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Crise migratoire: A quand une vraie politique commune européenne?

La situation à la frontière entre la Turquie et la Grèce met en exergue l’inexistence de mécanismes de solidarité intra-européens efficaces dans la prise en charge des migrants.

Plus de 13000 personnes coincées devant des postes frontières débordés et contraintes de camper sous des bâches dressées en tentes de fortune. 19000 autres sur l’île de Lesbos confinées dans un camp de Moria prévu pour en accueillir 2800. Des chiffres destinés à croître dans les prochaines journées et à exacerber les tensions déjà présentes à la frontière entre la Grèce et la Turquie, une semaine après que le président turc Recep Tayyip Erdogan ait décidé d’ouvrir celles qu’il partage avec l’Irak et la Syrie.

Face à la pression que la manoeuvre du président turc fait peser sur la Grèce, qui constitue une des frontières extérieures les plus sensibles de l’Union, la réaction des autorités européennes a été unanime. Mardi 3 mars, les présidents des trois principales institutions européennes – Ursula Van der Leyen, Charles Michel et David Sassoli à la tête respectivement de la Commission, du Conseil et du Parlement – se sont rendus sur place et ont assuré la Grèce de leur soutien avant de promettre dans la foulée d’apporter à Athènes « toute l’aide nécessaire », ajoutant que « ceux qui cherchent à tester l’unité de l’Europe vont être déçus. »

Le lendemain, la Commission a présenté lors d’un conseil réunissant les ministres de l’intérieur des états membres un « Plan d’action de Bruxelles pour soutenir la Grèce » , prévoyant notamment le déblocage immédiat de 350 millions d’Euros destinés à la gestion et au renforcement des frontières et la mise en place d’opérations d’intervention rapide aux frontières via Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières.

La crainte d’un 2015 bis

Le message est clair : les frontières de l’UE sont fermées à double tour et le resteront, quitte à fermer les yeux sur l’usage débridé de la violence par les policiers grecs, allant jusqu’à ouvrir le feu sur les migrants à la frontière selon les ONG et un nombre croissant de témoignages. La situation provoque un débat intense sur la réaction de l’Europe, y compris au sein du Parlement. En Belgique, la députée européenne Saskia Bricmont (Ecolo) et le socialiste André Flahaut se sont ainsi indignés sur twitter de voir l’UE aspirer à ériger des murs quand elle se réjouissait en 1989 « de [les] voir tomber » et « légitimer le viol du droit international » à travers la communication autour de la présence sur place de Charles Michel.

https://twitter.com/bricmontsaskia/status/1235471319451529216Saskia Bricmont 🌏https://twitter.com/bricmontsaskia

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En Belgique le débat est d’autant plus vif que la présence de Charles Michel à la frontière gréco-turque renvoie à la législature passée ou il a gouverné seul francophone avec les nationalistes flamands, cautionnant par moment une politique migratoire ferme.

Difficile de voir derrière cet empressement de l’Europe à faire bloc autour de la Grèce autre chose qu’une inquiétude larvée face à la perspective d’une crise migratoire de la même violence que celle subie en 2015/2016.

A l’époque, ce sont plusieurs millions de personnes qui sont arrivées aux portes de l’Europe, poussées sur les routes de l’exil par les conflits en Irak, en Syrie ou en Libye.

Bien décidée à regarder ailleurs, l’Europe a été contrainte d’ouvrir les yeux après l’émotion mondiale causée par la photo du corps noyé du petit Aylan, trois ans, retrouvé sur une plage de Turquie. Malgré un sursaut de conscience provoqué par ce drame, l’Union Européenne s’était contentée d’accoucher de mesures confuses et a eu les plus grandes difficultés à mettre en place un plan de répartition équitable des réfugiés entre les Etats membres, encore moins à le faire accepter et respecter par les Etats en question

Développer un nouveau pacte pour l’asile et les migrations

Cinq ans plus tard, rien ne porte à croire que la situation serait gérée différemment. Les accords de Dublin – selon lesquels c’est au pays par où les personnes demandeuses d’asile sont entrées dans l’UE qu’il incombe d’examiner les demandes et d’accueillir ces personnes durant la procédure – encouragent les pays à se refiler la patate chaude en ce qui concerne leur prise en charge. Le veto à la réforme de ces accords posé par certains états et l’absence totale d’une approche commune des Etats sur l’asile et les migrations continuent de faire peser l’intégralité du poids des arrivées de migrants sur les pays aux frontières de l’Union. Ces derniers sont alors poussés empêcher les personnes d’asile d’entrer sur leur territoire, au risque de leur faire courir des risques mortels et à bafouer les obligations internationales.

Face à ce constat et indépendamment de l’évolution ou du dénouement de la situation à la frontière gréco-turque, l’unique solution réside dans la mise en place rapide de mécanismes de solidarité intra-européens efficaces dans la prise en charge des migrants.

Selon la lettre de mission qui lui a été remise au moment de son entrée en fonction, en Décembre 2019, la nouvelle commissaire européenne aux Affaires Intérieures Ylva Johansson a été chargée par Ursula Van der Leyen de « développer un nouveau pacte pour l’asile et les migrations, qui devra inclure « le développement de nouvelles formes de solidarité et garantir que tous les états membres contribuent au soutien des pays qui subissent le plus de pression » tout en développant « une approche nouvelle, fiable et durable de recherche et de sauvetage en mer destinée à remplacer les solutions actuelles. »

Émettons le souhait que cette feuille de route ne reste pas lettre morte.

Philémon Stinès (st.)

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