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Vaccin: une troisième dose contre les nouveaux variants ?

Muriel Lefevre

Le Royaume-Uni envisage sérieusement un vaccin de « rappel » pour septembre afin de se protéger contre les nouvelles variantes du coronavirus. Selon le virologue Marc Van Ranst (KU Leuven), la Belgique et l’Europe feraient bien de faire de même.

Plus de 29 millions de Britanniques, soit plus de la moitié des adultes, ont déjà reçu leur première dose de vaccin contre le covid. Parmi eux, 3 millions ont même déjà reçu une deuxième dose. Le gouvernement britannique a pour objectif de vacciner tous les adultes d’ici la fin du mois de juillet.

Il prévoit même un troisième tour pour se prémunir des variants. Dès septembre, les personnes de plus de 70 ans pourraient en effet recevoir un « vaccin de rappel » a déclaré le ministre responsable de la campagne de vaccination, Nadhim Zahawi, dans le journal britannique « The Daily Telegraph ». Les travailleurs de la santé et certains patients à risque seront également ciblés en priorité.

Plus qu’un vaccin de rappel, il s’agit d’un vaccin « adapté »

Il ne s’agirait pas vraiment d’un rappel pur et simple, mais plutôt d’un vaccin légèrement modifié capable de faire face aux variants. Le coronavirus se transforme en effet de plus en plus, au risque d’affaiblir l’efficacité des vaccins actuels. Une inquiétude partagée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Pour eux une adaptation est indispensable, car « des variants contre lesquels les vaccins actuels pourraient être moins efficaces (…) vont probablement continuer à émerger ».

Combien de variants?

« Plus de 4.000 variants du SARS-CoV-2 ont été identifiés à travers le monde », expliquent les services de santé britannique sur leur site internet. « La plupart n’a pas d’impact en termes de santé publique », souligne l’OMS. Ainsi, à ce stade, « seuls » trois variants sont considérés comme des préoccupants », selon la dénomination officielle de l’OMS: ceux qui ont d’abord été détectés en Angleterre, en Afrique du Sud et au Japon (mais sur des voyageurs venant du Brésil, d’où son nom commun de « variant brésilien »). Ils circulent respectivement dans 125, 75 et 41 pays, selon le dernier point de l’OMS. Ils appartiennent à cette catégorie à cause de leur transmissibilité et/ou leur virulence accrues, qui aggravent l’épidémie et la rendent plus difficile à contrôler, selon la définition de l’OMS. La catégorie juste en-dessous est celle des « variants d’intérêt », dont les caractéristiques génétiques potentiellement problématiques justifient une surveillance. Pour l’instant, l’OMS en retient trois, initialement repérés en Ecosse, aux Etats-Unis et au Brésil. Enfin, de nombreux autres variants circulent, que la communauté scientifique cherche à repérer et évaluer. « Les semaines et les mois à venir nous diront s’ils entrent dans la catégorie des variants très inquiétants qui se diffusent très vite, ou s’ils vont rester des variants qui circulent à bas bruit », explique à l’AFP Etienne Simon-Lorière, responsable de l’unité de génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur (Paris). Tous ces variants sont classés par famille, ou « lignée ». Selon les mutations qu’ils ont acquises, ils occupent une place précise dans l’arbre généalogique du virus SARS-CoV-2 d’origine.

Adapter les vaccins

Plutôt qu’un tout nouveau vaccin, pour les chercheurs, l’enjeu est en premier lieu de vite adapter ceux déjà développés. Or « il y a des formats plus rapidement et plus facilement adaptables », souligne Sylvie Van der Werf, virologue à l’institut Pasteur en France. « Clairement, ce sont les vaccins de types ARN messagers. » Soit les vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna. Pour rappel, ces derniers injectent directement des séquences d’ARN qui conduisent les cellules à fabriquer des protéines présentes dans le coronavirus afin d’y habituer le système immunitaire.

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Ces séquences peuvent être très vite synthétisées en laboratoire. Par contraste, les vaccins AstraZeneca et Johnson & Johnson utilisent la technique du « vecteur viral ». Elle intègre également du matériel génétique aux cellules, mais en prenant comme « navette » un virus préexistant, par ailleurs différent du coronavirus. C’est plus long à développer.

Pour prendre un exemple concret, si en guère plus d’un mois, Moderna a lancé les essais cliniques d’un nouveau vaccin, AstraZeneca a déjà prévenu qu’un tel travail lui prendrait six mois (un délai rapide par rapport à la norme). Mais « ce n’est pas sûr qu’il y ait une si grande différence entre les ARN messagers et les vecteurs viraux, une fois que l’on prend en compte la production à grande échelle », relativise auprès de l’AFP Julian Yang, virologue à l’université britannique de Leicester. Les vaccins à ARN messager nécessitent en effet un maintien à très basse température, ce qui complique les étapes suivant la synthèse du principe actif.

