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Crise politique: une révolution démocratique s’impose (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Tous les présidents de partis se disent « constructifs ». Ce sont pourtant eux les responsables du gâchis. Comment l’expliquer? Et comment le résoudre?

Les missionnaires royaux, Bart (De Wever (N-VA) et Paul Magnette (PS), ont présenté leur démission au palais. Qui ne l’a pas encore acceptée. Le roi Philippe poursuit ce mardi ses consultations: après avoir rencontré les partenaires du « club des cinq » (CD&V, SP.A, CDH), lundi, c’est le tour des partenaires potentiels, à commencer par les libéraux et les écologistes. Objectif: faire passer le message de la responsabilité et voir les formules possibles. Il reste un mois avant que la crise politique ne devienne totale, si la Chambre refuse la confiance au gouvernement actuel de Sophie Wilmès.

Depuis le préavis de crise, avec l’annonce que De Wever et Magnette jettaient le gant vendredi, tous les présidents de partis ont envoyé des messages… pour affirmer leur volonté d’être constructifs. Paul Magnette: « Le Parti socialiste restera constructif. Tant que l’on peut entendre nos demandes sociales, nous sommes prêts à entrer dans des discussions. » Georges-Louis Bouchez: « Le MR veut un gouvernement fédéral avec une majorité parlementaire rapidement. L’urgence économique et sociale sont les priorités. Pour cela, il faut faire des compromis et les notes doivent évoluer. Pas les invectives. » Maxime Prévot: « Le cdH reste plus que jamais un acteur de solution et disponible pour vite doter la Belgique d’un Gouvernement apte à faire face aux crises que notre population traverse. Au placard les querelles stériles et les petits intérêts particratiques ». Même son de cloche en Flandre, où Bart De Wever s’est fendu d’un message vidéo. pour le dire.

Bref, on ne comprend pas dès lors pourquoi il est si difficile de trouver une solution, au vu de ces déclarations d’intention. Or, les présidents de partis sont les principaux responsables de ce chaos. Même si le citoyens ont leur part de « faute ».

Au-delà des mots, les partis semblent figés dans des positions incompatibles et incapables de faire des compromis au nom de l’intérêt général. Comme s’ils étaient incapables de tirer les leçons de leur volonté constructive, victimes d’une schizophrénie teintée de relents électoraux. Les intérêts partisans dominent, bloqués par les surenchères électorales au cours de laquelle chacun parle haut et fort pour être sûr d’être entendu – au risque de ne plus pouvoir bouger ensuite en raison de ces promesses.

Ce fut, durant des mois, le règne des exclusives: la N-VA ne voulait pas discuter avec les écologistes, tandis que socialistes, écologistes, hulanistes et DéFi refusaient de négocier avec les nationalistes. Vu l’urgence, cette situation a évolué: les uns et les autres se parlent. Mais désormais, ce sont les invectives, les querelles personnelles et les slogans qui expliquent le blocage. La N-VA ne veut qu’un des partis libéraux à la table et Bart De Wever le rappelle à l’envi en affirmant: « il ne manquait qu’un parti, un seul parti ». Les verts et les bleus ne veulent pas « dépecer » la Belgique comme la N-VA et le PS seraient en train de le faire, ce que Paul Magnette dément. Le reste à l’avenant.

Le sentiment qui prévaut, à l’heure des réseaux sociaux est le suivant: la campagne électorale est en réalité permanente. La faute à un paysage politique extrêmement morcelé et concurrentiel, où il n’y a plus vraiment de partis dominants, et où chaque formation tente de se faire sa place au soleil. La faute à ces fameuses « deux démocraties » de la N-VA – parlons plutôt de deux opinions publiques divergentes au Nord et au Sud. La faute à des extrémistes qui pèsent plus que jamais sur toute tentative de faire des compromis: la N-VA craint le Vlaams Belang et le PS craint le PTB. la faute à un système qui atteint ses limites.

Jean Faniel (Crisp) souligne ce matin dans Le Soir: « On ne peut pas totalement absoudre les électeurs. Ce sont eux qui ont distribué les cartes et qui ont fait du paysage politique ce qu’il est. »

La Belgique n’est plus assez efficace. Elle doit être réformée. Mais dans le débat politique, il manque un débat vital: la nécessité de mener à bien une « révolution démocratique » pour rendre le système plus lisible et plus fonctionnel. Cela pourrait passer par un changement de système électoral, moins proportionnel. On pourrait imaginer d’autres formes de représentation, plus citoyenne, plus délibérative au moment des blocages. Une recomposition du paysage politique ne serait pas négligeable: réduire le nombe de partis ou les associer via des choix de coalitions préélectoraux. Ou imaginer un statut différent pour ceux qui représentent la population: la politique est devenu un métier et, trop souvent, une fin en soi.

Les solutions sont multiples. il n’y a pourtant pas un mot de cela dans le menu qui se trouve sur la table des négociations. Et les tentatives de « renouveau politique », depuis des années, ont toutes accouchées d’une souris. Le problème? C’est que cela irait à l’encontre des intérêts des partis. La Belgique est malade de sa particratie. Voilà pourquoi on tourne trop souvent en rond.

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