacun soit coincé dans la bulle de sa propre force opérationnelle. Il n’est donc pas surprenant que tôt ou tard, les choses tournent mal.

Wouter Beke aurait reçu l’avis de l’exit-taskforce (GEES) seulement une heure avant le Conseil national de sécurité. Pourquoi ne l’a-t-il pas reçu plus tôt ? Tous les niveaux auraient alors suffisamment de temps pour étudier la proposition et consulter les parties prenantes.

Nous avons besoin d’une gestion de crise qui examine d’urgence le processus décisionnel. Il y a de la friture dans les processus et cela nuit à la qualité des décisions.

L’absence des hommes politiques dans les médias nationaux est également frappante. Ce sont principalement les scientifiques qui expliquent la situation et les décisions prises.

Soyons clairs : nos virologistes, épidémiologistes, biologistes impliqués… ont une bonne réputation et font tout leur possible pour résoudre les problèmes. Mais évidemment – et c’est bien – il y a des divergences d’opinions sur la façon dont cette crise va évoluer. Plus d’une fois, cela entraîne une communication peu claire, parfois même une panique. Le gouvernement fédéral a pris la sage décision d’étayer l’approche de la crise de la couronne de la manière la plus scientifique possible. Mais en fin de compte, ces scientifiques ne formulent que des conseils dont les politiciens peuvent tenir compte. Ce sont les hommes politiques qui doivent communiquer ces décisions. Pas les scientifiques !

La Première ministre Sophie Wilmès dit qu’elle préfère travailler plutôt que d’apparaître dans les médias.

Tout cela sonne très bien, mais passer à la télévision, c’est travailler. Comme si l’information – surtout à notre époque – ne faisait pas partie du travail d’un Premier ministre. Ce sont les hommes et femmes politiques qui doivent expliquer davantage les décisions qu’ils prennent. Aux moments les plus insignifiants, les politiciens se pressent pour être interviewés, alors qu’en pleine crise, on les voit à peine. Ça ne se fait tout simplement pas de laisser les virologues s’occuper de la communication.

Il y a quelques semaines, la Belgique a reçu des éloges de l’étranger pour sa lutte contre la crise du coronavirus, aujourd’hui, le gouvernement est dans l’oeil du cyclone. Comment évaluez-vous le parcours politique de notre pays ?

Aujourd’hui, le bilan est plutôt négatif, mais il ne faut pas oublier que, tant le niveau fédéral que le niveau flamand, ont également réalisé de bonnes choses. En fin de compte, l’évaluation sera plus équilibrée. En tout cas, il est difficile de prévoir les effets à long terme. Au sein de la politique belge, vous n’entendrez personne défendre une prolongation des pleins pouvoirs. Le « superkern » et la commission parlementaire de pleins pouvoirs ne fonctionnent pas.

Lorsque les négociations gouvernementales prendront une forme concrète, il n’est pas impensable que Maggie De Block (Open VLD), par exemple, doive disparaître. Son collègue de parti Alexander De Croo, a fait un meilleur travail ces derniers mois et pourrait devenir le visage de l’Open VLD dans un gouvernement fédéral. Même au niveau flamand, ce n’est pas impossible. La coalition suédoise n’excelle pas dans la gestion de la crise et continue à se débattre avec elle-même. Dans un scénario où – à titre d’exemple – la N-VA échange l’Open VLD contre SP.A, il n’est pas inconcevable que Wouter Beke doive faire ses valises, même si cette éventualité paraît faible.

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