Zoé Genot en campagne, en 2007. Son tract de 2009 n'aurait pas influencé le vote musulman. © reporters

Athée, musulman, catholique. Qui a voté quoi

Quel est le poids des convictions philosophiques sur le comportement électoral ? Une enquête  » sortie des urnes  » réalisée à Bruxelles le 26 mai par le Cevipol (ULB) éclaire le scrutin.

Le tract de la candidate bruxelloise Zoé Genot (réélue), positionnant Ecolo comme un parti favorable au port du voile et à l’abattage rituel sans étourdissement, allait-il influencer le vote des musulmans, à Bruxelles et au-delà ? A première vue, non. C’est l’une des premières leçons que l’on peut extraire d’une enquête  » sortie des urnes  » menée le 26 mai par le Centre d’étude de la vie politique de l’Université libre de Bruxelles (Cevipol-ULB) auprès de 1 800 Bruxellois. L’électorat musulman vote massivement pour la gauche, en particulier pour le PS et pour le PTB. Quand on interroge les votants qui se disent musulmans, 49,4 % ont donné leur voix au Parti socialiste, 24,4 % au Parti du travail de Belgique. Vient ensuite Ecolo, avec 10,2 %. Les choix pour les autres partis sont plus éparpillés. Notons que lors de l’exercice similaire, en 2007 (il n’y en a pas eu de ce type en 2010), lors du scrutin fédéral, conduit par le Cevipol, le CDH était alors le troisième parti à séduire cet électorat (1). A l’époque, le PTB était absent des radars, et Ecolo pointait à 10,5 %. Toujours par rapport à l’enquête précédente, le positionnement à gauche de l’électorat musulman à Bruxelles demeure relativement constant.

Première page du journal Le Pèlerin du 12 décembre 1932.
Première page du journal Le Pèlerin du 12 décembre 1932.© REPORTERS

Il ressort également du sondage mené le 26 mai qu’à Bruxelles, Ecolo est le parti dont le public électoral est le plus non croyant (21,4 %). Trois formations suivent, au coude à coude : DéFI (13,4 % ), le MR (13,1 %) et le PS (12,9 %).

Un autre mode de lecture vient éclairer les tout récents choix électoraux dans la Région de Bruxelles-Capitale. La part d’électeurs de telle ou telle confession, parti par parti. Autrement dit, la structure  » cultuelle  » de l’électorat par formation politique. C’est ce que montre le second tableau. Son décodage permet d’épingler d’autres enseignements. Ainsi,  » la structure du vote CDH demeure très marquée par la conviction religieuse et sa pénétration reste nulle auprès des athées et des agnostiques « , commente Pascal Delwit, professeur et politologue au Cevipol. En d’autres termes, le parti humaniste ne parvient pas à attirer un électorat nouveau. La science politique a en effet longtemps montré qu’une pratique religieuse régulière (la fréquentation de l’église ou du temple, qu’on sait en diminution) débouchait sur un vote confessionnel.

Athée, musulman, catholique. Qui a voté quoi

Percée PTB au nord de Bruxelles

Autre leçon : la percée du PTB apparaît de manière évidente au sein de l’électorat musulman.  » Elle touche des jeunes d’origine maghrébine et musulmane, issus de quartiers populaires, notamment dans le nord de Bruxelles, à Anderlecht ou Molenbeek-Saint-Jean « , poursuit Pascal Delwit.

Enfin, un coup d’oeil sur les écologistes et les libéraux bruxellois. Les verts, comme les socialistes d’ailleurs, parviennent à catalyser un électorat transversal, composé d’athées, d’agnostiques, de catholiques et de musulmans. Quant au MR, il pénètre certes difficilement l’électorat musulman, mais son ouverture aux catholiques lui permet d’attirer ces derniers.

Pour autant, il convient de relativiser ces statistiques descriptives (et donc, non analytiques). Au total, la seule grille de lecture reposant sur le facteur religieux ne permet pas d’appréhender le vote. Les athées, les agnostiques, les musulmans, etc. ne votent pas de manière hétérogène. Il manque, ici, par exemple, le degré de pratique religieuse, tout comme d’autres variables, telles que l’exclusion économique, le chômage, le sentiment d’inégalité et une sensibilité aiguë au racisme et à toutes les formes de discrimination.

Dans tous les cas,  » tendanciellement, le facteur religieux joue moins qu’avant dans les votes, mais joue toujours. Et ce n’est pas propre à une communauté en particulier « , conclut le politologue de l’ULB.

(1) Nicolas De Decker et Giulia Sandri dans Le vote des Belges (Bruxelles-Wallonie, 10 juin 2007), par Pascal Delwit et Emilie Van Haute, Université libre de Bruxelles, p. 39-53.

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