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Vaccination: « On passe à côté de 70 % de gens potentiellement à risque »

Stagiaire Le Vif

La vaccination contre la covid-19 a suscité beaucoup de réactions, dont une question : pourquoi ne pas se faire vacciner par son médecin traitant ? Les avis divergent. Pourtant, selon Philippe Devos, président de l’Association Belge des Syndicats Médicaux (ABSYM), ce serait une solution à de nombreux obstacles rencontrés par les centres de vaccination.

Accélérer la vaccination

Tout d’abord, cela permettrait d’accélérer la vaccination, actuellement à la traine en Belgique. À ce jour, moins de 3% de la population belge ont reçu les deux doses du vaccin contre la covid.

Pourtant, des milliers de vaccins attendent dans les frigos des centres de vaccination. « Si les centres de vaccination marchaient à la perfection, pourquoi faire compliqué quand le simple fonctionne. Mais on voit que les centres ne fonctionnent pas. Quand la médecine générale est disponible pour en injecter 1 million par mois, en avoir 400 000 dans un frigo, c’est inaudible pour nous ». L’ABSYM demande que les deux systèmes fonctionnent en parallèle. Les gens pourraient alors choisir d’aller se faire vacciner chez leur médecin ou dans un centre de vaccination. Les médecins généralistes sont habitués à administrer des vaccins, cela ne serait donc pas plus compliqué pour eux. Une chose à prendre en compte est qu’il faudrait rassembler les rendez-vous afin de ne pas devoir jeter de doses après l’ouverture d’un flacon de vaccins. Ceux-ci peuvent d’ailleurs être conservés dans un frigo ou un congélateur, même le vaccin Pfizer qui, à la base, devait être conservé à -80 degrés. « L’organe d’agrément américain pour les médicaments vient de conclure après des essais qu’il peut être conservé à -18 degrés pendant presque un mois. Donc il n’y a plus aucun vaccin qui doit être conservé à -80 degrés. Les vaccins les plus compliqués doivent être conservés dans un congélateur de base, à -18 degrés », précise Philippe Devos.

Une plus grande adhérence à la vaccination

Philippe Devos est convaincu que permettre à la population de se faire vacciner par son médecin généraliste amènerait plus de personnes à y adhérer. Certains Belges se sentent mal à l’aise à l’idée de se faire vacciner par un inconnu. « Un certain nombre de patients ne sont pas à l’aise de ne pas avoir pu discuter avant la vaccination d’éventuels effets secondaires et de ne pas avoir un petit coup de fil le lendemain pour savoir comment ça va etc. Donc on pourrait, avec certitude, aller chercher un pourcentage de la population qui est encore hésitant ».

Une vaccination basée sur les dossiers médicaux informatisés

Ce système de vaccination se base sur les dossiers informatisés des médecins généralistes ou de la mutuelle. Mais le président de l’ABSYM met en garde. « Par exemple, 50% des Bruxellois ont un dossier informatisé, ce qui veut dire que 50% n’en ont pas. Et parmi les 50% qui ont un dossier informatisé, seulement 30% des dossiers sont à jour. Donc, en faisant un système de convocation informatique pure et dure, on passe à côté de 70% de gens potentiellement à risque, qu’on reporte avec le reste de la vaccination ». Se faire vacciner par son médecin généraliste permettrait donc aux patients qui n’ont pas de dossier informatisé mais qui sont à risque de bénéficier d’un vaccin plus rapidement.

L’ABSYM a d’ailleurs saisi le Conseil d’État pour violation du secret médical. En Belgique, contrairement aux autres pays, l’État a accès à nos dossiers médicaux. « L’État ne doit pas avoir votre consentement, il ne vous informe pas qu’il va dans votre dossier. Donc il y va, même si vous vous opposez à ce qu’il y aille. Il ne vous informe pas qu’il y est allé, il n’informe pas le médecin non plus. Il n’est pas défini quelles données il va chercher, il peut prendre tout votre dossier. Il fait une copie de ces informations dans une base de données qu’il conserve pendant 30 ans et dont on ne sait pas ce qu’il va faire. Et puis, à partir de là, il vous convoque. Pour nous, ça fait tout un ensemble de conditions qui ne sont pas respectées ». Philippe Devos craint que cela confirme aux gens qui ont peur du vol de données, que c’est possible. Cela pourrait mener à « un désinvestissement de la population vis-à-vis des dossiers informatisés, ce qui serait un drame pour toutes les pathologies ». En effet, l’informatisation des dossiers aide les professionnels de la santé à s’échanger des données sur le patient afin de réduire un certain nombre d’accidents.

Chez nos voisins, le système de vaccination est différent. Cela se fait via un système d’ordonnance électronique prescrite par le médecin généraliste. « Le médecin remplit un formulaire électronique mais il n’est pas noté que Monsieur a le sida. Il est juste écrit qu’il a un facteur de risque qui justifie qu’il peut être vacciné. Ici, tout le monde va savoir que vous avez le sida, puisque c’est ça qui va être recherché ». Cette alternative serait faisable également dans notre pays puisque nous sommes passés au système d’ordonnance électronique depuis janvier 2021.

Lauriane Vandendael

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