Karine Lalieux © Belga

Pensions: qu’est-ce qui fâche dans le projet de Lalieux ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Vendredi dernier, la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS) a présenté ses réformes de pensions. Face aux critiques qui ont fusé de toute part, la ministre défend ardemment son projet, même si elle est consciente qu’il provoquera des tensions au sein de la Vivaldi. « Ma proposition de réforme des retraites s’inscrit dans le cadre de l’accord de coalition et est réalisable tant sur le plan financier que social. »

Le coût de la réforme

Les principales critiques portent sur le coût de ses propositions, jugé trop élevé par plusieurs partis. Ainsi, le président du MR George-Louis Bouchez estime que la proposition est hors budget. « Cette réforme est hors des clous budgétaires et elle ne correspond pas du tout aux objectifs fixés dans la coalition. On va devoir remettre tout ça sur le métier ».

Plus véhément encore, le président de la N-VA Bart De Wever n’a pas hésité à dire sur les ondes de VTM que Karine Lalieux ferait mieux de prendre sa pension elle-même. Pour lui, le gouvernement fédéral est « très à gauche » et le PS détient les postes clés des pensions et de l’emploi. Il a critiqué le fait que le plan n’ait pas été discuté au sein du gouvernement. « Comment peut-on alourdir encore la facture des pensions de 26 milliards d’euros ? », s’est-il interrogé. Pour le bourgmestre d’Anvers, la seule solution c’est le confédéralisme, « où chacun se débrouille tout seul ».

Pour le président du Vlaams Belang, le plan de pensions n’est pas financé, et « est donc payé par les Flamands », même s’il estime qu’une pension minimum de 1500 euros est une bonne chose tout comme la « protection de la femme ».

Interrogée dans le cadre de l’émission De Zevende Dag sur la VRT, la ministre a souligné que son projet était bel et bien payable. « Nous avons fait des projections avec des perspectives prudentes. Par exemple, nous n’avons pas tenu compte de la hausse du taux d’emploi et de la productivité accrue grâce au plan de relance. Les projections montrent que le coût sera neutre en 2040 », a-t-elle rétorqué. Elle a également rappelé que Georges-oLuis Bouchez n’avait pas encore vu les chiffres.

Stijn Baert, professeur en économie du travail à l’Université de Gand évoque « une chimère budgétaire ». Il appelle les partis flamands du gouvernement fédéral à attendre une étude étayée avant d’entamer des discussions de fond sur la réforme des pensions.

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Accès à la pension minimum

« L’idée selon laquelle contribuer peu de temps et au minimum suffira toujours n’est pas notre modèle », a commenté le président de l’Open VLD Egbert Lachaert. Fin août, Lachaert s’était attiré les foudres des socialistes quand il avait déclaré qu’il fallait avoir travaillé effectivement au moins 20 ans dans une carrière de 30 ans pour bénéficier de la pension minimale revalorisée. Karine Lalieux propose en effet de limiter cette durée à 10 ans.

Également présent dans l’émission De Zevende Dag, le président d’Open Vld a défendu sa proposition de demander 20 ans de travail « à un moment où il y a des milliers de postes vacants dans les professions en pénurie ». « L’économie peut croître, mais cette croissance est freinée par une pénurie de travailleurs », a-t-il déclaré.

Pour la ministre des Pensions, Lachaert ne tient pas compte des femmes quand il déclare qu’il faut avoir travaillé 20 ans de travail pour avoir droit à une pension minimum. « Vingt ans de carrière effective, cela veut dire que 66,7% des bénéficiaires, dont 75% de femmes, seront exclus de la pension minimum. Ce serait inacceptable », avait-elle déclaré au Soir à ce sujet.

La N-VA dénonce également les nouvelles conditions d’accès fixées pour bénéficier de la pension minimum. « Contrairement à ce qui est nécessaire, le travail effectif n’est pas récompensé par une meilleure pension. C’est une gifle en plein visage pour ceux qui auront contribué pendant des décennies à notre société »

Un taux d’emploi de 80%

La N-VA souligne aussi que le gouvernement table sur un taux d’emploi de 80% pour maintenir le régime des pensions soutenable, mais que rien dans le plan n’indique comment ce taux sera relevé. Les nationalistes pointent le fait qu’il est déjà très difficile de pourvoir à de nombreux emplois, alors que le taux d’emploi n’est que de 70% actuellement.

« C’est sans doute un but à atteindre, mais va-t-on y arriver? On n’en sait rien », se demande également Pierre-Frédéric Nyst, président de l’Union des classes moyennes (UCM), sur les ondes de DH Radio. « Ce sont les idées de la ministre en tout cas, mais moi je ne suis pas du tout convaincu. On a un réel problème en Belgique par rapport à l’emploi, au taux d’emploi. »

Le bonus pension

Afin de maintenir les gens plus longtemps à l’emploi pour garantir la soutenabilité du système, la ministre des Pensions propose deux « incitants positifs » à ceux qui poursuivront leur job après 42 ans de carrière: un bonus pension et une pension à temps partiel.

« Ce montant est très proche de celui de l’ancienne prime de pension, également d’environ deux euros par jour », explique Stijn Baert. « Beaucoup d’études ont été faites, notamment par le Conseil supérieur des finances et le Conseil supérieur de l’emploi. Elles démontrent que l’effet est très faible. Certaines personnes âgées travailleront plus longtemps, mais d’autres atteindront rapidement le montant souhaité et décideront d’arrêter de toute façon. C’est une mesure intéressante, car elle est juste. Mais l’effet est très faible. »

Selon lui, la proposition de pension à temps partiel a également des effets défavorables. « À court terme, elle peut être bénéfique pour les femmes. Mais à plus long terme, elle est plutôt défavorable, car les personnes qui continueraient à travailler à temps plein prennent leur pension à temps partiel, ce qui réduira la demande d’emploi. En attendre un effet budgétaire positif contredit les conclusions scientifiques. »

Les socialistes flamands réservent leur avis

Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke, ancien ministre des Pensions du gouvernement arc-en-ciel de Guy Verhofstadt, socialiste comme Lalieux, n’a pas souhaité commenter la réforme de sa consoeur.

Son président, Conner Rousseau ne veut pas se prononcer non plus sur le fond du projet, mais rappelle le contenu de l’accord de gouvernement à ses partenaires de majorité. « Nos revendications les plus importantes sont reprises dans l’accord de gouvernement et seront réalisées: le relèvement de la pension minimum à 1.500 euros et la réintroduction du bonus pension pour ceux qui travaillent plus longtemps qu’une carrière complète. Nous faisons ainsi en sorte que le travail soit récompensé », a-t-il déclaré.

« Cela n’aidera pas de crier depuis le banc de touche. Si nous voulons vraiment faire bouger les choses, nous devons faire notre travail au sein du gouvernement, comme des gens sérieux », a-t-il ajouté.

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