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« L’argent et les bons projets ne suffisent pas à mener une politique de relance sérieuse »

Si mener une politique de redressement avec de l’argent européen semble assez facile pour nos politiciens, l’instauration de réformes nécessaires se révèle une autre paire de manches.

La crise du coronavirus pèsera encore quelque temps sur notre société, mais on réfléchit déjà aux mesures nécessaires pour un rapide redressement économique. La semaine dernière, le Secrétaire d’État à la Relance Thomas Dermine (PS) a esquissé le double objectif de sa politique de redressement économique. Si l’économie rebondit demain, il souhaite lui donner une impulsion supplémentaire via des investissements publics, en premier lieu par la rénovation de bâtiments publics. C’est l’objectif à court terme. À plus long terme, il souhaite faire des investissements qui améliorent la mobilité et gérer la question climatique. Pour cela il peut puiser dans les 5,9 milliards d’euros accordés à la Belgique et puisés dans les 750 milliards du fond de redressement européen.

Cependant, il faut beaucoup plus d’argent, car tous les projets des politiciens réunis coûtent 25 milliards d’euros. C’est pourquoi le gouvernement espère attirer de l’argent d’investisseurs institutionnels (fonds de pension, assureurs) et l’épargne des ménages. En outre, l’état peut toujours contracter des emprunts à bon marché. Le mois dernier, il a levé 6 milliards d’euros en un clin d’oeil, à un rendement de moins 0,22%, ce qui signifie que les investisseurs peuvent emprunter de l’argent à l’état. Aujourd’hui, l’argent n’est donc pas le plus grand problème.

Les projets auxquels cet argent doit être consacré sont déjà plus difficiles. Il est bon que les projets proposés contribuent à la lutte contre le changement climatique, à la numérisation et à la croissance durable, comme le préconise l’Union européenne. Concrètement, la Flandre pense à améliorer l’infrastructure cyclable et à rendre les habitations moins énergivores. La Wallonie parle d’une connexion TGV à l’aéroport de Liège. Bruxelles souhaite un programme de réduction du trafic automobile par le biais d’un péage urbain. Au niveau fédéral, il est prévu d’améliorer le réseau express régional autour de Bruxelles, de moderniser la ligne Bruxelles-Luxembourg et de rendre les gares plus accessibles. Et bien d’autres choses encore. L’argent irait également à la rénovation du palais de justice de Bruxelles, un bâtiment entouré d’échafaudages depuis si longtemps que l’échafaudage lui-même a besoin d’être rénové.

Il s’agit en partie de rattraper le retard, car il y a des décennies que nos gouvernements investissent beaucoup trop peu. C’est pourquoi nous avons une infrastructure inférieure, par exemple. Les embouteillages interminables et les transports en commun lamentables paralysent notre productivité et pèsent sur notre croissance économique. Au fond, nous devrions continuer à mettre de côté plus d’argent pour les investissements publics année après année, même si l’UE cesse de distribuer de l’argent. Il convient également d’accorder une plus grande attention à l’enseignement et à la formation, à la recherche et au développement.

L’argent et les bons projets ne suffisent pas pour mettre en oeuvre une politique de relance sérieuse. Celle-ci doit s’accompagner des réformes nécessaires, et c’est là que le bât blesse. Il n’est guère question de réformes du marché du travail, pour que davantage de personnes trouvent un emploi. Ou d’un meilleur climat pour la création d’entreprises. Ou de réduire le pouvoir des groupes de pression qui plient les lois et les règlements à leur volonté. Ou de la réforme fiscale, afin que notre système fiscal devienne plus transparent, plus juste et plus équitable. Et ainsi de suite.

Ce n’est pas que rien ne bouge, mais malheureusement les choses vont dans la mauvaise direction. Du moins, si l’objectif est de stimuler notre économie et de remédier à la baisse de notre productivité. La semaine dernière, par exemple, Dermine a plaidé pour la révision de la loi sur les salaires de 1996, qui était censée réduire notre handicap salarial par rapport aux pays voisins. On verra aussi qu’il adviendra de la réforme des retraites, préparée par la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS).

Il est facile de dépenser de l’argent qui arrive en abondance. Il en va de même pour la formulation de projets ambitieux. Une nouvelle fois, la mise en oeuvre de réformes décisives qui conduisent à une reprise économique durable s’avère trop difficile.

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