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Retard des vaccins Pfizer: quel impact sur la stratégie belge ?

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Début décembre, les autorités ont annoncé une première livraison de quelque 600 000 doses du vaccin de Pfizer en Belgique. Une promesse qui ne pourra finalement pas être tenue : le géant pharmaceutique Pfizer ne sera en mesure de livrer que la moitié des doses initialement prévues. La cause du problème ? Une pénurie de certaines matières premières.

La Belgique recevra au début du mois de janvier non pas 600 000 mais 300 000 vaccins Pfizer. Ce retard de livraison pourrait bien ébranler la première phase de la stratégie belge de vaccination. En sachant que deux doses par habitant sont nécessaires pour protéger efficacement la population, seuls 150 000 résidents de maisons de repos pourront être vaccinés, au lieu des 300 000 initialement prévus. Une annonce qui jette un froid et qui suscite quelques inquiétudes au sein de la communauté médicale.

Des précommandes en masse

Alors que l’Agence européenne des médicaments (EMA) n’a pas encore donné son feu vert quant à la distribution des vaccins Pfizer en Europe, la course à l’acquisition est déjà lancée. Une grande partie du stock de Pfizer est déjà réservée en Europe. La Commission européenne a en effet négocié un contrat pour la fourniture de 300 millions de doses. De leur côté, les États-Unis ont commandé 100 millions de doses. Le Japon a lui aussi commandé et payé 120 millions de doses. Au total, 8,8 milliards de doses de vaccins (tous vaccins confondus) ont déjà été réservées par les différents pays à travers le monde, selon l’université de Duke.

Il faut savoir que vacciner la totalité de la population européenne nécessiterait 1,3 milliard de doses (650 millions d’habitants x2 doses pour chacun). C’est exactement la quantité qu’estime pouvoir produire Pfizer en 2021… mais pour le monde entier. Il va donc falloir se partager le gâteau. AstraZeneca prévoit, quant à lui, de produire deux milliards de doses en 2021. L’UE s’est également vu promettre jusqu’à 160 millions de doses de Moderna. Selon la Cepi (Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies), si tous les vaccins actuellement en cours de développement étaient validés, on arriverait à une capacité de production de deux à quatre milliards de doses d’ici fin 2021. Largement suffisant pour vacciner les personnes prioritaires dans le monde, estimées à 1,7 milliard de personnes par l’OMS.

Encore faut-il pouvoir suivre la cadence… De nombreux vaccins reposent en effet sur des technologies encore jamais éprouvées dans la conception de vaccins, sans compter la logistique à déployer pour acheminer tous ces vaccins. Le vaccin Pfizer nécessite, par exemple, d’être conservé sous la barre des -70 degrés Celsius. Une température que très peu de congélateurs peuvent atteindre. La course aux vaccins s’est donc rapidement transformée en course à l’équipement, afin de s’assurer que la chaîne du froid sera respectée lors de la distribution mondiale des doses. Le transport et l’acheminement des doses sont autant de défis qui pourraient mettre à mal les diverses stratégies de vaccination en Europe. Mais la production en masse s’avère également plus compliquée que prévu. Et la Belgique, parmi tant d’autres pays européens, en fait déjà les frais.

Quand l’offre ne rencontre plus la demande

La Belgique devait recevoir un premier envoi de 600 000 doses du vaccin Pfizer en janvier, mais ces doses ne seront pas toutes livrées à temps en raison d’un retard de production chez Pfizer. Selon l’Agence fédérale des médicaments (AFMPS), il n’y en aura plus que 300 000 disponibles dès le lancement de la première phase de vaccination.

Plusieurs raisons expliquent ce retard : « Premièrement, la production d’un vaccin à ce rythme est du jamais vu. En outre, l’intensification de la chaîne d’approvisionnement des matières premières a pris plus de temps que prévu. Ce qui a également eu un impact, c’est que les résultats des essais cliniques ont été légèrement plus tardifs que prévu initialement« , a déclaré une porte-parole de Pfizer à Reuters.

Ce problème de matières premières daterait déjà d’octobre. Selon le Financial Times, ce retard découlerait d’une pénurie de particules lipidiques utilisées pour permettre le transport du matériel ARN qui constitue le contenu actif du vaccin à travers le corps. Sans ces particules graisseuses, l’ARN se décompose lorsqu’il entre en contact avec le sang et d’autres cellules. L’approvisionnement en nanoparticules lipidiques serait en effet « assez limité » en Europe.

La stratégie de vaccination se poursuit

Pfizer se veut néanmoins rassurant : le retard peut être rattrapé. Les divers ajustements des lignes de production, tant aux États-Unis qu’en Europe, sont désormais terminés, et les doses sont produites à un rythme rapide.

« Il est vrai qu’une telle opération au niveau mondial est inédite et pose des problèmes de logistique. Les quantités de vaccins prévues seront bel et bien produites en Belgique », indique Pfizer. « Cela n’affectera pas la date de début de la campagne de vaccination. Même s’il est possible que son implémentation soit un peu plus lente dans un premier temps, la mise en oeuvre de la stratégie de vaccination telle qu’elle se présente actuellement pourra donc commencer au début du mois de janvier comme prévu ».

Même son de cloche du côté des autorités belges. Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke a lui aussi déclaré que ce retard pourrait être largement résorbé d’ici février. « Nous mettons tout en oeuvre avec nos collègues des Régions et des Communautés pour être prêts dès le 5 janvier si nous avons bien reçu les vaccins. Les informations communiquées par Pfizer ne nous empêcheront pas de démarrer la phase 1a de notre plan de vaccination début janvier comme prévu », a fait savoir une porte-parole du ministre.

Ce retard entraînera inévitablement des modifications dans le planning de la campagne de vaccination. Une situation qui inquiète l’épidémiologiste Yves Coppieters : « Ce ne sont pas de bonnes nouvelles « , a-t-il déclaré à la RTBF. « Cela va retarder la bonne gestion de l’épidémie dans notre pays. Cela obligera à revoir la stratégie de vaccination.  » Initialement, il était prévu de vacciner en parallèle les maisons de repos et les hôpitaux (personnel soignant de première ligne). Au vu de la situation actuelle, la campagne de vaccination devra sans doute d’abord se focaliser sur les maisons de repos. Les hôpitaux suivront ensuite.

Le vaccinologue Pierre Van Damme ne s’attend pas à des conséquences majeures pour la campagne de vaccination. « Les doses de janvier viendront dans le courant de février et mars, afin que nous puissions rattraper le petit retard accumulé. D’ici la fin du mois de mars, nous serons de retour dans les temps ».

D’autant que d’ici là, la Belgique devrait également disposer des vaccins élaborés par les laboratoires Moderna et Astra-Zeneca.

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