Les titres-services peuvent facturer des surcoûts à leurs clients sous couvert de « frais administratifs »

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Facturer des frais d’abonnement en plus des titres-services est une pratique de plus en plus courante dans le secteur des aides-ménagères. En Flandre, certaines entreprises de nettoyage ont indiqué à leurs clients qu’à partir de 2022, ils devront payer 5 à 8 euros supplémentaires par mois. Une mesure mise en place pour permettre au secteur de garder la tête hors de l’eau…

La facture des Belges bénéficiant d’une aide-ménagère pourrait bien augmenter dans les prochains mois. En particulier dans le nord du pays, où le secteur des titres-services annonce des surcoûts de l’ordre de 5 à 8 euros supplémentaires par mois. Une mesure qui prendra effet en janvier 2022. Et si facturer des surcoûts, en plus des titres-services, n’est pas une pratique nouvelle, elle devient de plus en plus fréquente, et ce, dans l’ensemble du pays, admet Paul Verschueren, directeur Flandre chez Federgon.

La quasi-totalité des entreprises de nettoyage qui remboursent leurs aides-domestiques via des titres-services factureraient désormais des frais administratifs. Chez TRIXXO par exemple, des frais d’abonnement de 40 euros par semestre sont demandés aux clients flamands. En 2022, ce montant sera ajusté à 48 euros. À Bruxelles et en Wallonie, ces frais s’élèvent déjà à 48 euros.

Mais comment expliquer ces surcoûts supplémentaires ? Le secteur va mal et est aujourd’hui en danger. « La plupart des entreprises titres-services connaissent une situation financière extrêmement difficile et un très grand nombre d’entre elles sont même déficitaires« , explique la fédération d’employeurs Federgon. L’une des sources du problème : une pénurie de main-d’oeuvre, qui touche aujourd’hui tout le secteur.

Un métier difficile et une précarité croissante

Incapables de répondre aux demandes de leurs employées – qui réclament de meilleurs salaires et conditions de travail -, les sociétés ne parviennent en effet plus à recruter des travailleurs/euses. Face à une précarité croissante, de plus en plus d’aides-ménagères envisageraient même de retourner travailler au noir.

La crise sanitaire et l’augmentation des coûts de l’énergie et de l’essence ont eu un impact conséquent sur le portefeuille des aides-ménagères. La plupart rencontrent aujourd’hui des difficultés pour joindre les deux bouts.

Selon une récente enquête de la CSC, 70% d’entre elles disent avoir du mal à payer en temps et en heure des frais fixes, comme le loyer, la facture d’énergie, l’eau… Payer une facture inattendue de 1000€ est tout simplement impossible pour trois aides-ménagères sur quatre. 43% repoussent souvent ou très souvent une consultation médicale ou l’achat de médicaments.

Propos racistes, harcèlement, mépris, cadences de travail intenables, salaires trop bas… Le métier d’aide-ménagère est rude et peu valorisé. Pas étonnant donc pour les sociétés de rencontrer des problèmes de recrutement.

Le prix du titre-service varie d’une Région à l’autre

Il faut savoir que suite à l’implémentation de la sixième réforme de l’état, la gestion du régime des titres-services est devenue au 1er juillet 2014 une compétence régionale. Et si le prix d’un titre-service est le même partout – de 9 à 10 € -, chaque région applique une déduction fiscale qui diffère dans les trois Régions :

  • En Wallonie, vous pouvez chaque année bénéficier d’une réduction d’impôt de 0,9€ pour chacun des 150 premiers titres-services commandés par personne. Au lieu de 9€, le client ne paye donc au final que 8,10 € par titre-service.
  • À Bruxelles, vous pouvez chaque année bénéficier d’une réduction d’impôt de 1,35€ pour chacun des 163 premiers titres-services commandés par personne. Au lieu de 9€, le client ne paye donc au final que 7,65€ par titre-service.
  • En Flandre, vous pouvez chaque année bénéficier d’une réduction d’impôt de 1,8€ pour chacun des 170 premiers titres-services commandés par personne. Au lieu de 9€, le client ne paye donc au final que 7,20 € par titre-service.

Salaires, déplacements, subsides

Depuis le 6 décembre, les travailleuses des titres-services mènent des actions auprès des grands acteurs du secteur afin de faire bouger les choses. Elles disent se sentir méprisées par leurs employeurs et espèrent que les négociations aboutiront à un nouvel accord sectoriel qui répondra à leurs demandes.

Les employées dénoncent notamment des revenus insuffisants: le salaire horaire maximum pour le personnel du secteur des titres-services est de 12,30€. Cela représente donc un salaire mensuel de 1.279 € brut, soit 1.170 € net, pour une « aide-ménagère moyenne » (plus de 3 ans d’ancienneté, une durée de travail de 24 h/semaine et un·e partenaire qui dispose d’un salaire). Et si les sociétés de titres-services ont récemment annoncé une revalorisation à la hausse des salaires, les efforts sont loin d’être satisfaisants. « Les employeurs ont accordé leurs violons au sein de Federgon pour ne faire que le minimum pour les aides-ménagères: une augmentation de 0,4%. Cette ‘augmentation’ équivaut à 0,05 euro supplémentaire par heure. Des miettes « , regrette le front commun syndical du secteur.

Les travailleuses fustigent également une indemnité de déplacement limitée à 13 centimes par kilomètre « alors que l’État fixe cette indemnité à 37 centimes« . Un problème quand on sait que les prix à la pompe ne cessent de grimper. « On connaît les soucis de mobilité, que ce soit en ville ou à la campagne, c’est difficile. Il y a des kilomètres à parcourir pour aller d’un client à l’autre. Tous les demandeurs d’emploi ne disposent pas de solution de mobilité, de véhicule, etc. Sans parler du prix de l’essence qui augmente et représente un coût non négligeable »,explique à RTL info Benjamin Wéry, permanent syndical à la centrale FGTB de Liège, spécialisé dans le secteur des titres-services.

Enfin, aides-ménagères et syndicats pointent du doigt la mauvaise répartition de l’argent public alloué au secteur. Une analyse effectuée à partir des données de plus de 450 entreprises de la Banque nationale montre en effet que les bénéfices du secteur se sont maintenus pendant la crise grâce à un afflux d’argent public, mais que cet argent a été principalement capté par les actionnaires. « Lorsqu’un particulier paye 9 euros pour une aide-ménagère, l’État en ajoute le double. Cette politique a pour but de rémunérer correctement les aides ménagères. Mais on voit que ce sont les actionnaires qui raflent la mise », a déploré le secrétaire national de la CSC Alimentation et Services, Kris Vanautgaerden.

De nouvelles négociations devraient avoir lieu ce jeudi 16 décembre.

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