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Notre sondage: la communication sur les soins du futur doit être fort améliorée

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Principaux enseignements du sondage, au-delà de la satisfaction globale: les délais pour un rendez-vous et la proximité de l’hôpital sont prioritaires. L’hôpital reste un ciment pour les Belges. Qui doit être préservé pour l’avenir.

« C’ est une agréable surprise! » Didier Delval, le directeur-général du CHwapi, le Centre hospitalier de Wallonie picarde, ne cache pas son contentement en découvrant les résultats positifs du sondage Dedicated. « Les patients se disent satisfaits, que ce soit pour la qualité des soins ou même pour l’écoute du personnel soignant, et ce, alors que l’hôpital vit une situation très difficile depuis mars 2020, observe-t-il. Je ne peux cacher que je suis fier du secteur. Et cela inclut tout le personnel: infirmiers, médecins, logisticiens, techniciennes de surface, cuisiniers… Tous ont modifié leurs horaires, leurs congés, ont fait un effort dans l’effort pour que les soins continuent au mieux. C’est visiblement payant. »

L’hôpital reste un bon ciment pour les Belges, un maillon essentiel de la société, dont le rôle doit encore être renforcé.

Voilà, c’est dit. Cocorico mérité. Que les hôpitaux ont continué à tourner quand tout le pays était à l’arrêt n’a échappé à personne. La reconnaissance ou l’indulgence des patients, via ce sondage, fera du bien aux professionnels concernés. Mais, pour le Dr Delval, « les soignants n’ont pas vraiment changé depuis la Covid, c’est plutôt le regard sur le métier des soignants au sens large qui a évolué« . A la tête de l’ Association belge des hôpitaux, Francis de Drée, qui est aussi directeur général de l’hôpital Jules Bordet, à Bruxelles, considère que « les résultats positifs de l’enquête montrent à quel point l’hôpital reste un bon ciment pour les Belges, un maillon essentiel de la société, dont le rôle doit encore être renforcé ». Et de souligner qu’il est primordial de susciter la vocation d’y travailler, surtout à l’heure on l’on enregistre de nombreuses désaffections chez les infirmiers.

Jean Macq, qui est professeur de santé publique à l’UCLouvain, émet malgré tout quelques réserves et se demande si le haut niveau de satisfaction des patients ne s’explique pas en partie par une surévaluation due au sujet même du sondage. « On a tendance à répondre plus favorablement lorsqu’il s’agit de l’hôpital, dont tout le monde a besoin, plutôt que des impôts ou de l’action de la police », explique-t-il. Mais selon Adrien Dufour, président de la Fédération nationale des infirmièr(e)s de Belgique, 93% de satisfaction globale, c’est évidemment bon signe. « Cela signifie que le système tient la route, dit-il. Mais à quel prix pour le personnel! Pas sûr que ce chiffre reste le même à l’avenir vu le hiatus actuel: d’un côté, les attentes des patients ne cessent d’augmenter, de l’autre, les hôpitaux s’épuisent et se vident. Il y a un déficit structurel grandissant en personnel. Or, le fameux Fonds Blouses blanches n’aura d’effet que dans quatre ans, lorsque les nouveaux candidats sortiront des écoles d’infirmiers. »

S'il est inévitable de centraliser certaines technologies médicales spécialisées, il faudra garder des unités décentralisées pour des soins plus classiques, comme les échographies et les radios.
S’il est inévitable de centraliser certaines technologies médicales spécialisées, il faudra garder des unités décentralisées pour des soins plus classiques, comme les échographies et les radios.© GETTY IMAGES

Trop d’attente

Parmi les facteurs de mécontentement: la crise sanitaire aura surtout affecté les rendez-vous tant en consultation qu’en hospitalisation, dont un bon nombre – 20%, selon les répondants au sondage – ont dû être annulés ou reportés, le plus souvent à l’initiative de l’hôpital. « Une proportion encore raisonnable vu l’ampleur de la crise », selon le Pr Macq. Mais, de manière générale, les délais pour obtenir un rendez-vous sont jugés trop longs par les patients. C’est le gros point noir. « Ce problème a été accentué par la Covid, commente le Dr Delval. Cela dit, le respect doit être mutuel. Avant la pandémie, nous avions déjà mis en place, dans les établissements du CHwapi, un système de rappel des rendez-vous par SMS parce que jusqu’à 30% de patients ne s’y rendaient pas, sans prévenir. »

Pour Francis de Drée, il y a sans aucun doute des progrès à faire dans ce domaine. « Cela pose la question de l’accès aux professionnels médicaux et, surtout, à certaines spécialités, analyse-t-il. D’ailleurs, et c’est corrélé, le facteur « accessibilité » reste très important pour les patients, comme le montre notre enquête. Les Belges ont l’habitude d’avoir un hôpital à proximité. » C’est d’ailleurs l’un des deux principaux critères de choix de l’hôpital où ils se rendent, avec celui de la présence d’un spécialiste spécifique. D’où la crainte affichée des Belges par rapport aux fusions d’hôpitaux, qui risquent de les éloigner de l’institution qu’ils ont l’habitude de fréquenter.

