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L’avion électrique c’est pour bientôt, mais…

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

L’avion est l’un des transports les plus polluants et son utilisation augmente chaque année. La technologie liée aux moteurs électriques évolue rapidement, mais quand pourra-t-on voler dans des avions zéro émission ?

Selon les chiffres officiels du secteur aérien, l’avion représente entre 2 et 3 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde. Les associations de défense de l’environnement contestent ces chiffres et parlent plutôt de 5 %.

En 2017, le secteur aérien a transporté 4 milliards de personnes. Si rien ne change, on prévoit qu’ils seront 16 milliards en 2050. Face à l’enjeu climatique, le secteur tente de trouver des solutions innovantes.

Un premier pas au Canada

Il y a deux mois, une étape a été franchie au Canada. Une société américaine, appelée magniX, a pour la première fois fait voler un avion commercial à l’aide d’un moteur entièrement électrique. Le vol n’a duré que quatre minutes en raison de prévisions météo difficiles, mais certains parlent déjà d’une révolution, rapporte la BBC.

« C’était le premier coup de la révolution de l’aviation électrique », a dit Roei Ganzarski, directeur général de magniX, qui a travaillé avec la compagnie aérienne canadienne Harbour Air Seaplanes pour convertir un des avions de leur flotte d’hydravions.

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Pour Greg McDougall, fondateur de Harbour Air et pilote pendant le vol d’essai, ce projet marque l’aboutissement d’années d’efforts pour mettre l’environnement au premier plan de ses activités.

Harbour Air, qui dispose d’une flotte d’une quarantaine d’hydravions de transport desservant les régions côtières autour de Vancouver, Victoria et Seattle, a été la première compagnie aérienne en Amérique du Nord à devenir neutre en carbone grâce à des compensations en 2007. Mais pour McDougall, l’objectif ultime était d’électrifier sa flotte.

Les deux entreprises ont formé un partenariat en 2019. Onze mois plus tard, la modeste compagnie aérienne canadienne a fait décoller ce que McDougall appelle son « avion électrique », devançant ainsi d’autres projets de vols électriques, notamment ceux des grandes compagnies comme Airbus, Boeing et Rolls-Royce.

Le projet a été mis sur pied en un temps record, compte tenu de l’aversion de l’industrie aéronautique pour le risque, explique McDougall.

Le vol électrique existe depuis les années 1970, mais il est resté limité aux avions expérimentaux légers volant sur de courtes distances et aux avions à énergie solaire avec d’énormes envergures, mais incapables de transporter des passagers. A mesure que la menace posée par la crise climatique s’aggrave, on constate un regain d’intérêt pour le développement d’avions électriques afin de réduire les émissions et les coûts d’exploitation des compagnies aériennes.

170 projets à travers le monde

Actuellement, environ 170 projets d’avions électriques sont en cours de recherche au niveau international, soit une augmentation de 50 % depuis avril 2018, selon le cabinet de conseil Roland Berger. Beaucoup de ces projets sont des conceptions futuristes visant à développer des taxis aériens urbains, des avions privés ou des avions pour la livraison de colis. Mais de grandes entreprises, telles que la française Airbus, ont également annoncé des projets d’électrification de leurs avions.

Le prototype E-Fan X.
Le prototype E-Fan X.© Airbus

Son prototype hybride E-Fan X, un avion de ligne, devrait faire son premier vol d’ici 2021. Mais seul un des quatre moteurs de l’avion sera remplacé par un moteur électrique de 2 mégawatts alimenté par une batterie. Le moteur électrique servira lorsque les besoins énergétiques sont importants, comme au moment du décollage, explique Airbus.

Harbour Air a de besoins tout à fait différents d’une compagnie comme Airbus. En tant que compagnie aérienne côtière, elle exploite seulement des petits hydravions qui ont tendance à faire de courts trajets le long des côtes, ce qui signifie que ses avions peuvent régulièrement recharger leurs batteries. La compagnie se voit donc en mesure de moderniser toute sa flotte d’hydravions.

Si cette transformation aura un coût, elle pourrait apporter certains avantages. Le rendement d’un moteur à combustion typique pour un tel avion est assez faible – une grande partie de l’énergie du carburant est perdue sous forme de chaleur résiduelle lorsqu’il fait tourner l’hélice qui fait avancer l’avion. Les moteurs électriques comportent moins de pièces mobiles, ce qui signifie qu’il y a moins de maintenance et que les coûts d’entretien sont moindres.

