Joe Biden © Getty

Après un discours flamboyant sur la démocratie, Joe Biden au défi des actes

Le Vif

Un discours flamboyant sur la démocratie, un réquisitoire contre Trump, et après ? Joe Biden veut galvaniser le camp démocrate et relancer une présidence embourbée, mais il prend un grand risque politique, si ses promesses s’avèrent creuses.

Le président démocrate de 79 ans a livré jeudi son allocution sans doute la plus forte à ce jour, pour commémorer l’assaut du Capitole par des partisans déchaînés de l’ancien président républicain. Le Joe Biden habituellement débonnaire et terre-à-terre avait laissé la place à un chef de l’Etat grave, sombre même. Exit les blagues et expressions familières, place à un vocabulaire solennel. « Je n’ai pas cherché ce combat » contre la violence politique et les tentations autoritaires, mais « je ne me défilerai pas », a dit Joe Biden.

« Taper fort »

Pour la première fois depuis l’investiture, il s’en est pris frontalement à Donald Trump, sans le nommer, mais en accusant « l’ancien président perdant » de « mettre le couteau sous la gorge de la démocratie » avec ses déclarations, infondées, sur un « trucage » de la dernière élection. Joe Biden « était dans une situation impossible. Soit ne rien dire, et se retrouver sur la défensive. Soit taper fort » pour mobiliser son camp, mais en galvanisant aussi ses adversaires, commente David Schultz, professeur de sciences politiques à l’université Hamline (Minnesota).

Donald Trump comme d’autres ténors du camp républicain ont d’ailleurs tiré à boulets rouges jeudi sur le président, accusé d »‘instrumentaliser » les événements du 6 janvier 2021. Mais le président démocrate a besoin de relancer son mandat. Après un début plutôt harmonieux, marqué par un redémarrage économique et une accalmie de la pandémie de Covid-19, Joe Biden est embourbé. Le retrait chaotique d’Afghanistan a laissé des traces, les Américains sont démoralisés par une poussée d’inflation et par la déferlante du variant Omicron.

La cote de confiance de Joe Biden oscille autour d’un maigre 43%, un handicap de taille quand on doit composer, comme lui, avec un camp démocrate divisé et avec une majorité parlementaire très mince. Le président a dû renoncer à un immense projet de réformes sociales à cause d’un seul sénateur démocrate récalcitrant, Joe Manchin. Alors Joe Biden, qui affronte à l’automne des élections législatives de mi-mandat traditionnellement périlleuses pour la majorité en place, a décidé de changer de cap. Depuis quelque temps déjà, la Maison Blanche assure que l’urgence, ce n’est plus l’économie, mais de protéger les « voting rights ». Il s’agit de sanctuariser par deux lois fédérales l’un des grands acquis du mouvement des droits civiques: l’accès des minorités et notamment des Afro-américains au vote, accès aujourd’hui menacé par des réformes de certains Etats conservateurs.

« Trop peu, trop tard »

Joe Biden a fait « une grande promesse », juge David Schultz. Les démocrates « ont une très petite fenêtre de tir » pour passer ces textes, avant peut-être, dans quelques mois, de perdre le contrôle du Congrès. « S’il échoue, ce sera un coup majeur porté à sa présidence« , estime le politologue. Un premier vote, procédural, pourrait intervenir dès le 17 janvier.

Certains activistes des droits civiques ont écouté avec scepticisme les grandes déclarations du président démocrate, qui a bénéficié pendant sa campagne du soutien jugé décisif de figures de la communauté afro-américaine. « Est-ce que nous pensons qu’il a de bonnes intentions? Oui (…) Mais il n’a vraiment pas fait assez pendant son année au pouvoir pour l’accès au vote », privilégiant plutôt les sujets économiques, assène Cliff Albright, co-fondateur du Black Voters Matter Fund.

Avec cette organisation, il milite pour la participation électorale en Géorgie. Or c’est justement dans cet Etat du sud, emblématique de la lutte pour les droits des Afro-américains, que Joe Biden doit se rendre mardi. « Cela semble trop peu, trop tard. Et il utilise la Géorgie comme un accessoire », critique Cliff Albright. Si, lors de son déplacement, le président « fait un discours sans une annonce majeure » sur les « voting rights », « alors le fait de venir c’est au mieux contre-productif, au pire, presque irrespectueux. »

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