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Incendie des Mésanges : les morts de 2003 n’ont pas servi de leçon

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le 8 mai, le tribunal correctionnel de Mons devrait rendre son jugement dans l’affaire de l’incendie des Mésanges. Les sept morts de 2003 n’ont pas servi de leçon : la mauvaise gouvernance a continué.

Le 8 mai, le tribunal correctionnel de Mons rendra son jugement dans l’affaire de l’incendie dramatique de la tour de logements sociaux des Mésanges, en 2003. Le parquet a eu des mots très durs pour les prévenus d’homicide involontaire par défaut de prévoyance ou de précaution : deux personnes physiques (les anciens président du conseil d’administration et directeur-gérant Maurice Lafosse et Victor Zdanov) et une personne morale (la société coopérative Toit & Moi, la plus importante société de logements sociaux de Wallonie). Il a requis des peines légères en raison de l’ancienneté des faits.

Il a fallu dix ans pour amener devant le tribunal cette affaire ultra-sensible sur le plan politique. Non seulement, le logement social est un fief socialiste mais en plus, au centre du pouvoir : en 2003, Elio Di Rupo – que l’enquête a mis hors de cause- était président du PS, bourgmestre de Mons, patron des pompiers et administrateur de la société de logement Sorelobo (devenue Toit et Moi). Président du conseil d’administration au moment des faits, Claude Durieux, un proche de Di Rupo, a échappé au procès en raison de son privilège de juridiction, quand il est devenu gouverneur de la province du Hainaut.

Il aurait pu être cité directement devant le tribunal s’il était sorti de charge à temps, mais l' »hésitation » du gouvernement wallon sur son remplaçant a prolongé son immunité. Pendant le procès, les prévenus ont plaidé le « manque de moyens » pour expliquer la défaillance des systèmes de sécurité anti-feu dans la tour des Mésanges.

Seulement le manque de moyens ? Le commissaire Michel Bovy, de l’Office central pour la répression de la corruption de la PJF, a dépeint la gestion olé-olé des précédents responsables de la Sorelobo : voyages à l’étranger de Maurice Lafosse sans rapports justificatifs, expertises au Mali sur le compte de la société par l’ancien gérant Didier Donfut au travers de la société Socopex qualifiée de « nébuleuse » par l’enquêteur, copinage et pistonnage en tous genres, travaux mal faits…

Le plus extraordinaire est que Toit et Moi, après l’incendie, a mis un an pour s’apercevoir qu’il fallait licencier le directeur-gérant Victor Zdanov, lequel a reçu des indemnités de départ mirobolantes et la prise en charge totale de ses frais d’avocat par Toit & Moi. Ainsi le souhaitaient Alain Rosenoer, patron de la Société wallonne du logement, et Gilles Mahieu, secrétaire général du PS et « oeil montois » de Di Rupo.

Le même Alain Rosenoer, qui avait recommandé Raphaël Pollet, alors président de la Fédération socialiste du Brabant wallon, pour faire le ménage dans la société de logement en 2004. Un choix judicieux ? Pollet se serait montré, à son tour, peu économe des deniers du logement social. Alors que l’instruction sur l’incendie des Mésanges était toujours en cours sous la direction du juge Alain Blondiaux, le parquet de Mons a mis à l’instruction deux nouvelles affaires : d’une part, la gestion de Raphaël Pollet, et d’autre part, l’utilisation des 200 millions d’euros du Plan exceptionnel d’investissement (2004-2008), dégagés par la Région wallonne en vue de rénover le logement social borain.

Dans le viseur des enquêteurs : des détournements d’argent, des faux frais, des travaux mal exécutés, etc. Pour l’une de ces affaires au moins, un règlement de procédure pourrait intervenir avant la fin de l’année 2013 car le juge d’instruction Pierre Pilette, avant de partir à la retraite, a communiqué son dossier au parquet. La gestion du Fonds de solidarité de Toit & Moi, destiné à aider (en cas de décès, de maladie, etc.) les locataires des 6 000 logements de Toit et Moi est aussi très discutable mais l’enquête judiciaire n’a rien donné.

Selon un témoin cité par le Vif/L’Express, ce Fonds est alimenté par les locataires à raison de trois euros par mois, mais leurs cotisations sont gérées directement par Toit & moi et ne sont pas versées sur un compte bancaire distinct. Malgré les efforts réalisés par la nouvelle direction de Toi & Moi, tout est donc loin d’être redevenu parfait à Mons… Le porte-parole des victimes, John Joos, doute que quelque chose ait réellement changé et craint d’autres drames. Certains proches du dossier redoutent, eux, que la justice baisse les bras.

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