Le public pas encore prêt ?

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Erika Holtz, responsable de l’ingénierie et de la qualité chez Harbour Air, considère le passage à l’électricité comme le prochain grand progrès de l’aviation, mais prévient que l’une des pierres d’achoppement sera la perception de la sécurité. « Les systèmes mécaniques sont beaucoup mieux connus et on leur fait davantage confiance », dit-elle. En revanche, les gens considèrent les systèmes électriques comme un peu inconnus – pensez à votre ordinateur personnel. « L’éteindre et le rallumer n’est pas une option dans l’aviation », ajoute-t-elle.

Les vols de courte distance effectués par Harbour Air sur de petits avions monomoteurs et bimoteurs nécessitent moins de puissance, ce qui signifie qu’ils n’ont pas besoin de batteries lourdes. « La plupart de nos itinéraires sont à la portée de la technologie qui existe aujourd’hui », déclare M. McDougall.

Cette capacité à utiliser les technologies existantes, notamment la cellule du Beaver qui a 62 ans et les batteries lithium-ion certifiées par la Nasa, signifie que le processus de certification pour répondre aux exigences de l’Agence fédérale de l’aviation et de Transports du Canada devrait être plus facile qu’avec un avion construit de A à Z. Harbour Air espère donc pouvoir accueillir des passagers payants dans ses avions dans moins de deux ans.

Réduire les émissions

En Europe, les ambitions sont grandes concernant la diminution des émissions liées à l’aéronautique. Ainsi, les acteurs de la filière se sont engagés à diminuer les émissions de CO2 du transport aérien de 75 % d’ici 2050 (par rapport aux niveaux d’émission de 2000) et de 90% des émissions d’oxyde d’azote. Par ailleurs, ils veulent également diminuer la pollution sonore de 65%.

Le groupe international Safran, présent également en Belgique, fournit des moteurs et équipements aux aéronefs des principaux constructeurs aéronautiques, civils et militaires.

À la pointe de la technologie, le groupe ne mise pas tout sur le moteur électrique. « Comme toutes les technologies, les systèmes électriques possèdent leurs avantages et leurs inconvénients. Ce que l’on gagne en flexibilité ou en fiabilité peut être rapidement perdu en poids et dans l’aéronautique, le bilan environnemental de l’électrification n’est pas automatiquement plus avantageux », explique Safran.

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Le but de Safran est donc avant tout d’optimiser l’utilisation de l’énergie de ses moteurs pour gagner en efficacité. L’idée est donc d’adapter chaque moteur à ses besoins en énergie et en autonomie, tout en étant le moins énergivore possible. Safran estime que d’ici 20 ans, entre 50.000 et 100.000 moteurs hybrides seront en circulation dans le monde.

Un long chemin vers l’aviation 100% électrique

Si la technologie évolue rapidement, le chemin à parcourir avant que l’on puisse partir en vacances à l’autre bout du monde dans un avion 100% électrique est encore long. En l’état actuel de la science, la propulsion 100 % électrique d’un avion commercial de grande taille est impossible à court ou moyen terme, déplore Safran.

Ainsi, Safran prévoit que les avions de ligne à court et moyen-courrier hybride seront sur le marché en 2030. Mais il faudra attendre 2040, voire 2050 pour voir des avions électriques transporter plus de 100 passagers. Et ce, avec une incertitude concernant la densité énergétique des batteries et la gestion des hautes tensions en altitude.

Cependant, il ne faudra pas attendre que les avions soient 100% électriques pour faire des économies substantielles de carburant. Par exemple, dès 2022, les nouveaux avions devraient être équipés de moteurs électriques servant uniquement à rouler sur le tarmac. Rien que cette technologie permettra d’économiser 4 % de carburant et d’émettre 73% de CO2 en moins durant les phases de roulage.

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Des batteries polluantes

Comme pour la voiture électrique, les batteries utilisées dans l’aviation ne seront pas dépourvues d’empreinte environnementale. D’un point de vue géopolitique, ces technologies seront consommatrices de terres rares, ce qui soulève le problème de l’éthique et de la pérennité de leurs chaînes d’approvisionnement. Au plan environnemental, leur bilan sera sans doute globalement favorable comparé aux moteurs actuels, mais peut-être pas partout ni tout le temps.

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