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Des générations de jeunes menacés par la crise du covid, « largement ignorées »

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Les jeunes, déjà exposés à la dégradation de l’environnement, la crise financière, la montée des inégalités, la fracture numérique et un marché du travail malade, doivent aujourd’hui faire face à une pandémie mondiale et des défis sanitaires qui menacent leur formation, leur santé et surtout leur avenir…

Le bilan post-pandémie s’annonce mal pour les jeunes générations qui doivent aujourd’hui et demain se lancer sur le marché du travail. Et pour cause, les jeunes adultes sont confrontés à une deuxième crise mondiale en peu de temps : ils sont entrés dans leur adolescence et leur jeunesse au coeur de la crise financière, et en sortent aujourd’hui en pleine pandémie sanitaire mondiale.

Trouver une voie professionnelle n’a déjà pas été facile pour ces jeunes : combien de fois ne leur a-t-on pas déconseillé la formation de leur rêve, de peur qu’ils ne trouvent pas d’emploi à la fin de leurs études. La grande distinction et le master en poche sont loin d’ouvrir grand les portes d’un marché du travail saturé et malade. Et les institutions de promouvoir les métiers en pénurie dans l’espoir que chacun y trouve son compte.

Y trouver son compte ? Pas toujours évident quand ces mêmes métiers en pénurie sont confrontés à la crise sanitaire. Trouver un emploi est donc loin d’être une sinécure, même en se réorientant par dépit dans un quelconque secteur. Non, tout le monde n’y trouvera pas son compte…

Trois menaces

Les plans de relance financière qui ont suivi la Grande Récession ont été insuffisants pour permettre aux jeunes générations de reprendre pied, et les mesures d’austérité ont entravé l’investissement dans l’éducation. L’apparition du covid n’a fait qu’accroître ces difficultés. Les jeunes adultes doivent désormais faire face à de nouveaux défis qui menacent leur formation, leurs perspectives économiques et leur santé mentale.

u003cstrongu003eLa désillusion des jeunes a été largement ignorée par la communauté mondiale malgré la menace critique qu’elle représente – Global Risks Report 2021u003c/strongu003e

Formation à distance

L’année 2020 et la pandémie de covid a fait subir aux systèmes éducatifs un choc sans précédent dans l’histoire, bouleversant la vie de près de 1,6 milliard d’élèves et d’étudiants dans plus de 190 pays sur tous les continents. Selon un rapport des Nations Unies (août 2020), « les fermetures d’écoles et d’autres lieux d’apprentissage ont concerné 94 % de la population scolarisée mondiale, et jusqu’à 99 % dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur ».

Malgré la multiplication des applications d’apprentissage et de visioconférence en ligne qui a permis aux écoles de s’adapter pour poursuivre un enseignement à distance, la fracture numérique au sein d’une même population ou entre diverses régions du monde a constitué un frein pour l’éducation mondiale. « Au moins 30 % de la population étudiante mondiale ne disposait pas de la technologie nécessaire pour participer à l’apprentissage numérique« , selon le Global Risks Report 2021, publié par le World Economic Forum et Marsh (un leader mondial du courtage d’assurance et de gestion des risques). Et malgré les efforts pour réduire cette fracture numérique, seuls 17 % de la population dans les pays à faible revenu ont aujourd’hui accès à Internet, contre 87 % de la population dans les pays à revenu élevé.

Encore en 2021, les systèmes éducatifs sont sous pression, notamment à cause de l’apparition de variants du covid. De nombreuses écoles belges ont ainsi dû fermer leurs portes suite à l’émergence des cas de covid parmi les populations plus jeunes.

Santé mentale fragilisée

Depuis de nombreuses années, une crise a émergé au sein des populations de jeunes dans les pays développés : leur santé mentale plus fragile favorise le stress, la dépression et l’anxiété. Une « épidémie » contemporaine qui a été exacerbée par la crise sanitaire. En cause ? La solitude prolongée par le confinement et le stress lié à la perte d’un emploi ont entraîné des taux plus élevés de dépression, d’anxiété et de stress post-traumatique (PTSD).

Les experts tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme : « la santé mentale s’est détériorée pour 80 % des enfants et des jeunes dans le monde ». Et la Belgique n’a pas été épargnée…

Une enquête a d’ailleurs été menée afin d’évaluer la santé mentale des Belges. De tous les groupes d’âge sondés, les 18-30 ans (dont une moitié d’étudiants, la moyenne d’âge étant de 21 ans) sont ceux qui ont le plus souffert de symptômes d’anxiété et de dépression. « Les étudiants ont particulièrement été confrontés à un niveau très élevé d’incertitude, tant le contexte a engendré des changements brutaux au niveau de l’enseignement, de la vie sociale, des loisirs, de la culture« , pointait alors la psychologue clinicienne chargée de l’enquête.

L’emploi dans la tourmente

Outre la crise financière et économique qui a durement impacté le marché de l’emploi, les réponses politiques au covid ont encore aggravé la marginalisation des jeunes travailleurs. Dans de nombreux pays, les jeunes adultes ont souvent été les premiers à perdre leur job. Et ces quelques motivés qui se sont lancés dans la vie active en tant que jeunes entrepreneurs indépendants ont parfois vu leurs rêves s’écrouler – on pensera notamment à cette coiffeuse indépendante de 24 ans qui, faute de perspectives d’avenir encourageantes, a mis fin à ses jours.

Autre conséquence de la crise : le marché va une nouvelle fois évoluer, s’adapter à une société post-pandémie. Or, cette évolution rapide des marchés rend les jeunes plus vulnérables aux contrats instables, à l’instabilité des carrières et aux perspectives de promotion limitées. Et cette absence de protection sociale et de sécurité de l’emploi augmente le risque pour les jeunes de sombrer rapidement dans la pauvreté.

Ces inégalités pourraient finalement conduire à une fragmentation sociale aux perspectives géopolitiques fragiles qui entravera la reprise mondiale tant que les puissances moyennes n’auront pas pris place à la table des négociations. Le bilan actuel est sombre : les jeunes ont déjà commencé à perdre confiance dans les institutions économiques et politiques actuelles.

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