Jules Gheude

Le prochain président français aura peut-être à s’occuper de la Wallonie… (carte blanche)

Jules Gheude Essayiste politique

Pour l’essayiste politique Jules Gheude, face au désir d’indépendance de la Flandre, les « élites wallonnesseraient bien inspirées de prendre langue dès maintenant avec les autorités françaises ». Plusieurs candidats à la présidentielles ont déclaré qu’ils ne seraient pas opposés à ce que la Wallonie soit rattachée à la France…

On ne sait jamais de quoi demain sera fait.

Qui, au début des années 80, aurait pu imaginer l’effondrement de l’URSS, la réunification allemande, la fin de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie, le Brexit ?

Depuis 2010, la Belgique a vécu deux crises politiques majeures, qui ont rendu la formation d’un gouvernement fédéral extrêmement difficile. Le fossé entre la Flandre et la Wallonie n’a cessé de se creuser et tout indique que la mise sur pied d’une 7ème réforme de l’Etat, programmée pour 2024, relèvera de la quadrature du cercle, tant les positions du Nord et du Sud sont opposées.

Le problème belge se résume en fait à une chose : la Flandre est devenue une Nation qui n’aspire qu’à revêtir les habits d’un Etat souverain.

Si, au lendemain des négociations de 2024 – encore faut-il que l’ubuesque coalition Vivaldi, hydre à sept têtes, parvienne à se maintenir jusque-là -, aucune solution ne peut être dégagée au niveau institutionnel, rien ne pourrait s’opposer à ce que la Flandre use de sa légitimité démocratique au sein de son propre Parlement pour larguer les amarres et proclamer unilatéralement son indépendance.

La crise politique de 2010 – 541 jours sans gouvernement de plein exercice – avait suscité l’inquiétude de la France, au point que la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée générale avait chargé deux de ses membres d’une mission en Belgique, afin de faire le point sur la situation interne du pays.

Les auteurs du rapport étaient loin d’être optimistes. Ils voyaient le signe d’une divergence essentielle entre les partis en présence, divergence d’autant plus redoutable qu’elle ne concerne pas le contenu des politiques publiques, au sens traditionnel du terme, mais qu’elle touche à la conception même de l’Etat, à la nature des institutions et du pacte fondamental qui les fonde.

Ils évoquaient des clivages profonds, deux sociétés différentes : Si toutes les sociétés sont traversées par des clivages, rarement peut-être sont-ils aussi structurés qu’en Belgique.

Et ils posaient cette question essentielle : La Belgique serait donc condamnée, Etat si faible que toute crise politique serait l’occasion de poser la question de sa survie, Etat si artificiel qu’il devrait se briser à l’inéluctable envol de la nation flamande ?

« L’inéluctable envol de la nation flamande ». Tout est dit.

Cela rejoint le conseil donné en 2009 au roi par José-Alain Fralon, ancien correspondant du journal « Le Monde » en Belgique, dans son livre « La Belgique est morte, vive la Belgique ! » : Si, au lieu de ce baroud d’honneur qui risque de mal tourner, voire même de friser le ridicule, tant il est peu conforme à la philosophie de vos sujets, vous la jouiez plus finement ? En admettant, comme nous le ferons tous tôt ou tard, que rien ne pourra arrêter la marche de la Flandre vers son indépendance, et en accompagnant celle-ci au lieu de tenter en pure perte de la stopper ? »

Le fameux « compromis à la belge » a atteint ses limites. Depuis 1970, six réformes de l’Etat ont vu le jour, qui ne se sont pas parvenues à faire cohabiter, de manière sereine, les deux grandes communautés du pays.

En fait, le démantèlement de la Belgique est inscrit dans les astres. Mais tout a été fait pour le retarder. C’est la stratégie de la procrastination : tendance à ajourner, à temporiser.

Pour Wouter Beke, l’ancien président du CD&V, ce sont les francophones qui sont les champions ce cette façon d’agir, car ils ne tiennent à la Belgique que pour l’argent (déclaration au journal québécois « Le Devoir » en 2007).

