Paul Magnette (PS), Bart De Wever (N-VA) et le roi Philippe en août 2020. © belga

Une Belgique à deux? A quatre? Rattachée? Mieux vaut s’y préparer…

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Une campagne de consultation citoyenne est confirmée pour la fin de l’année. Les esprits s’échauffent de toutes parts. Pour un rendez-vous qui sera loin d’être une sinécure.

Réformer l’Etat; pour la septième fois? Le débat institutionnel, qui chagrine tant et semble en décalage avec la réalité à l’heure où l’on chante les médailles belges aux Jeux olympiques, revient toujours en Belgique, tel un monstre du Loch Ness. Il s’est réveillé dans les affres de la gestion de la crise sanitaire. Il se réinvite cet été sous le coup de boutoir de prises de position multiples, mais il était déjà présent, en réalité, dans les valises de la Vivaldi fédérale

Dès sa naissance, la majorité gouvernementale a annoncé sa volonté de lancer un débat citoyen. Objectif? Développer un projet pour rendre la Belgique « plus efficace ». C’est le slogan du gouvernement De Croo. Avec la volonté de se poser en alternative crédible et positive face aux projets séparatistes de la N-VA et du Vlaams Belang, les deux premiers partis du nord du pays.

La consultation citoyenne aura bien lieu. Les ministres en charge des Affaires institutionnelles, David Clarinval (MR) et Annelies Verlinden (CD&V) en avaient confirmé l’intention au mois d’avril, déjà. Concrètement, une plateforme de dialogue avec les citoyens sera lancée sur Myopinion.be, pour six semaines, pour un processus participatif encadré par un comité scientifique de dix membres. La décision vient d’être confirmée: un budget de 1,1 million a été débloqué pour lancer une campagne de consultation. Mais le processus ne devrait être effectif que fin de l’année.

Lire aussi: Coup d’envoi pour la prochaine réforme de l’Etat

Il se confirme aussi que le renouveau démocratique sera au rendez-vous des discussions. Annelies Verlinden, par ailleurs ministre de l’Intérieur, avait annoncé une initative pour mette fin aux blocages incessants dans la formation des gouvernements fédéraux. Des mécanismes seront mis en place pour permettre un déblocage et l’on prévoira un deadline pour les négociations. Il n’est pas encore question de date, mais un délai de six mois avait été avancé par certains partis.

Des coups de boutoir divers

En attendant, cela s’échauffe au coeur de l’été – et pas qu’un peu.

En Flandre, le ministre-président Jan Jambon (N-VA) avait annoncé lors de la Fête flamande, le 11 juillet, sa volonté que l’on réécrive la Belgique « au départ d’une page blanche ». A deux reprises, dans la deuxième quinzaine du mois, son président de parti, Bart De Wever, a lancé un ballon d’essai esquissant son « rêve » d’un rattachement aux Pays-Bas. C’est le retour d’une N-VA confédéraliste, voire séparatiste.

Cela fait réagir en sens variés. Dans les colonnes de Knack, Gerolf Annemans, vieux briscard de l’extrême droite indépendantiste, exprimait son souhait de voir le mur ses briser entre la N-VA et le Vlaams Belang, réveillant le vieux rêve d’un « grand soir » pour 2024, alors que Bart De Wever a exprimé jusqu’ici qu’il subsistait un « mur de Berlin » entre les deux partis. Annemans souhaiterait aussi qu’un « troisième parti » participe à une déclaration d’indépendance de la Flandre aux côtés de la N-VA et du Belang pour en « renforcer la légitimité ».

Toujours dans les colonnes de Knack, une opinion du ministre d’Etat Mark Eysens (CD&V) précise l’enjeu: « Une confédération belge conduirait immédiatement à tois Etats indépendants », clame-t-il. « Que la Belgique consisterait en deux démocraties séparées – comme l’affirment certains politiques – n’est pas la cause n’une nécessaire nouvelle réforme de l’Etat, mais bien la conséquence des précédentes qui étaient incohérentes« , souligne le ministre d’Etat.

Voilà pourquoi il convient de se préparer. Du côté francophone, singulièrement au PS, on entend depuis un an revenir le refrain d’une « Belgique à quatre » où domineraient les Régions: Bruxelles, Flandre, Wallonie et Belgique germanophone. Certains y sont moins favorables, comme l’exprimait encore fin juillet l’ancien président de DeFI, Olivier Maingain, avec un plaidoyer davantage communautariste.

Dans une chronique publiée par le Standaard, le 4 août,, le philosophie Philippe Van Parijs, qui coordonne un travail de réflexion sur la future forme de l’Etat belge, expliquait les raisons pour lesquelles les rêves « romatiques » ou « pragmatiques » du type de celui du rattachement Flandre / Pays-Bas prôné par Bart De Wever réveillerait de mauvais souvenirs. Il conclut son texte comme suit: « Au lieu de réveiller le passé, on ferait mieux d’en tirer les leçons. Cela implique que nous devons réformer nos institutions pour faire fonctionner une démocratie multilingue de manière fluide, tant en Belgique qu’en Europe. Facile, ce n’est pas. Mais De Wever a raison: ‘Les choses qui paraissent impensables, deviennent parfois rapidement plus envisageable qu’on ne le penserait’. »

Voilà posé l’enjeu des deux années à venir.

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