Malgré son placement en PRJ, Orchestra-Prémaman a été déclaré en faillite début juillet. © BELGAIMAGE

La procédure de réorganisation judiciaire, miracle ou mirage pour les entreprises ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

La procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) permet d’éviter des faillites. Un projet de loi devrait la simplifier. Mais la PRJ est-elle la panacée ?

Trois lettres qui résonnent comme une promesse. La PRJ, ou procédure de réorganisation judiciaire, permet à une société d’éviter la faillite en se mettant temporairement à l’abri de ses créanciers, moyennant un plan de remboursement pouvant s’étaler sur cinq ans à concurrence de minimum 20 % des créances. Cela se passe sous le contrôle d’un juge.

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La PRJ risque d’avoir plus de succès avec la crise actuelle. Pour l’instant, au tribunal de l’entreprise de Bruxelles, ce sont surtout de grosses boîtes qui en ont fait la demande, comme Orchestra-Prémaman ou Le Pain quotidien. Ce dernier en est d’ailleurs déjà sorti et a retrouvé de nouveaux actionnaires. On évoque aussi une PRJ pour Camaïeu.

« Cette procédure n’aboutit pas toujours à une absence de faillite, nuance le président du tribunal Paul Dhaeyer, pourtant enthousiaste pour cette solution. Cela dit, nous n’avons pas encore reçu beaucoup de demandes pour l’instant, malgré notre appel dans les médias. Fondamentalement, nous préférons la PRJ à un aveu de faillite. Mais il est vrai que la procédure reste complexe. »

Elle est même assez stricte et contraignante, surtout pour les petites entreprises, imposant la remise en temps et en heure de documents comptables rédigés avec un professionnel du chiffre, sous peine de nullité. Or, dans le contexte du Covid, certaines entreprises, dépassées par les événements, n’ont pu avoir accès à un comptable pendant le confinement.

Simplifier et assouplir la procédure s’avère dès lors indispensable. « J’ai fait rédiger un texte en rassemblant des experts, dont des magistrats, pour rendre la PRJ plus accessible, plus rapide et moins coûteuse, explique le ministre Denis Ducarme. Il me semble que ce texte transcende les clivages politiques. Le groupe MR l’a déposé à la Chambre en demandant l’urgence. » En vain. Le Conseil d’Etat a déjà remis son avis, en faisant quelques remarques, mais le Parlement étant en vacances, la proposition ne sera débattue qu’à la rentrée.

Effet pervers à éviter

La PRJ fera-t-elle recette ? Pour l’Union des classes moyennes (UCM), il est clair que cet outil n’est pas encore suffisamment utilisé, entre autres par les PME. La formule simplifiée permettra-t-elle de conjurer nombre de faillites ?

« Si un débiteur n’est pas capable de communiquer des éléments basiques comme sa situation comptable, il a objectivement peu de chance de se sauver », déclarait récemment l’avocate Fanny Laune, du cabinet Simont Braun, au magazine économique Trends-Tendances.

Le risque est que les tribunaux soient encombrés par des entreprises qui n’ont plus guère d’espoir de se redresser. Olivier de Wasseige, de l’Union wallonne des entreprises, (UWE) craint, lui, qu’une solution dans le cadre d’une PRJ soit plus difficile à trouver aujourd’hui qu’en période normale de croissance, vu les perspectives économiques dues au Covid.

« Il faut voir jusqu’où les magistrats ouvriront le robinet, notamment à Bruxelles, commente Olivier Willocx de Beci. S’ils l’ouvrent trop grand, on pourrait se retrouver avec des faillites en cascades et des PRJ de PRJ. » Un effet pervers à éviter, d’autant que les premiers dossiers – ceux d’entreprises déjà en difficulté avant le Covid – ne seront sans doute pas forcément les meilleurs.

Reste que dans un pays qui est une terre de PME, rendre la PRJ plus abordable était une nécessité. L’UCM n’en rappelle pas mois que la procédure de médiation entre un entrepreneur et ses créanciers, plus simple et discrète qu’une PRJ, mais encore trop méconnue, donne aussi de bons résultats…

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