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Katowice, pour « finaliser » Paris et préparer un relèvement des ambitions

Le Vif

« Finaliser » l’accord de Paris, en se mettant d’accord sur ses règles de mise en oeuvre, préparer le terrain à un relèvement des ambitions climatiques, poursuivre les discussions sur le financement climat… les sujets « chauds » ne manquent pas pour la 24e conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP24), qui réunira les représentants des 197 parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, à partir de dimanche, à Katowice (Pologne).

La problématique d’une « transition juste » aura certainement un écho particulier dans un pays-hôte où le charbon reste omniprésent et où l’industrie minière emploie des dizaines de milliers de personnes.

L’entrée en vigueur plus rapide que prévu de l’accord de Paris (dès le 4 novembre 2016 alors qu’elle était plutôt attendue pour 2020) avait en quelque sorte pris de court la communauté internationale. Celle-ci décidait donc dans la foulée, lors de la COP22 à Marrakech, de fixer fin 2018 comme deadline pour l’adoption des règles de mise en oeuvre de l’accord climatique le plus ambitieux à ce jour.

Fin 2018, nous y voici, et force est de constater qu’il reste beaucoup de pain sur la planche pour finaliser ce règlement ou « Paris Rulebook » dans le jargon onusien. Le laborieux processus entamé à Marrakech a même necessité la tenue d’une session de négociations supplémentaires, en septembre dernier, à Bangkok.

Si l’on évoque des résultats encourageants obtenus jusqu’ici, les progrès engrangés restent insuffisants et le texte actuellement sur la table est particulièrement touffu: plus de 300 pages. La COP24, qui se tiendra du 2 au 14 décembre, aura donc la lourde tâche d’atterrir dans ce processus, certes particulièrement technique, mais ô combien crucial pour le bon fonctionnement de l’accord de Paris, dont l’objectif principal est de contenir le réchauffement climatique mondial bien en-deçà de 2°C, voire à 1,5°C par rapport aux niveaux pré-industriels. Pour ce faire, les Etats ont accepté de mettre sur pied, et surtout en oeuvre, des contributions nationales volontaires à l’effort collectif de réduction d’émission de gaz à effet de serre, lesquelles contributions nationales devront, à terme, être progressivement revues à la hausse. Mais comment en faire rapport? Comment vérifier que les engagements pris ont bien été tenus et ainsi permettre une confiance mutuelle entre les parties? C’est tout l’enjeu du règlement de l’accord de Paris.

La COP24 sera également le point d’orgue du « Talanoa dialogue » qui a émaillé les négociations sur le climat tout au long de cette année. Lancé par la présidence fidjienne à la COP23, ce dialogue vise à dresser, à Katowice, un bilan collectif des émissions de gaz à effet de serre et à encourager des efforts accrus. Le relèvement des ambitions à partir de 2020 est une question cruciale, une de plus, quand l’on sait que les engagements pris jusqu’ici par les Etats conduisent à une trajectoire de réchauffement de plus de 3°C. Le concept de Talanoa, issu de la culture fidjienne, consiste en un processus de dialogue inclusif, participatif et transparent visant une prise de décision pour le bien commun.

La question du financement climat s’invitera également à la table des négociations de Katowice. Les pays du Nord se sont engagés à verser 100 milliards de dollars par an, dès 2020, pour l’atténuation et l’adaptation aux conséquences des changements climatiques. L’accord de Paris fait de ce montant un plancher et prévoit qu’un nouveau montant, plus élevé, soit défini en 2025 « en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement ». Le financement est un sujet délicat et les pays du Sud exhortent les pays développés à respecter leurs engagements au plus vite. Les pays en développement sont aussi demandeurs d’une plus grande visibilité sur les flux de financement.

Cette COP24 sous présidence polonaise devrait également voir l’adoption de déclarations politiques portées par le pays hôte. La présidence polonaise a ainsi concocté une déclaration sur la « solidarité et la transition juste », concept visant à ne pas laisser sur le carreau des travailleurs touchés par la transition écologique. Un texte sur le rôle des forêts en faveur du climat -la Pologne a sur son territoire la forêt de Bialowieza, l’une des dernières forêts primaires d’Europe- et un autre sur la mobilité électrique sont aussi dans les cartons.

Belga-AFP

La société civile attend « un grand bond en avant » à Katowice

Alors que la 24e conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP24) s’ouvre ce dimanche à Katowice, en Pologne, la société civile attend un « grand bond en avant » et appelle les dirigeants à revoir « leurs ambitions climatiques à la hausse » lors de ce sommet dont l’importance équivaut quasiment à celui de Paris en 2015.

« La machine du dérèglement climatique est en route. Il nous reste peu de temps pour limiter les dégâts », souligne vendredi le CNCD-11.11.11, coupole de près de 90 ONG, syndicats et associations citoyennes en Belgique.

