« Le temps est compté »: la course contre-la-montre pour un accord post-Brexit

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

La fin de la période de transition approche à grands pas. Les négociations pour un accord post-Brexit se poursuivent, mais le temps presse. Déjà trop tard ?

Le 31 janvier dernier, le Royaume-Uni quittait officiellement l’Union européenne. Débutait alors une période de transition, jusqu’à la fin de l’année, devant permettre de trouver un « accord post-Brexit ».

Tic-tac

Depuis des mois, le Royaume-Uni et l’Union européenne discutent, négocient, jouent d’influence et de menaces à peine voilées pour obtenir le plus possible dans un éventuel accord de divorce. Comme souvent avec le Brexit, on campe sur ses positions, on tourne en rond, et finalement le blocage s’éternise. Mais le temps presse : il reste désormais moins de 40 jours avant le 31 décembre. À cette date, le Royaume-Uni cessera de facto d’appliquer les normes européennes, avec accord, ou sans (« no deal »).

Après une énième semaine pointée comme « décisive », qui ne le fut finalement pas, le Royaume-Uni et l’Union européenne reprennent ce lundi, de manière virtuelle cette fois, leurs négociations. Ces épineuses discussions ont été ralenties jeudi dernier par un cas de Covid-19 dans l’équipe européenne, qui a contraint le négociateur de l’UE Michel Barnier et son homologue britannique David Frost à mettre fin à toute réunion en face-à-face. « Le temps est compté. Des divergences fondamentales demeurent, mais nous continuons de travailler dur pour arriver à un accord », a indiqué Michel Barnier. Les discussions se poursuivront à distance et ne reprendront en personne « lorsqu’il sera jugé sûr de le faire ».

© GettyImages

Déjà trop tard ? S’il reste une quarantaine de jours avant la période de transition, l’accord doit idéalement être conclut plus tôt, pour permettre sa ratification par le Royaume-Uni, mais aussi par le Parlement européen. « Il y a en fait très peu de marge de manoeuvre -pas le temps de négocier quoi que ce soit de vraiment différent de ce qui est déjà discuté », note dans le Guardian, Anand Menon, le directeur du groupe de réflexion UK in a changing Europe. « Le choix se joue entre un Brexit très dur ou un no deal. » Selon lui, le type d’accord conclu distendra quoi qu’il en soit les liens entre le Royaume-Uni et l’UE.

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Ça avance, mais…

Les deux parties travaillent sur un texte commun, qui est déjà bien avancé. Mais mettre la touche finale semble finalement plus dur que prévu. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a affirmé que la conclusion de l’accord nécessitait « encore beaucoup de travail » malgré des progrès enregistrés ces derniers jours. Or, sans traité commercial pour régir leur relation, les deux parties courent le risque d’un nouveau choc économique, qui viendrait s’ajouter à celui provoqué par la pandémie de Covid-19.

Depuis plusieurs mois, ce sont les mêmes trois points de blocage qui font patiner les négociations: les garanties réclamées par le Royaume-Uni en matière de concurrence, l’accès des Européens aux poissonneuses eaux britanniques et la manière de régler les différends dans le futur accord.

La tentation hasardeuse du « no deal »

Si côté européen, on préfère un bon accord de divorce, côté britannique, on laisse comme souvent planer le doute sur le « no deal ». Malgré son désir de couper les ponts avec l’UE, Boris Johnson doit mettre dans la balance les conséquences économiques et politiques d’une rupture totale.

Boris Johnson
Boris Johnson© AFP

Même s’il affirme que le Royaume-Uni « prospérera » quoi qu’il arrive, la reprise pourrait y être deux fois plus lente sans accord que si ce pays maintenait ses relations commerciales actuelles avec l’Union européenne, selon une étude du cabinet d’audit KPMG. En cas de « no deal », le produit intérieur brut (PIB) augmentera de 4,4% en 2021, estime KPMG, contre 10,1% si le Royaume-Uni restait dans le marché unique. Sans accord, les exportateurs britanniques devront aussi remplir de nombreuses formalités administratives et manqueront de temps pour se préparer.

Au plan politique, la frange europhobe des députés conservateurs se réjouirait d’un « no deal ». Mais cela pourrait surtout mettre en péril l’unité du pays, donnant une raison supplémentaire à la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon de réclamer un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse, qui avait massivement voté contre le Brexit. En Irlande du Nord, le no deal risque également de raviver les tensions à la frontière avec la république d’Irlande. Au-delà de son désamour pour l’UE, Boris Johnson doit surtout prendre une décision pour l’avenir de son pays. Et le temps file.

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