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Brexit : et si les négociations échouaient ?

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Quels scénarios pourrait-on envisager si le  » no deal  » entre l’Union européenne et le Royaume-Uni persistait jusqu’au 31 décembre 2020, date à laquelle la période de transition prendra officiellement fin ?

L’échéance arrive à grands pas pour convenir des règles de la future relation post-Brexit entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Car si le Royaume-Uni a effectivement quitté l’UE en janvier 2020, avec un accord de retrait, les termes de cette future relation n’ont pas encore été convenus.

Accord commercial, accès à la pêche, réglementation des médicaments et coopération en matière de sécurité… Tous ces points ont été mis sur la table des négociations durant les 10 derniers mois. Mais l’horloge tourne, et à moins de cinquante jours de la fin de cette « période de transition », les négociations coincent encore sur trois volets majeurs : Pêche – Gouvernance – Concurrence.

Deux scénarios post-Brexit possibles

À la fin de la période de transition, deux résultats sont envisageables : soit les différentes parties trouvent un arrangement concernant les trois derniers points de friction et un accord commercial entre le Royaume-Uni et l’UE entre en vigueur, soit ils n’arrivent pas à se mettre d’accord et le Royaume-Uni sort de la période de transition sans accord commercial avec l’UE.

  • Un accord

Si un accord commercial entre le Royaume-Uni et l’UE est prêt d’ici la fin de l’année, le Royaume-Uni pourrait entamer la nouvelle relation commerciale dès la fin de la période de transition. Un accord de libre-échange entrerait alors en vigueur au 1er janvier 2021.

Mais attention, même si un accord est conclu, il doit d’abord être ratifié par les parlements des deux côtés, avant la date butoir. Un accord de base peut encore être conclu à l’heure actuelle. Mais les négociateurs des deux parties vont devoir faire rapidement des concessions sur des questions assez fondamentales. Le sommet des dirigeants de l’UE, le 19 novembre, est désormais considéré comme la date limite pour un projet d’accord sur le Brexit.

Une tâche qui pourrait s’avérer compliquée en raison de la très controversée loi « sur le marché intérieur » récemment adoptée par la Grande-Bretagne, ont indiqué le négociateur en chef de l’UE Michel Barnier et ses collègues.

Ce texte remettrait effectivement en cause certains engagements pris par Londres dans le cadre du traité de divorce avec l’UE, explique Le Monde. «  Le projet de loi sur le marché intérieur donne le droit aux ministres britanniques de prendre des décisions unilatérales concernant les contrôles douaniers entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord et le régime des aides d’Etat en Irlande du Nord.  » Des questions sensibles qui doivent normalement être tranchées conjointement avec Bruxelles, comme convenu dans le traité de divorce.

Même avec un accord, les relations du Royaume-Uni avec l’UE seront très différentes après sa sortie du marché intérieur de l’UE et de l’union douanière à la fin de l’année. La bureaucratie et l’administration seront plus importantes pour les entreprises qui font du commerce transfrontalier, et la libre circulation des personnes dans les deux sens prendra fin.

  • Pas d’accord

Dans ce scénario, les négociateurs du Royaume-Uni et de l’UE ne parviennent pas à s’entendre et à mettre en oeuvre un accord commercial.

Si les pourparlers échouent complètement, les entreprises des deux côtés de la Manche n’auront que quelques semaines pour essayer de se préparer à des changements très brusques dans leurs modes de commerce, à un moment où beaucoup peinent déjà à rester à flot pendant la pandémie de covid.

Cela signifie notamment que la plupart des produits britanniques seraient soumis à des droits de douane jusqu’à ce qu’un accord de libre-échange soit conclu. Les tarifs augmenteraient donc inévitablement dans les magasins, et certaines entreprises pourraient même faire faillite.

D’autres domaines pourraient également être impactés par ce no-deal post-Brexit : les contrôles douaniers des marchandises seront notamment renforcés, ce qui pourrait créer des files d’attente de plusieurs jours et retarder des livraisons essentielles. Même les médicaments, qui ne sont pas soumis aux droits de douanes, pourraient être retardés aux frontières. « En l’absence d’un accord de reconnaissance mutuelle sur les bonnes pratiques de fabrication et le testing, des contrôles supplémentaires seraient nécessaires pour les médicaments qui passent les frontières, ce qui pourrait entraîner un retard de quatre à six semaines pour permettre la revérification des médicaments« , détaille le média Politico.

Le transport routier et aérien, la sécurité et le renseignement international, l’énergie, la pêche, le droit à l’immigration… Tous ces autres points poseraient irrémédiablement problème sans un accord.

Brexit : et si les négociations échouaient ?
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Sans accord commercial, pas de compromis

Peut-on imaginer une série d’accords séparés, si les négociations commerciales échouent ? Il ne faut pas s’attendre à des compromis, estiment certains experts. L’UE souhaite un accord global couvrant tous les aspects de la future relation. Pas question donc de faire les choses à moitié. Pas d’accord commercial ? Pas de deal non plus dans les autres domaines, même s’ils ne touchent pas au commerce.

Le Royaume-Uni n’aura donc aucun accord formel avec l’UE, qui « représentait pourtant 43% des exportations britanniques en 2019 et 51% des importations britanniques« , selon les chiffres du Parlement britannique.

Néanmoins, « si l’accord commercial est conclu mais que des questions demeurent dans d’autres domaines – comme l’avenir de la coopération en matière de sécurité – alors l’accord commercial pourrait se poursuivre, avec des plans d’urgence utilisés pour d’autres parties de la relation« , explique la BBC.

Une dernière séance d’arbitrage entre Boris Johnson et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen , est notamment envisageable si les négociateurs semblent se rapprocher d’un accord sur les questions encore en suspens.

Jouer sur les prolongations ?

Il ne faut pas non plus espérer une prolongation de la période de transition. Le Royaume-Uni a été très clair à ce sujet: pas question de prolonger la période de transition au-delà du 31 décembre. Sans compter que le Royaume-Uni n’avait que jusqu’au 30 juin 2020 pour demander un sursis supplémentaire.

Et si le Royaume-Uni changeait d’avis ? «  L’UE et le Royaume-Uni pourraient conclure un accord international pour convenir d’une prolongation, mais cela nécessiterait alors une base juridique valable« , explique l’initiative Le Royaume-Uni dans une Europe en mutation. Et même si toutes les parties parvenaient à se mettre d’accord et à trouver une base juridique pour convenir d’une prolongation, tout cela devrait fait d’ici le 31 décembre 2020. Or, cet accord mixte nécessitera, là encore, la ratification de tous les États membres. Bref, il est déjà un peu trop tard pour envisager cette option.

Cette semaine pourrait, in fine, s’annoncer décisive pour la négociation d’un accord post-Brexit. Le maintien de bonnes relations, ou une séparation complète ? Deal ou no deal ? Les différentes parties « se réunissent » par visioconférence une nouvelle fois à Bruxelles ce 19 novembre pour ce qui pourrait être le round final du divorce.

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