Niveau fédéral, la plus grande part de la facture revient à l'Onem, à qui les différentes mesures en matière de chômage temporaire ont coûté 4,7 milliards. © belga

Le Covid a coûté 33,5 milliards à la Belgique

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

La facture du coronavirus, tout le monde en parle, tout le monde la suppose énorme, tout le monde en redoute les conséquences. Mais à combien s’est-elle élevée, en 2020? Le Vif a fait les comptes. Et les craintes sont avérées.

C’était un test sans aucune valeur scientifique, juste pour voir. « Combien ça a coûté, à votre avis, la Covid, en 2020? » « 200 millions », avait répondu celle qui ne suivait jamais l’actu (et ça lui semblait déjà beaucoup). « 2,5 milliards », avait renchérit celle qui la regardait chaque soir au JT. « 50 milliards », avait osé celui qui la scrutait en continu sur Facebook (et ça lui semblait beaucoup trop).

Trente-trois milliards et demi, en fait. 33 469 869 543 euros, précisément, selon les informations glanées auprès des pouvoirs publics concernés, du fédéral aux communes, et qui mêlent dépenses et pertes de recettes. Beaucoup? Assurément. En 2008, lorsqu’il avait fallu sauver les banques, le gouvernement avait déboursé 27,3 milliards, notamment sous forme de prêts remboursables. « Le total des dépenses de toutes les administrations, en 2018, s’élevait à 225 milliards, confronte Joseph Pagano, professeur de finances publiques à l’UMons. On est donc à plus de 10%. » Juste pour un virus chinois. Comparé autrement, cela équivaut à 7% du PIB. Et encore: cela n’est qu’une estimation, qui devra être affinée lorsque les comptes seront arrêtés. L’une ou l’autre économie pourra peut-être compenser une partie de la facture, mais très faiblement, confirme chaque niveau de pouvoir.

Si la Belgique a pu du0026#xE9;nicher tous ces fonds, c’est parce que l’Europe a assoupli son carcan budgu0026#xE9;taire.

Pas de réserves secrètes

Alors, d’où vient l’argent? « Il ne s’agit pas de réserves. C’est très simple: ces sommes ont été empruntées », indique Marie Lambert, professeure de finances à l’ULiège. Qui rappelle que la Belgique a multiplié les émissions en 2020 et que ses besoins nets de financement sont passés de 10 à 23 milliards. « On était déjà dans une économie surendettée, mais là, c’est encore plus grave. L’endettement correspond à près de 120% du PIB. » Contre 98% en 2019.

Si la Belgique a pu dénicher tous ces fonds alors qu’elle est habituellement dans l’impossibilité de trouver un milliard pour les pensions ou même 500 000 euros pour une piste cyclable, c’est uniquement parce que l’Europe a assoupli son carcan budgétaire, autorisant les Etats à s’éloigner de leur objectif de 60% du PIB pour la dette publique et des 3% de déficit public annuel. La bonne nouvelle: ces emprunts ont été réalisés à des taux extrêmement bas, voire négatifs. La mauvaise, c’est qu’il faudra tout de même les rembourser, à des conditions qui se révéleront peut-être moins avantageuses dans quelques années.

« Bien sûr, que cela représentera une charge pour les citoyens. La dette publique, c’est la dette de tous les Belges, glisse Stefan Van Parys, expert à la Banque nationale. Pour la diminuer, il faut soit une baisse des dépenses, soit une hausse des recettes. » L’austérité ou la taxation. Youpie! « Il faudra avoir un sérieux débat public, espère Romain Gelin, chercheur au Gresea (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative). Et faire des choix pour savoir sur qui cela va peser. Je rappelle qu’il n’y a pas d’impôt sur la fortune, qu’il existe pas mal de niches fiscales, que le patrimoine est peu taxé… Faut-il aveuglément augmenter la TVA ou demander à ceux qui ont fait un surprofit pendant la crise (Gafam, supermarchés…) de contribuer un peu plus? »

La réponse reviendra aux gouvernements, pour qui rembourser sera moins facile qu’emprunter. Ils n’avaient pas trop le choix, de toute façon. Ne pas aider les secteurs qu’ils avaient eux-mêmes fermés? Allons bon! « En l’absence de cette politique budgétaire et des déficits associés, les conséquences auraient été encore plus fâcheuses », juge Pierrick Clerc, chargé de cours à l’ULiège. Qui cite le contre-exemple de la crise des années 1930, où les pouvoirs publics n’avaient pas délié les cordons de la bourse. Avec quelles conséquences sur le long terme…

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