Les engagements pris jusqu’ici par les Etats conduisent à une trajectoire de réchauffement de plus de 3°C. Le relèvement des ambitions est donc crucial pour enrayer la progression du réchauffement climatique.

« Les contributions nationales doivent être revues à la hausse, chaque pays doit introduire un plan d’action amélioré », affirme le WWF. Pour la Belgique, « cela signifie l’adoption d’un plan national Climat-Énergie ambitieux, qui devra garantir la neutralité carbone du pays bien avant 2050 », indique l’organisation.

A l’échelon européen, la volonté de l’UE de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport à 1990 d’ici 2030 est également insuffisante aux yeux des ONG.

« L’UE doit revoir d’urgence ses ambitions de court terme et diminuer ses émissions d’au moins 55% d’ici 2030 pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris », assure le réseau d’ONG européen CAN Europe. « Les dirigeants européens doivent faire preuve de leadership, tenir compte du dernier rapport du Giec et agir en conséquence », plaide son président, Wendel Trio.

En octobre dernier, le Giec a publié un rapport spécial sur les conséquences d’un monde à +1,5°C, limite au-delà de laquelle les risques de phénomènes climatiques extrêmes sont significativement plus élevés. Pour la société civile, il est fondamental d’aligner les objectifs climatiques sur cette trajectoire afin de ne pas franchir le seuil fatidique.

Dimanche, quelque 25.000 personnes sont attendues dans les rues de Bruxelles pour réclamer des gestes forts lors de la COP24.

CO2 et températures records, l’urgence climatique se fait de plus en plus pressante

Concentrations records de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, records de températures, multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes…, les conséquences des changements climatiques se font déjà ressentir à travers le monde, rappelant l’urgence climatique.

Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la concentration dans l’atmosphère de C02, méthane et protoxyde d’azote, trois gaz à effet de serre, ont encore progressé en 2017, pour atteindre « de nouveaux records » à l’échelle du globe. La concentration de CO2 a ainsi atteint 405,5 parties par million (ppm) en 2017, soit 2,2 ppm de plus qu’en 2016. Or, pour pouvoir contenir à 2°C maximum la hausse de la température mondiale, la concentration moyenne de gaz à effet de serre devra rester inférieure à 450 ppm CO2 équivalent.

Au 28 mai dernier, la concentration de CO2 dans l’atmosphère atteignait même 411,98 ppm, selon Jean-Pascal van Ypersele. « Il faut remonter au moins deux à trois millions d’années en arrière pour retrouver une valeur de ce type et la température était 2 à 3°C plus élevée », souligne le climatologue et professeur à l’UCL.

Toujours selon l’OMM, l’année 2018 devrait figurer au quatrième rang des plus chaudes jamais enregistrées. Ces records sont devenus une mauvaise habitude: les 22 dernières années comptent les 20 années les plus chaudes jamais enregistrées et, pire, les quatre dernières caracolent en tête de liste. On estime que la température moyenne à la surface de la terre est d’ores et déjà supérieure d’1°C par rapport à son niveau lors de l’époque pré-industrielle. Et au rythme actuel, la barre de 1,5°C serait atteinte entre 2030 et 2050, prédit le dernier rapport du Giec.

Ce réchauffement s’accompagne, comme l’avaient averti les scientifiques, par la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes. L’année 2018 a notamment été marquée par le passage du typhon Mangkhut aux Philippines, dont les vents ont culminé à 285 km/h, et par les ouragans Michael, avec des vents jusqu’à 250 km/h, et Florence (jusqu’à 220 km/h) aux Etats-Unis. La saison cyclonique a été particulièrement active dans le Pacifique Nord-Est, où l’énergie cyclonique cumulée a été la plus importante qui ait été enregistrée depuis le début des observations par satellite. En Australie, le mois de septembre a connu un record de sécheresse alors que des feux de forêts sans précédent ont dévasté la Californie ces dernières semaines. L’Europe n’a pas été épargnée avec une sécheresse inhabituelle au printemps dans plusieurs pays, dont la Belgique, et des records de températures.

Au pôle nord, l’étendue de la calotte glaciaire était en septembre dernier 26,5% inférieure à son niveau moyen sur la période 1981-2010. Et en Antarctique, la banquise était en septembre 3,3% inférieure à son niveau moyen sur la période 1981-2010.

Avec leur multiplication, ces phénomènes météo extrêmes risquent de ne plus devenir assurables. A eux seuls, les dommages liés aux récents feux de forêt en Californie devraient coûter plus de 10 milliards de dollars aux assureurs, selon le réassureur (assureur d’assureur) allemand Munich Re. D’après son concurrent Swiss Re, les coûts des catastrophes naturelles ont atteint des sommets en 2017. L’an passé, les pertes économiques engendrées par les catastrophes naturelles et les désastres causés par l’homme (tels que les incendies ou les accidents industriels) se sont montées à 337 milliards de dollars (273 milliards d’euros), selon les calculs du groupe suisse.

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