Marc Monbaliu © BELGA

Fonds libyens: l’enregistrement qui dément Monbaliu

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

L’audition à la Chambre de l’ex-patron de la Trésorerie, dans le dossier des fonds libyens gelés, était attendue ce mardi. Marc Monbaliu a confirmé la légèreté avec laquelle a été prise la décision de libérer les intérêts des fonds bloqués. Il a aussi nié avoir déclaré au Vif/L’Express que cette décision avait été validée par le politique. Or un enregistrement le prouve.

Qui a pris la décision de libérer les intérêts et dividendes des fonds libyens gelés en Belgique depuis 2011, soit au moins 1,5 milliard d’euros en cinq ans? Les autorités belges se sont-elles assuré que cet argent ne tombe pas dans des mains criminelles en Libye où la situation politique est toujours tendue et les violences quotidiennes? On se souvient qu’après la chute de Kadhafi, l’ONU avait décidé de geler les dizaines de milliards d’euros, principalement issus des ressources pétrolières, placés par le clan du Guide à l’étranger. En Belgique, cela concernait 14 milliards d’euros, en 2011, dont 12,8 milliards chez Euroclear Bank. L’autorité compétente pour ce genre d’embargo est la Trésorerie au sein du SPF Finances.

C’est son ex-administrateur-général, aujourd’hui à la retraite, qui, en octobre 2012, a donné le feu vert à Euroclear pour que les intérêts des fonds gelés soient libérés. Il s’est basé pour cela sur une interprétation du groupe Relex, qui épaule discrètement le Conseil européen qui avait transposé dans un règlement UE les sanctions onusiennes à l’égard de la Libye. Voilà ce que Marc Monbaliu avait fait savoir à la Chambre dans ses premières réponses écrites en novembre dernier. Ce mardi, il était attendu sur place pour répondre de vive voix aux parlementaires de la Commission des Finances. Du côté francophone, Ecolo, PS, CDH et PTB n’ont pas manqué de le cuisiner sur les zones d’ombre qui persistent dans ce dossier délicat. L’ancien haut-fonctionnaire a confirmé l’extrême légèreté avec laquelle la décision de libérer les intérêts libyens a été prise.

Il n’en a référé, ni préalablement ni par après, à aucune autorité politique, a-t-il répété. Il s’est juste basé sur un mail concis envoyé par le représentant belge au sein du groupe Relex, François Dumont (ce diplomate est aujourd’hui ambassadeur en Ethiopie). Il n’a même pas eu accès au procès-verbal de la réunion tenue à cet égard par le groupe Relex, selon lui pour des raisons de sécurité. Il s’est donc contenté du mail de Dumont et du dossier préparé par son adjoint à la Trésorerie, responsable en matière d’embargo, Frans Godts, actuellement aussi à la retraite. Ses déclarations ont étonné nombres de parlementaires, d’abord parce que la manière dont la décision a été prise paraît très légère vu l’enjeu financier et politique du dossier des fonds libyens gelés mais aussi parce que Monbaliu avait assuré au Vif: « Vous pensez bien que ce genre de décision aussi délicate n’est jamais prise par une personne dans le secret de son bureau. Cela fait l’objet de discussion et de validation par le pouvoir politique. (…) Avec toutes les assurances possibles. »

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Curieusement, devant la Commission de la Chambre, Marc Monbaliu a nié ce qu’il avait déclaré au Vif disant qu’il n’avait « jamais parlé de couverture politique »… Il a ajouté qu’à part une courte conversation avec un journaliste du Vif, il n’avait plus eu de contact avec le magazine. Précision: Monbaliu a bien tenu les propos retranscrits ci-dessus. L’extrait de la conversation téléphonique qu’il a consenti à nous accorder le 13 septembre dernier, entre 10h03 et 10h27, en atteste. Nous avons, par ailleurs, encore tenté de le joindre par après, en lui envoyant un mail et en lui laissant plusieurs messages vocaux. Il n’a plus jamais voulu nous répondre. Alors, pourquoi a-t-il changé de version devant le Parlement? A-t-il soudain retrouvé la mémoire? Couvre-t-il un responsable politique? Mystère. Un de plus dans un dossier qui n’en manque pas

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