« Les hôpitaux et les politiques ont manifestement mal communiqué sur les fusions, commente Jean Macq. Il est inévitable de centraliser certains types de soins et de technologies médicales comme la RMN (NDLR: la résonance magnétique nucléaire). C’est même une garantie de meilleure qualité car on va concentrer les compétences. Mais on gardera des unités décentralisées, du genre polyclinique, pour des examens et soins plus classiques, comme, sans doute, les échographies, les radios, les consultations chez certains spécialistes… Tout l’enjeu sera de trouver le bon équilibre. Il faudra aussi un jour sortir de la logique des piliers hospitaliers, catholique et laïque, dans laquelle se trouve encore surtout la Belgique francophone et qui n’a aucun sens en matière de santé. »

Moins contents, les Wallons

Dans les différences régionales, il semble qu’il y ait davantage d’insatisfaction côté wallon, en tout cas en matière de modernité des infrastructures et du matériel. « L’investissement dans les briques relève des Régions, rappelle Francis de Drée. Les stratégies ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre. » Et la Flandre est la plus avancée en matière de rénovation et de construction de nouveaux hôpitaux. « L’étude Maha sur la santé financière des hôpitaux montre tout de même que, malgré leur situation financière, les établissements wallons gardent une capacité d’investissement dans du matériel de pointe, nuance Didier Delval. Quant aux bâtiments, le plan Greoli de 2019 est en cours. Le gouvernement wallon a donné des moyens aux institutions qui ont rentré des projets. Cela prendra encore deux à cinq ans. »

C’est le regard sur le métier des soignants au sens large qui a évolué.

On retrouve aussi des différences nord-sud sur le plan des attentes pour l’hôpital de demain. Ce que les Belges souhaitent y trouver absolument concerne en premier lieu des soins de qualité et une amélioration des soins. Une attente somme toute cohérente à l’égard d’une institution qui dispense des soins. Ce souhait est tout de même deux fois plus fort côté wallon que flamand. Mais le fait que 45% des répondants disent ne pas savoir que souhaiter pour le futur montre que peu de Belges parviennent à se projeter dans l’avenir des hôpitaux. Et le faible taux en ce qui concerne les soignants (4% pour « plus de personnel » et 1% pour « de meilleures conditions pour le personnel ») est significatif de l’ignorance, et donc sans doute de la mauvaise communication, sur les changements qui s’opèrent au sein des hôpitaux.

Depuis la rentrée, un nouveau master forme les infirmiers à plus d'autonomie dans la prise de décisions.
Depuis la rentrée, un nouveau master forme les infirmiers à plus d’autonomie dans la prise de décisions.© BELGA IMAGE

L’infirmier du futur

« En effet, les patients restent dans la logique traditionnelle où l’acteur principal est le médecin tandis que l’infirmier est une sorte de sous-fifre, analyse le Pr Macq. Cette vision injuste ne correspond pas à la réalité. Les infirmières et infirmiers ont de plus en plus de responsabilités et ce sera encore davantage le cas demain. Cette année, un nouveau master universitaire est proposé pour former des « infirmiers en pratique avancée », comme au Canada ou en Australie où le manque de généralistes est patent. Ces infirmiers seront plus autonomes dans la prise de décisions en termes de diagnostic, prescription, traitement, pour des cas routiniers. »

En Belgique, ils seront amenés à prendre en charge des malades chroniques, tels que les diabétiques ou les hypertendus, comme cela se passe déjà en oncologie. Ils seront plus disponibles que les médecins et auront sans doute une meilleure relation avec les patients. « On en aura d’autant plus besoin que, à cause du numerus clausus, il y aura de moins en moins d’assistants médecins qui, aujourd’hui, font ce genre de boulot, avertit Jean Macq. L’infirmier du futur aura un rôle de référent essentiel, notamment pour s’assurer que tout a bien été expliqué au patient et pour tout décoder le cas échéant, pour le guider aussi dans son itinéraire clinique. Or, de meilleures explications et une meilleure communication sont des souhaits exprimés par les Belges dans le sondage. »

Pour Adrien Dufour, 45% de Belges qui ne savent pas se projeter, c’est déroutant: « Le patient est aussi un électeur qui a un rôle à jouer dans une meilleure prise en charge à l’hôpital demain », dit-il en évoquant le paradoxe entre les 15% qui souhaitent une amélioration de la qualité des soins et les 4% qui désirent davantage de personnel. « L’un ne va pas sans l’autre, mais les Belges ne semblent pas en être conscients », constate le président de la FNIB qui, pour mieux communiquer en la matière, vient de lancer une petite vidéo qui explique que c’est dans l’intérêt santé du patient d’avoir davantage de personnel travaillant dans de bonnes conditions.

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