Une chose est sûre : la Flandre n’entend plus se montrer financièrement solidaire d’une Wallonie qui, en 42 ans de régionalisation, n’est pas parvenue à opérer son redressement économique.

« La Wallonie vacille ». Tel est le titre du papier rédigé récemment par Han Renard, journaliste à « Knack ». Sa situation budgétaire est dramatique, pire que celle qu’a connue la Grèce en 2009 !

Un ambassadeur français nous a un jour confié que son pays serait le premier à reconnaître un Etat flamand souverain. Sans doute, mais quid de l’avenir de la Wallonie ?

Livrée à elle-même, celle-ci se verrait imposer de tels efforts qu’il en résulterait un bain de sang social. Feu l’économiste Jules Gazon (Ulg) évoquait même un climat insurrectionnel .

C’est ici que les propos tenus par le général de Gaulle au professeur Robert Liénard de l’Université de Louvain dans les années soixante, prennent tout leur sens : J’ai la conviction que seule leur prise en charge par un pays comme la France peut assurer l’avenir à vos trois à quatre millions de Wallons.

Depuis lors, divers responsables politiques français ne se sont pas privés d’exprimer leur sentiment à cet égard.

Député UMP des Yvelines, Jacques Myard déclara en 2010 : La France ne fera pas l’économie d’élaborer une politique à l’égard de la Belgique, la question du rattachement de la Wallonie et de Bruxelles se pose à terme, qu’on le veuille ou non. C’est une question à laquelle les francophones de Belgique devront répondre. A nous Français d’élaborer une politique responsable pour relever ce défi inéluctable qui scellera le destin d’une construction étatique artificielle voulue par les puissances en 1830 et aujourd’hui dépassée par les faits.

Son de cloche identique chez Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de François Mitterrand : Si les francophones le souhaitaient et le demandaient par référendum et si, en toute hypothèse, les Flamands prenaient leur indépendance – conditions qui ne sont pas aujourd’hui réunies -, je trouverais juste de les accueillir dans la République française sous un statut à déterminer. Ce pourrait être le statut actuel avec un simple rattachement de la sécurité sociale wallonne à la sécurité sociale française. Mais ceci mériterait naturellement que l’on regarde cette éventualité de plus près le cas échéant.

Et même si nous sommes très éloignés de leurs idées politiques, nous devons également mentionner les prises de position favorables de Jean-Luc Mélenchon, de Marine Le Pen, de Nicolas Dupont-Aignan et d’Eric Zemmour, aujourd’hui candidats à l’élection présidentielle.

Jean-Luc Mélenchon : Si les Wallons se retrouvent rejetés en quelque sorte par les Flamands, ils doivent savoir que des gens comme moi seraient fous de joie de vivre dans le même pays qu’eux.

Marine Le Pen : Si la Belgique venait à éclater, si la Flandre prenait son indépendance, hypothèse de plus en plus crédible, la République française s’honorerait d’accueillir en son sein la Wallonie. Les liens historiques et fraternels qui unissent nos deux peuples sont trop forts pour que la France abandonne la Wallonie.

Nicolas Dupont-Aignan : Il faut que la France se prépare à l’accueil éventuel de nos cousins wallons si ces derniers en avaient le désir.

Eric Zemmour : Si les Bruxellois – chez qui la langue française règne en maître – choisissent comme les Wallons de devenir français, que feront les Anglais, les Allemands, les Américains ? Les puissances occidentales pourront-elles refuser cde qu’elles ont accepté pour la réunification de l’Allemagne ? (…) Avec ses 68 millions d’habitants, la France grignoterait encore son retard sur l’Allemagne et ses 89 millions d’habitants.

Plutôt que de se lancer dans de nouvelles et interminables palabres belgo-belges, les élites wallonnes seraient bien inspirées en prenant langue dès maintenant avec les autorités françaises de façon à éviter, le moment venu, de se retrouver mises devant le fait accompli et contraintes de réagir dans l’urgence et la précipitation.

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