Une troisième piste est le virus inactivé

Novatrices, ces deux catégories sont en tout cas beaucoup plus rapides à redévelopper que les vaccins classiques, dit « inactivés ». Pourtant, le gouvernement britannique fonde beaucoup d’espoirs sur ces vaccins pour répondre à l’émergence de nouvelles souches. Contre le Covid-19, ils ne sont pas encore approuvés en Europe, mais l’un d’eux, développé par Valneva, devrait être distribué au Royaume-Uni d’ici à l’automne. Plus lent à développer, mais avec une couverture plus large. Une sorte de vaccin universel qui n’a pas besoin d’être souvent réadapté. En effet, alors que les vaccins à ARN messager et à vecteur viral se concentrent sur une petite partie du virus – la protéine S, dite « Spike » – les vaccins inactivés utilisent le coronavirus dans son ensemble pour développer la réponse immunitaire. Cela « donne beaucoup plus de chances de refléter les mutations », a jugé début février le secrétaire d’Etat Nadhim Zahawi devant les parlementaires britanniques, jugeant que ce vaccin pouvait donc être « incroyablement efficace ».

Compter sur un vaccin qui n’a pas besoin d’être adapté laisse cependant sceptiques les chercheurs qui jugent l’idée très hypothétique. « Pour l’instant, ce n’est pas démontré », estime Etienne Decroly, spécialiste des virus émergents auprès du CNRS. « On essaie de le faire depuis une dizaine d’années contre la grippe ; si ça n’a malheureusement pas encore abouti, on peut se dire que les choses ne sont pas si simples que ça », remarque-t-il, notant qu’au fil du temps, les virus auront de toute façon tendance à muter dans une direction qui échappe aux vaccins existants. Pire, il pourrait être contre-productif de trop compter sur les vaccins à virus inactivé. « Certes, ça induit une réponse très large, mais ce qu’on veut, c’est d’abord une bonne réponse contre la protéine Spike », tranche M. Gaudin. Or « le fait d’inactiver le virus peut parfois abîmer la protéine », limitant potentiellement l’efficacité du vaccin, prévient-il.

Troisième dose aussi en Belgique ?

Selon Jean-Michel Dogne, membre de la task force vaccination (Université de Namur), il n’y a actuellement aucun projet concret pour une troisième dose dans notre pays. « Bien qu’elle soit une stratégie possible pour combattre les variantes, elle reste une hypothèse. Nous ne savons même pas encore si, dans quelle mesure et pendant combien de temps une telle troisième dose offre une protection ». « Nous ne pouvons certainement pas l’anticiper à ce stade », renchérit le spécialiste en vaccin et membre du groupe de travail sur la vaccination Pierre Van Damme sur la VRT. « Tout d’abord, des études doivent encore être mises en place pour en démontrer l’efficacité. Ceux-ci devront également être approuvés avant que ces vaccins puissent être utilisés comme dose supplémentaire ou troisième dose en Europe. »

Vaccin: une troisième dose contre les nouveaux variants ?

Pour Marc Van Ranst, on ne doit pas être si attentiste, sinon nous arriverons trop tard dit-il dans De Morgen. « Il serait judicieux que l’Europe commence à en parler avec les sociétés pharmaceutiques dès maintenant, car elles sont en train de développer ces vaccins modifiés. Ils constituent une sorte d’assurance-vie contre l’émergence d’une variante sud-africaine ou brésilienne. Nous avons vu à quelle vitesse les choses peuvent évoluer avec la variante britannique ; en quatre mois environ, on peut passer de quelques pour cent à la grande majorité des nouveaux cas. Si une telle variante peut déjouer le vaccin, nous devons nous y préparer. De préférence avant l’hiver », dit-il dans le quotidien flamand. « Car de nouvelles variantes verront certainement le jour. Si nous vaccinons des milliards de personnes, nous exerçons une pression énorme sur le virus. Donc cela va certainement encore muter, et par un hasard idiot, il y aura des mutants qui se propageront plus vite malgré la vaccination. », précise-t-il encore.

La troisième dose devrait-elle être de la même « marque » que le premier ?

Des recherches sont actuellement menées pour déterminer dans quelle mesure il est possible de combiner ces vaccins précise Van Ranst. « Les résultats ne sont pas encore disponibles, mais j’ai du mal à imaginer que Pfizer/BioNTech et Moderna ne soient pas compatibles, car ils utilisent exactement la même technologie d’ARNm. Il en va de même pour les vaccins basés sur les adénovirus, comme ceux d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson. Le plus logique, bien sûr, est de conserver le même vaccin, mais d’un point de vue logistique c’est une toute autre histoire. »

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