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Coronavirus: pourquoi l’Italie parvient-elle à limiter la casse, contrairement à la France et à l’Espagne

Muriel Lefevre

L’Espagne, la France et l’Italie sont trois pays qui ont connu de très sévères confinements au printemps. Alors que l’automne est là, seule l’Italie semble être parvenue à garder l’épidémie sous contrôle. Pourquoi ?

Comment se fait-il que l’Italie, longtemps le pays le plus touché au monde par le Corona, parvienne à empêcher une seconde vague alors que la France et l’Espagne semblent replonger de plus belle ? De Morgen s’est penché sur la question.

Amende, angoisse et testing

La première raison semble être la nature même des Italiens. Dans ce pays, on se soucie davantage qu’ailleurs de sa propre santé et du respect aux ainés. Ce dernier aspect a probablement poussé plus facilement les jeunes à adapter leur comportement afin de protéger leurs grands-parents.

Pourtant, selon Nino Cartabellotta, expert à l’équivalent italien du Celeval, il n’y a pas de preuves que les Italiens se comportent individuellement mieux que leur voisin. Pour lui, la véritable différence, c’est que les mesures de confinements sont restées beaucoup plus longtemps en vigueur. Prenons l’exemple des écoles. Celles-ci ont été rouvertes en mai en France, début septembre en Espagne et seulement ce jeudi dans de nombreuses régions d’Italie. Idem pour les boîtes de nuit. En Espagne et en France, la plupart des boîtes de nuit ont ouvert en juin. En Italie, cela n’a été possible qu’à la fin juillet et encore pour seulement un court laps de temps puisqu’elles ont été refermées le 17 août.

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Ensuite, si la mentalité italienne du « pas vu, pas pris » est légendaire, l’italien aurait aussi tendance à se tenir à carreau s’il sait qu’il risque fort d’avoir une amende, précise encore le quotidien. Or, la chance de se faire coincer est et reste grande puisque l’état d’urgence – et la présence accrue des policiers en rue qui en découle – a été prolongé jusqu’au 15 octobre. Il faut dire que les amendes sont salées puisqu’elles oscillent entre 400 à 1500 euros, et, dans certains cas, cela peut même aller jusqu’à l’emprisonnement. De quoi pousser les Italiens à une certaine discipline. Celle-ci n’est pourtant pas uniquement motivée par la crainte du bâton. Selon les sondages, la population soutient dans sa grande majorité (à 82 %, selon un dernier sondage) les règles édictées dans le cadre de la lutte contre le Corona. Selon le psychothérapeute Alberto Pellai, ce plébiscite s’explique par l’angoisse de revivre le terrible confinement où, durant 64 jours, les Italiens ont été enfermés chez eux et n’étaient autorisés à se rendre au supermarché qu’en possession d’un document.

Une autre explication peut être la différence au niveau du testing. Pas au niveau de la quantité, la France teste en effet beaucoup plus et à tout crin, mais au niveau de qualité. En Italie, on teste de façon beaucoup plus ciblée. Ainsi, il n’y est possible de se faire dépister qu’avec un certificat médical. Les délais sont donc plus courts et l’on a généralement ses résultats en une journée. Si le résultat est positif, toute personne se trouvant à proximité immédiate du patient est obligatoirement tracée et testée. Si l’on remarque que l’on se trouve face à un cluster, il n’est pas rare que l’on confine temporairement un bâtiment, un atelier ou même un quartier entier. De tels mini-lockdowns ont été imposés dans 101 des 107 provinces italiennes.

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L’Italie a aussi continué à considérer les voyageurs comme un danger potentiel. Les autorités italiennes ont ainsi obligé les vacanciers de Grèce, de Croatie, d’Espagne, de Malte, de Roumanie, de Bulgarie, de sept zones à risque de France et à toute personne extérieure à l’UE d’être testée à l’aéroport et d’attendre les résultats en quarantaine.

L’Espagne sous la malédiction des trois F

Voilà pour le bon élève italien, mais pourquoi compte-t-on en Espagne plus d’infections que partout ailleurs en Europe ? Pour les médias espagnols, c’est la faute des trois F. Le premier f est pour fête. L’Espagne a fait la fête tout l’été. Dans la fête de village, dans les discothèques et dans les bars. Le bar serait même le grand fautif, tant les Espagnols y traînent en masse. Les chiffres d’Eurostat montrent qu’un Espagnol dépense en moyenne 13 % de ses revenus dans des bars et des restaurants, contre 7% pour un Européen lambda. Le deuxième f est pour famille. Les réunions familiales sont parmi les lieux les plus à risque, car on y tient très difficilement ses distances.

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Un risque encore accru par le fait que les familles espagnoles sont plus nombreuses que les ménages français ou italiens. Le troisième f est pour failure, soit l’échec des politiques. Lorsque l’état d’urgence a été levé, beaucoup de mesures ont été trop vite assouplies. Les réunions en grands groupes n’ont posé aucun problème, il n’y a plus eu de distance de sécurité dans les transports en commun et presque plus de policiers en rue pour distribuer des amendes. À cela se rajoute un testing où il faut attendre plusieurs jours pour avoir ses résultats et un suivi bancals des contacts.

Et la France ?

Tout montre que Macron veut empêcher à tout prix que le pays soit à nouveau complètement confiné et qu’il s’oppose personnellement à des restrictions trop larges. On ne jure donc que par des mesures locales et qui, jusqu’à présent, n’ont pas été très strictes.

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Ensuite, comme en Espagne, le testing laisse à désirer. Il faut souvent attendre quatre à cinq jours pour obtenir ses résultats. La faute à une politique généreuse de dépistage où tout le monde est autorisé à se faire tester et allongeant d’autant la liste d’attente. Enfin, si, dans ce pays aussi, on pointe régulièrement du doigt les jeunes, la plupart des infections y ont lieu sur le lieu de travail, et ce en dépit du fait qu’on est obligé de porter un masque dans tous les espaces de travail communs. Les réunions de famille et les écoles sont elles aussi des lieux récurrents d’infections.

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