Diminuer le trafic de 20 % d’ici à 2018

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Iris II, le nouveau plan de mobilité engagé par le gouvernement bruxellois, a beau faire des sceptiques, tout le monde est d’accord sur un point : l’engorgement de la ville devait obligatoirement être combattu. Reste à voir si l’on réalisera les objectifs dans le temps imparti.

Le 9 septembre dernier, Iris II, le plan régional des déplacements, était approuvé par le gouvernement bruxellois. L’objectif principal ? Diminuer la pression automobile de 20 % d’ici à 2018 dans les artères de la capitale, en prenant 2001 comme référence. Et avec une première étape de 6 à 10 % d’ici à 2015. Ambitieux, surtout quand on sait que son prédécesseur, Iris I, adopté en 1998, n’a abouti qu’à des avancées partielles. Iris II pourra-t-il aller plus loin et donner des résultats plus concrets ?  » On reprend les mêmes recettes qu’avec Iris I. En 1995, on voulait déjà diminuer de 20 % le trafic à Bruxelles et il a considérablement augmenté « , s’inquiète Didier Gosuin (FDF), qui dirige l’opposition MR au parlement bruxellois.

Engorgée plus souvent qu’à son tour, Bruxelles se devait pourtant de réagir. Sous peine de souffrir toujours davantage de l’asphyxie qui la tenaille.  » On est arrivé à un point où ça ne va plus du tout : tout est bloqué tous les jours « , confie Bruno De Lille (Groen !), secrétaire d’Etat à la Mobilité. Qualité de vie altérée, quartiers résidentiels utilisés comme itinéraires bis, pics de pollution, retards dans les livraisons de marchandises : l’impact de cet afflux massif de voitures dans les rues de la capitale n’a pas manqué d’alerter les autorités régionales. Lesquelles, avec ce fameux plan Iris II, jouent sempiternellement la même note : il faut voir ce plan comme un tout. On ne dissuadera pas les automobilistes de délaisser leur voiture sans véritables alternatives crédibles, notamment au niveau des transports en commun. Ce à quoi l’administrateur délégué de la Stib, Alain Flausch, répond par l’image de l’£uf ou la poule : les transports en commun bruxellois seraient déjà bien armés, il suffirait simplement de libérer l’espace phagocyté par les voitures pour améliorer le service.

Alain Flausch (voir l’interview page 124) parle de mollesse dans les niveaux de contrainte : comme si Iris II tablait uniquement sur la bonne volonté des navetteurs et des automobilistes pour réussir. Ou sur sa capacité à les dégoûter. L’élément de contrainte serait encore trop léger.  » Changer les habitudes des gens n’est pas facile. Il faut donc modifier drastiquement les circonstances dans lesquelles prennent place ces habitudes. Iris II n’est pas un menu, comme au restaurant : il ne faut pas se fixer uniquement sur ce qui pénalise les automobilistes « , estime Bruno De Lille qui se dit  » secrétaire d’Etat à la Mobilité, pas uniquement à la Mobilité douce « . De fait, donner des alternatives à la voiture passerait essentiellement par l’offre massive de transports en commun. Mais pas seulement. Pour Bruno De Lille, cycliste convaincu, le vélo et la marche doivent également être largement encouragés. Il faudrait donc plus de sites propres pour les bus, trams et vélos :  » A Bruxelles, 25 % des déplacements représentent des distances de moins d’un kilomètre et 62,5 %, des distances de moins de 5 kilomètres. Dans le premier cas, la marche doit être encouragée, dans le second, le vélo doit représenter une alternative. Dangereux de rouler en vélo à Bruxelles ? Cela fait douze ans que je le fais, je n’ai été renversé qu’une fois, très légèrement.  » On peut déjà s’apercevoir, à ce sujet, que le système de vélos partagés Villo commence à vraiment démarrer. Dans 11 communes bruxelloises, près de 180 stations offrent des bicyclettes interchangeables aux utilisateurs (50 000 abonnés long terme et 60 000 utilisateurs occasionnels).

