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Hausse du prix des carburants : « Il va falloir essayer de s’en accommoder, il n’y a pas de solution magique » (infographie)

Le prix de l’essence et du diesel a significativement augmenté en 2021. Un coup dur pour les automobilistes, qui voient le compteur à la pompe monter régulièrement à 80 euros pour un plein. Selon les économistes Etienne de Callataÿ et Bruno Colmant, cette situation ne risque pas de s’arranger à l’avenir.

La crise frappe de plein fouet le secteur énergétique. Les factures de gaz et d’électricité ont considérablement augmenté, à un point où une baisse de la TVA de 21 à 6% est envisagée par le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) et soutenue par plusieurs partis politiques, dont le PTB et Ecolo (après quelques réticences).

Une des conséquences de cette hausse concerne le prix du carburant. Entre janvier et décembre 2021, le prix en moyenne de l’essence et du diesel a augmenté de 30 centimes/litre, avec un pic s’élevant à 1,791 euros.

Source : Statbel

Pour l’économiste et professeur à l’ULB et UCLouvain Bruno Colmant, ce n’est pas un hasard. « On est dans une situation où, quand une ressource énergétique augmente, les autres ressources augmentent en même temps. C’est un schéma assez classique. S’il y a une énergie qui, tout à coup, devient plus chère, cela pénalise en termes relatifs les producteurs d’autres énergies. Tout cela va de pair. »

Un effet domino qui a commencé au mois de juin 2021 avec l’augmentation du prix du gaz. « Et comme le prix du gaz détermine le prix de l’électricité, ça a touché l’électricité. La demande de pétrole a donc également augmenté et les pays producteurs de pétrole vont vouloir tirer profit de cette hausse. »

Le Covid, un accélérateur ?

Depuis le début de la crise sanitaire, les habitudes ont changé, et les trajets en voiture ont significativement diminué. Pendant plusieurs mois, les Belges sont restés confinés à leur domicile. Mais la vie a (plus ou moins) repris son cours, et bien que le télétravail soit rentré dans les coutumes, les déplacements ont repris de plus belle.

Sauf que depuis, la demande de carburant a augmenté. Cela a créé un déséquilibre qui n’est pas sans conséquence. « Il y a eu un effet de rattrapage au niveau énergétique. Pendant tout un temps, les Belges sont restés chez eux. Il y a eu moins de consommation de manière générale et donc aussi en termes de carburants. Il est clair que les producteurs de pétrole ont ensuite vu une augmentation très importante de la demande. Il est donc normal que les prix montent, c’est la loi de l’offre et de la demande », indique Bruno Colmant.

En pleine transition écologique

Mais hors des habitudes quotidiennes, la crise sanitaire a aussi accéléré un gros morceau à l’échelle européenne. Dans son plan de relance baptisé « Next Generation EU » visant à pallier les conséquences économiques et sociales de la pandémie, la Commission européenne compte aussi s’atteler à la transition écologique. Sur les 750 milliards d’euros investis dans le projet, 672,5 milliards d’euros sont prévus pour « financer les transitions écologique et numérique ainsi que pour favoriser la stabilité macroéconomique et l’équité sociale. »

Un élément particulièrement intéressant selon l’économiste Etienne De Callataÿ, qui peut également expliquer la hausse du prix du carburant. « Normalement, quand les prix montent, il y a une réaction assez rapide de l’offre, c’est-à-dire que si les prix montent, les productions ont tendance à produire plus. Mais aujourd’hui, le producteur de pétrole ou de gaz va être réticent à investir dans une augmentation de sa capacité de production parce qu’il va se demander s’il pourra encore exploiter son puit de pétrole dans 10-15 ans. Il y a donc moins de réaction de l’offre face à cette demande. »

Apprendre à être patient

Le monde est en pleine transition écologique. Mais avant de passer le cap de l’énergie verte et moins polluante, il faudra mettre la main dans le portefeuille. « On quitte le monde des énergies fossiles. On ne l’a pas encore complètement quitté mais on sait qu’on n’y reviendra pas à ce point-là, on sait qu’on doit aller de l’autre côté de la rivière. On est avec des énergies renouvelables qui sont en besoin de développement mais dont l’offre n’est pas encore suffisante, et on a des énergies fossiles où on a des entreprises qui vont être réticentes avant de produire plus. Et donc on va se retrouver dans une situation où l’énergie va coûter cher pendant des années du fait même de cette transition. »

Il va donc falloir s’armer de patience car les prix des carburants ne risquent pas d’être revus à la baisse. Pour limiter la casse au maximum, il faudra changer ses habitudes. « J’ai connu la crise du pétrole de 1974 et de 1978. À ce moment-là, la réponse était donnée clairement : consommer moins autant que faire se peut. Il va falloir essayer de s’en accommoder, il n’y a pas de solution magique », lance Bruno Colmant. Un constat partagé par Etienne de Callataÿ, qui indique que pour mettre un terme à cette hausse de prix, il faut « souhaiter que la transition s’accélère et apprendre à être plus économe. »

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