Stockholm © Getty

Coronavirus : qu’est-ce qui explique l’accalmie suédoise ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

À l’heure où l’Espagne, la France, les Pays-Bas, la Belgique et de nombreux autres pays européens connaissent une recrudescence du virus, la Suède, qui n’a pas confiné sa population, semble relativement épargnée alors que la rentrée des classes, non masquée, a eu lieu il y a déjà un mois.

Depuis le début de la crise, la gestion suédoise du virus fait couler beaucoup d’encre. Contrairement à la plupart des pays européens, la Suède n’a, en effet, jamais confiné sa population, et a appelé chacun à la responsabilité: distanciation physique, application stricte des règles d’hygiène, isolement en cas de symptômes. Le port du masque n’est lui ni obligatoire ni recommandé.

Échec

Cette stratégie a valu de nombreuses critiques à Anders Tignell, l’épidémiologiste chargé de la gestion suédoise du coronavirus. La Suède déplore en effet 5 860 décès alors que ses voisins en enregistrent beaucoup moins : 633 au Danemark, 339 en Finlande et 265 en Norvège. Début juillet, les partis de l’opposition ont demandé des comptes au gouvernement. « L’approche suédoise a échoué. Le Premier ministre Stefan Löfven savait qu’il y aurait des milliers de morts et il n’a rien fait », a déclaré Andreas Carlson, chef de groupe des chrétiens-démocrates.

Si au début de l’été, la situation épidémiologique en Suède semblait encore inquiétante, aujourd’hui elle est bien meilleure que dans la plupart des autres pays européens. Pour la période du 3 au 17 septembre, la Suède compte 29,4 cas confirmés pour 100 000 habitants, un chiffre peu élevé par rapport à de nombreux pays, et même près de dix fois moins élevé qu’en Espagne (287,2 cas pour 100 000 habitants).

Le 16 septembre, l’agence de la santé publique Folkhälsomyndigheten enregistrait 1584 nouveaux cas sur les sept derniers jours. 130 malades sont soignés à l’hôpital et 13 patients se trouvent en réanimation. Le taux de mortalité s’élève à 0,2 pour 100 000 habitants.

Suite à l’amélioration de la situation, la Suède a même décidé de lever l’interdiction des visites dans les maisons de retraite, largement touchées par le virus au début de l’épidémie. Elle sera levée le 1er octobre, a annoncé la ministre de la Santé et des Affaires sociales Lena Hallengren.

Interrogé par le quotidien français Le Monde, Anders Tignell avance plusieurs raisons qui pourraient expliquer cette accalmie. « Le modèle suédois, basé sur des mesures moins drastiques qu’ailleurs, mais qui restent les mêmes et s’inscrivent dans la durée, commence à fonctionner », déclare-t-il.

Conditions de travail précaires

Il estime en effet que le nombre élevé de morts en Suède est surtout dû à une gestion défaillante des maisons de repos. Sur les quelque 3.400 décès enregistrés entre janvier et mai, près de la moitié sont intervenus dans des établissements pour personnes âgées. Le lourd bilan dans les maisons de retraite a fait controverse et beaucoup ont pointé du doigt les conditions de travail du personnel, souvent constitué de travailleurs non qualifiés, embauchés grâce à des contrats précaires. Des employés qui ne touchent donc pas leur salaire s’ils restent chez eux pour de légers symptômes comme le voudraient les consignes.

S’il n’a pas confiné sa population, le royaume scandinave applique tout de même une série de mesures. Depuis le 27 mars, les rassemblements de plus de 50 personnes sont interdits, le télétravail est encouragé et les Suédois sont invités à éviter autant que possible les transports en commun aux heures de pointe.

Pas favorable au port du masque

Contrairement à bon nombre de ses homologues européens, Tignell n’est pas favorable au port du masque. « Garder ses distances est bien plus important », dit-il, même s’il envisage de le rendre obligatoire dans certains endroits spécifiques, en cas de hausse des cas. « On voit bien que dans les pays qui l’ont rendu obligatoire, les contaminations ne baissent pas de façon drastique », constate-t-il.

Pour Dan Eliasson, le directeur général de l’Agence de la protection civile, la confiance des citoyens joue un rôle primordial dans l’efficacité de la stratégie. « Notre stratégie repose sur une relation de confiance entre les autorités et les citoyens. Plutôt que de donner des ordres ou de pointer du doigt, nous faisons des recommandations, mais c’est à eux d’agir, sur la base des informations que nous leur fournissons. », explique-t-il au Monde.

L’agence de la santé publique estime qu’une certaine immunité de la population puisse également expliquer le ralentissement de la propagation du virus.

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