Beliris pour 10 ans à la Stib

Si l’on se targue, chez Bruno De Lille, de réfléchir aux stratégies de mobilité, c’est bien chez sa  » chaperonne  » Brigitte Grouwels, ministre des Transports et des Travaux publics, que les vraies décisions se prennent. Au point que certaines mauvaises langues qualifient Bruno De Lille de  » secrétaire d’Etat aux pistes cyclables « …  » C’est vrai que quand il y a du concret, c’est moi qui dois le faire, qui ai les budgets « , confirme la ministre CD&V. Qui enchaîne tout de go quand on lui parle d’Iris I et des doutes que sa réalisation partielle inspire à propos de son successeur :  » Il faut laisser sa chance à Iris II. On doit augmenter l’offre et la qualité des transports en commun, le rôle de la Stib est essentiel. Malgré la situation financière, nous avons pu gonfler son budget pour 2011, passant à 488 millions d’euros, dont 267 millions dédiés aux investissements.  » Soixante-cinq nouveaux trams seront commandés dans l’année. Et de gros moyens seront dégagés pour la réalisation du prémétro de l’axe nord-sud (4,5 kilomètres de prémétro entre la gare du Nord et Haren, via Schaerbeek et Evere). Ou pour la création d’un tunnel sous la place Meiser qui permettrait aux trams de circuler plus facilement.  » Faire croire que cette ligne nord-sud sera opérationnelle endéans les six ans, c’est de la supercherie intellectuelle « , remarque néanmoins Didier Gosuin, pour qui l’ensemble de l’enveloppe Beliris, fonds venus du fédéral pour garantir les fonctions nationales et internationales de Bruxelles, devrait être affectée aux transports publics :  » Ces 125 millions annuels, qui s’éclatent jusqu’ici en 60 projets au taux d’exécution de 30 %, devraient être affectés totalement à la Stib pendant au moins dix ans, sans quoi Iris II n’y arrivera jamais.  » Les fonds Beliris sont notamment utilisés, pour le moment, au creusage du tunnel sous le boulevard Léopold III : là encore, des voix s’élèvent pour dire que l’Otan n’a eu qu’à bouger le petit doigt pour avoir son tunnel, sans qu’il soit de haute nécessité…

Si Alain Flausch aime à parler de l’£uf ou la poule, Bruno De Lille évoque lui la carotte et le bâton. La carotte, c’est évidemment une amélioration des services et infrastructures de transports alternatifs à la voiture. Mais c’est également l’installation massive de parkings de dissuasion faciles d’utilisation en bordure des gares SNCB et, bientôt (?) RER. Le bâton, par contre, le gouvernement le manie encore avec délicatesse. La réalisation d’un péage urbain à la londonienne n’est pas encore vraiment sur les rails.  » Donner des alternatives convenables est essentiel, mais il est vrai qu’à un moment il faut des choses qui découragent les automobilistes, même si on ne veut pas créer un mur autour de Bruxelles. J’aimerais qu’on aille vers une zone de taxation kilométrique intelligente dans la zone RER, soit 30 kilomètres autour de la ville « , poursuit Brigitte Grouwels, qui admet que cette taxation doit encore être largement imaginée.

D’après la ministre, deux groupes d’automobilistes entrent prioritairement dans la ligne de mire du gouvernement : les Bruxellois eux-mêmes (50 % du trafic) et les navetteurs venus d’un rayon de 30 kilomètres autour de la ville. On connaît les retards rencontrés par le RER, véritable Arlésienne de la mobilité bruxelloise : on parle désormais d’une finalisation en 2019…  » Le gouvernement bruxellois défend bien la capitale sur la question du financement : j’aimerais qu’il soit aussi exigeant pour le RER. Ils doivent par ailleurs prendre de véritables mesures fiscales pour que les gens utilisent moins leur voiture. C’est l’un des paramètres, avec le stationnement, sur lequel la Région peut agir « , lance encore Didier Gosuin. La création d’une  » agence du stationnement « , qui devrait harmoniser les politiques de parking : la volonté d’Iris II est de diminuer de 16 % le nombre de places de parking sur la voirie.  » Ce sera compensé, pour les habitants, en dehors de la voirie « , explique Bruno De Lille, bien conscient que tous les problèmes ne se régleront pas en un coup de cuiller à pot…

GUY VERSTRAETEN

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