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Violences faites aux femmes: le livre, moyen de libération de la parole

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Trois ans et demi après #MeToo et le début des campagnes sur les réseaux sociaux, c’est par le livre que le raz-de-marée des dénonciations des violences faites aux femmes déferle.

La Familia grande, de Camille Kouchner (Seuil). Pandorini, de Florence Porcel (JC Lattès). Le Consentement, de Vanessa Springora (Grasset). Les Yeux rouges, de Myriam Leroy (Seuil). Un si long silence, de Sarah Abitbol (Plon). Cinq livres qui, ces deux dernières années, façon roman ou non, symbolisent la dénonciation par des femmes, depuis la France ou la Belgique, de viols, d’inceste, de pédophilie ou de harcèlement (physique ou cyber) dont elles, ou des proches, ont été ou sont toujours victimes.

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Elles n’y révèlent pas forcément de noms mais les actions qu’elles ont ensuite ou parallèlement entreprises en justice ou les interviews qui ont suivi la parution de leurs récits ont permis d’identifier ceux qu’elles accusent. Séismes à la clé en France, dix ans après l’affaire DSK, puisque ces hommes (Olivier Duhamel, Patrick Poivre d’Arvor, Gabriel Matzneff, Gilles Beyer) appartiennent parfois depuis un demi-siècle à l’élite politique, médiatique, culturelle et sportive bleu-blanc-rouge, déjà confrontée aux accusations de viols contre Gérard Depardieu (mis en examen), Luc Besson ou le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Ces livres ne constituent pas uniquement une libération de la parole de leurs autrices: Coline Berry explique que c’est la lecture de La Familia grande qui l’a décidée à porter plainte contre son père, l’acteur Richard Berry, pour agressions sexuelles lorsqu’elle était enfant; et c’est parce qu’Un si long silence est paru que d’autres femmes ont dénoncé les viols réguliers de patineuses françaises, permettant la mise en examen d’un entraîneur et une enquête judiciaire après rapport du ministère des Sports soupçonnant vingt-et-un coachs de la fédération dont douze pour « faits de harcèlement ou agressions sexuelles ».

Trois ans et demi après #MeToo et ses corollaires sur les réseaux sociaux, à côté des investigations de la presse, des films et des démarches en justice spontanément effectuées, le raz-de-marée des dénonciations de violences faites aux femmes déferle donc désormais par le livre. Aussi vrai que la plupart des victoires de la longue lutte féministe coïncident avec la parution d’ouvrages littéraires, de fiction ou non.

Un canal qui indispose

Un canal qui indispose certains, l’éditeur du magazine VSD n’y voyant que « viol des violeurs », « harcelée professionnelle [qui] ressort tout cela au moment de publier un bouquin », « déballages indécents » commencés avec l’affaire Weinstein (« une fois arrivées à leurs fins, les plus grandes actrices américaines se sont souvenues avoir été agressées »). L’actrice française Nadège Beausson-Diagne, violée à 9 ans et, sur un tournage cinéma, à 35 ans, rétorquant dans le mensuel Neon qu' »à chaque fois qu’une victime s’exprime, ça permet à une autre de parler et, ensemble, elles remettent le monde dans le bon sens. Les violences sexuelles sont un problème de domination des hommes et c’est devenu une question de santé publique. Moi, j’ai eu la possibilité de faire de mon récit intime un récit politique. Et l’armée des victimes est plus forte et plus résiliente que l’armée des agresseurs. »

Même avec une plume à opposer au gourdin.

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