Gérald Papy

« On retiendra le sentiment que le courage collectif n’est pas mort » (édito)

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

De 2020, on retiendra le sentiment que, par la force de ceux que les premiers de cordée rabaissaient au rang de « sans-grade », le courage collectif n’est pas mort. L’édito de Gérald Papy, rédacteur en chef adjoint du Vif/L’Express.

Aussi symbolique soit-elle, la vaccination de quelques citoyens belges contre la Covid avant le Nouvel An aura été utile. Elle offre une bouffée d’air, une perspective et un formidable espoir pour 2021, celui d’une vie petit à petit délivrée de la peur de la maladie et de l’autre, des entraves aux libertés, des replis mortifères… Tout aussi symbolique, la concomitance de l’administration des premiers vaccins par les Vingt-Sept a du sens. Elle projette l’image d’une Union européenne solidaire. Cette solidarité est d’autant plus précieuse qu’elle a cruellement manqué aux Européens au début de la pandémie, qu’elle est soutenue et permise par les précommandes de vaccins opérées par la Commission et qu’elle revigore l’Union au moment où le Royaume-Uni, un de ses piliers, s’en détourne pour longtemps. Mais sans surprise et sans grand regret pour certains.

De 2020, on retiendra le sentiment que, par la force de ceux que les premiers de cordu0026#xE9;e rabaissaient au rang de u0022sans-gradeu0022, le courage collectif n’est pas mort.

Nullement symbolique, la priorité donnée aux résidents de trois homes pour les premières vaccinations en Belgique est pertinente médicalement, et essentielle moralement. Elle répond enfin à l’abandon matériel et psychologique dans lequel trop de personnes âgées de ces maisons ont été poussées par les administrateurs et les autorités. Il n’est que justice qu’elles soient aujourd’hui l’objet de toutes les attentions.

Qu’il en soit de même pour tous les personnels soignants va de soi, stratégiquement, humainement, philosophiquement. Les gestes posés pour améliorer aujourd’hui leurs conditions de travail ne sont qu’une reconnaissance du courage, jusqu’au sacrifice de leur vie parfois, dont ils ont fait preuve depuis le début de l’épidémie de coronavirus. Dans un petit essai intitulé L’Eloge du courage (Grasset), l’ancien commandant de la brigade des pompiers de Paris, le général Jean-Claude Gallet, soutient que, depuis quelques années, nous réapprenons à vivre avec le tragique de l’histoire et que ces épreuves réhabilitent dans la société la notion de courage. On se serait évidemment bien passés des attentats et des pandémies. Mais il faut reconnaître que la crise sanitaire a révélé à beaucoup l’importance de cette « armée du quotidien » composée d’aides-soignantes, d’infirmiers, de caissières, d’éboueurs, de livreurs qui, ensemble, ont assuré la continuité des services essentiels en des temps difficiles.

Les lanceurs d’alerte qui dénoncent ici les abus d’une machine étatique, là les dérives d’une multinationale participent pareillement de ce même mouvement qui honore l’acte courageux. Pour leurs convictions, ils risquent leur poste, leur confort, leur existence. On ne sait si ceux qui ont dénoncé ces derniers jours dans leur voisinage une fête de famille un peu bruyante ou une coiffeuse présumée clandestine prétendent au statut de lanceur d’alerte. Ils auraient évidemment tort. Nul courage chez eux, ils ne sont que de sinistres délateurs, dont l’apparente prolifération fait peur.

Comme pour toute catastrophe, la crise du coronavirus a révélé les meilleures et les pires facettes de l’être humain. Au moment de tourner la page de cette année si particulière, on aura une pensée pour les nombreuses victimes de cette terrible pandémie et pour leurs proches dont on n’a sans doute pas assez entendu la souffrance. Et on retiendra le sentiment que, par la force de ceux que les premiers de cordée rabaissaient au rang de « sans-grade », le courage collectif n’est pas mort.

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