Pour le contrôle de l'embargo sur les armes vers la Libye via l'opération Irini, l'Union européenne s'est heurtée à la Turquie, comme à propos de l'exploitation pétrolière en Méditerranée orientale. © GETTY IMAGES

Une note d’espoir pour une année pourrie: l’autonomie stratégique de l’Europe

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La crise du coronavirus et les récriminations de Trump ont fait prendre conscience à l’Union européenne de la nécessité de s’affirmer enfin comme une puissance. C’est un début.

L’Europe est-elle en voie de perdre sa naïveté sur la scène internationale, toujours prête à payer pour reconstruire, rarement apte à peser sur la résolution des conflits? La crise du coronavirus et, avant elle, la remise en question par Donald Trump de l’intangibilité du partenariat avec les Etats-Unis ont fait prendre conscience aux Européens de l’impératif de l’autonomie stratégique dans des domaines désormais aussi divers que la santé, l’économie, le numérique, le climat et la défense.

« La vision lénifiante de la mondialisation qui voulait que la montée croissante du libéralisme économique et du droit international lève tous les obstacles n’est plus d’actualité. Elle a laissé place au sentiment que les Etats utiliseront toutes les connexions existant dans un monde interdépendant pour imposer leur puissance », mettait en garde, début décembre dans une tribune à L’Obs, l’Américain Jeremy Shapiro, directeur de recherche au Conseil européen pour les relations internationales. Aussi, face à la confrontation au sommet qui se profile entre les Etats-Unis et la Chine et à l’aspiration de la Russie, de l’Inde ou de la Turquie à jouer les seconds rôles d’envergure, il est indispensable que l’Union européenne ose enfin s’affirmer comme puissance.

L’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche ne serait-elle pas un cadeau empoisonné qui replongerait l’Union dans son indolence?

Elle en a donné quelques indices, encore trop ténus. Précommandes de vaccins contre la Covid-19 à l’échelon européen et vaste plan de relance sur la base d’un emprunt garanti collectivement, ça, c’est pour les domaines de la santé et de l’économie directement affectés par la pandémie. Mais il y a aussi le Green Deal de la Commission européenne pour lutter contre le dérèglement climatique, s’il n’est pas sacrifié sur l’autel des dépenses du sauvetage de l’économie, et le chantier de la même Commission pour, entre autres mesures, réguler les activités des géants du numérique, à travers deux textes, le Digital Services Act et le Digital Markets Act. Enfin, en matière de sécurité, les ministres européens de la Défense étudient la mise en place d’ici à la fin 2021 d’une « boussole stratégique » qui, au départ des informations mises en commun par les services de renseignement de tous les Etats membres, une première, évaluera les menaces sur sa sécurité et dégagera un cadre d’action aux échelons régional et global.

Face à la Turquie

Après des débuts marqués par une concurrence malsaine avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil Charles Michel, accaparés désormais par le plan de relance, le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le socialiste espagnol Josep Borrell commence à convaincre par son pragmatisme et sa stratégie des petits pas. Par exemple, en assurant la crédibilité de l’opération Irini de contrôle, pour les Nations unies, de l’embargo sur les armes à destination de la Libye, peu considéré par l’allié turc du gouvernement de Tripoli. Par ailleurs, la fermeté à l’égard d’une Turquie prête à en découdre avec deux membres de l’Union, la Grèce et Chypre, à propos de l’exploitation pétrolière en Méditerranée orientale, a sans doute été en 2020 l’expression la plus affirmée de la projection à l’extérieur de la puissance européenne. Avec une France en pointe sur le front « militaire » et une Allemagne plus active au plan diplomatique.

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Autre illustration, a minima il est vrai, l’Union a maintenu son adhésion à l’accord sur le nucléaire iranien malgré les pressions de Donald Trump. D’aucuns s’inquiètent: après le départ de celui-ci, l’arrivée à la Maison-Blanche du plus européen Joe Biden ne serait-elle pas un cadeau empoisonné qui replongerait l’Union dans son indolence?

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