Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker: la tonne et le milligramme (chronique)

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Droite et gauche, à la fois forcés de se disputer et de s’accorder.

En politique le désaccord n’a pas bonne presse, non pas que l’on se prive de le raconter, mais surtout on ne le commente qu’en le déplorant: en Belgique, aujourd’hui, la droite et la gauche se disputent sur le chômage ou les pensions, les libéraux et les écologistes s’engueulent sur le nucléaire ou le climat, et les journaux neutres les grondent. Qu’un conflit éclate, qu’une discussion se crispe, et de bien-pensantes objurgations jaillissent des traitements de texte d’éditorialistes niais, dont nous sommes, tout heureux de s’élever bravement à mépriser la discorde, les enfantillages, le bac à sable, les chamailleries et les postures politiciennes, voire, pire, idéologiques, sans devoir prendre position. Aucun gouvernement ne serait plus acclamé que celui qui prendrait des décisions stupides dans une parfaite concorde. Aucune coalition ne serait plus respectée que celle dont les partenaires en pâte dure s’étaleraient en maquée sur une tartine épaisse.

Droite et gauche, u0026#xE0; la fois forcu0026#xE9;s de se disputer et de s’accorder.

En politique, le compromis n’a pas bonne presse, non pas que l’on se prive de le raconter, mais surtout on ne le commente qu’en le déplorant: en Belgique, aujourd’hui, lorsque la droite et la gauche ne se disputent pas sur le chômage ou les pensions, lorsque les libéraux et les écologistes ne s’engueulent pas sur le nucléaire ou le climat, les journaux neutres les grondent. Qu’un accord émerge, qu’une discussion aboutisse, et de bien-pensantes objurgations jaillissent des traitements de texte d’éditorialistes niais, dont nous sommes, tout heureux de s’élever bravement à mépriser le consensus mou, les compromissions, le manque de lisibilité, la langue de bois, voire pis, le politiquement correct, sans devoir prendre position. Aucun gouvernement ne serait plus acclamé que celui qui prendrait des décisions stupides dans une parfaite cohérence. Aucune coalition ne serait plus respectée que celle qui mettrait en oeuvre un programme cohérent comme une crevette grise devant une Rodenbach.

Droite et gauche, libéraux et écologistes, se trouvent ainsi à la fois forcés de se disputer et de s’accorder. Le débat politique ne peut plus alors porter sur des questions matériellement fondamentales, ni même sur des valeurs. Il se réduit à des slogans peints sur des détails par des mandataires qui doivent en faire des tonnes et ne peuvent peser que sur des milligrammes.

Lorsque Georges-Louis Bouchez et Paul Magnette se querellent sur les paramètres d’une activation des chômeurs, ils parlent de leur querelle plutôt que d’une activation des chômeurs qui existe déjà.

Lorsqu’Egbert Lachaert réclame vingt ans de travail pour pouvoir accéder à une fraction de pension minimum, et que Karine Lalieux en propose dix, ce n’est pas pour quelques dizaines de millions d’euros sur cinquante milliards de dépenses annuelles de différence qu’ils s’agitent, mais pour eux-mêmes.

Lorsque les libéraux et les écologistes souhaitent prolonger ou pas deux réacteurs qui ne comptent ensemble que pour 4% de notre consommation d’énergie annuelle, ce n’est pas de la politique, qu’ils font, mais du marketing.

Ils font aussi peu de politique que les éditorialistes bien-pensants, dont nous sommes, font du journalisme.

Et ils y sont, en partie, contraints par nos mauvais soins.

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