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Les quatre vérités du roi Philippe aux présidents de partis (fiction)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le palais consulte en raison de l’énième impasse dans la formation d’un gouvernement fédéral. Nous avons imaginé ce que Philippe pourrait dire à ses interlocuteurs. Cette lettre est de la fiction (quoique).

Mes chers présidents de partis,

Je ne souhaite en aucun cas être désobligeant avec vous, mais l’impasse dans laquelle vous plongez une nouvelle fois notre pays en ce début août m’indispose fortement. Et je tenais à vous le faire savoir. N’êtes-vous pas conscients des urgences sanitaires et sociales auxquels sont confrontés mes chers compatriotes? Ne vous rendez-vous pas compte que vos enfantillages donnent une image désastreuse de la classe politique dans son ensemble?

Lors de mes messages précédents, il me semble pourtant avoir été clair. Je vous avais demandé dès janvier de laisser tomber une fois pour toutes ces exclusives contreproductives. J’avais exigé de vous en juillet de trouver une large majorité pour faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Or, si j’en crois le nouveau rapport de mes préformateurs, vous n’y arrivez toujours pas.

Dois-je vous dire à quel point votre absence de sens d’intérêt général m’exaspère? Bon sang, nous n’occupons pas nos fonctions respectives pour notre notoriété personnelle, mais bien par sens du devoir au bénéfice des citoyens. J’ai le sentiment que vous avez tendance à l’oublier entre vos multiples communications aux médias et vos messages instantanés sur les réseaux sociaux.

Qu’il semble loin le temps où Jean-Luc Dehaene, un grand serviteur de l’Etat, choisissait le silence avec ses ‘geen kommentaar’, le temps de trouver une solution tel un plombier dévoué. Il est visiblement révolu le temps où Elio Di Rupo ou Charles Michel mettaient de côté leur rivalité personnelle pour conclure une réforme de l’Etat. Faut-il vous rappeler à quel point les 541 jours de crise avaient fait de nous la risée du monde en 2010-2011? Vous avez la mémoire courte!

Et faut-il vous dire combien je suis préoccupé de voir des partis politiques résolument opposées à notre système prendre de telles proportions dans les sondages? J’ai même été contraint de recevoir au palais des élus qui veulent ma disparition…

Si je vous consulte ces jours-ci, c’est pour vous dire combien j’espère un sursaut de votre part d’ici le 17 septembre. Vous ne pouvez pas… Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer.

Chers Bart et Paul, je tiens à vous remercier malgré tout d’avoir entamé ce dialogue que je sais difficile. Notre pays est complexe, il l’a toujours été, et vous êtes les garants de sa stabilité dans chacune de ses deux grandes communautés. Cela a pris du temps, je vous l’ai assez reproché, mais vous avez enfin mis de côté cette exclusive pour tenter de trouver une solution. Cela me paraît sage et important. Voilà pourquoi je n’accepte pas (encore) votre démission.

Cher Bart, puis-je seulement vous donner un conseil? Ce n’est pas nécessaire de rejeter de la sorte ceux qui vous indisposent au moment de leur demander de rejoindre votre sens des responsabilités. Affirmer que « plus personne ne veut du MR » n’était pas la meilleure idée, même si je sais qu’il vous faut donner des gages à votre propre communauté linguistique. De même, j’ai vu votre message posté ce lundi après-midi sur Twitter : il est très bien, mais vous fallait-il rappeler qu’il ne manque qu’un seul parti. N’ai-je pas explicitement demander une large majorité?

Nous savons par ailleurs que je m’opposerai de toutes mes forces à la finalité de votre projet, l’indépendance de la Flandre, mais que je suis pour autant soucieux de votre légitimité, ici et maintenant, travaillons en bonne intelligence.

Quoi qu’il en soit, messieurs les missionnaires royaux, avant d’accepter votre démission, je veux voir moi-même ce qu’il est encore possible de faire. Je ne peux pas croire qu’il n’y ait plus d’hommes d’Etat dans ce pays et j’ose espérer que vous en ferez partie… Notre démocratie et notre vivre-ensemble sont des biens précieux à défendre et vous en êtes les représentants face à ceux qui, à chacun des extrémités du paysage politiques, la menacent de façon sournoise.

Chers Georges-Louis et Conner, je vous félicite encore pour votre ascension spectaculaire, j’avais déjà eu l’occasion de vous l’exprimez lors de vos premières visites et missions royales – un « honneur » m’aviez-vous dit alors. Je salue votre amour de la Belgique, que nous partageons bien sûr, ainsi que votre formidable sens politique. Mais ne pourriez-vous pas abandonner votre smartphone par moments, pour communiquer de façon un peu moins frénétique et directe? Je sais, cela fait partie de votre génération, mais cela peut nuire parfois à la sérénité des relations humaines, tellement importantes dans votre métier. Votre relation avec votre nouveau collègue Egbert Lachaert est belle à vois, j’espère aussi qu’elle sera constructive dans la recherche d’une solution pour le pays.

Chers Jean-Marc, Rajae et Meyrem, je ne vous ai pas encore proposé une mission royale et je m’en excuse. Votre victoire électorale de mai 2019 était belle, mais votre exclusive totale à l’égard de la N-VA a quelque peu compliqué les choses. Je suis conscient comme vous des enjeux fondamentaux pour l’avenir de la planète, mais nous ne pourrons pas les aborder sans tenir compte de la réalité de notre beau pays, y compris ses différences de sensibilité. Croyez-moi, il n’est pas exclu que je pense à vous dans un futur proche, je ne pense pas comme certains que les écologistes sont des empêcheurs de tourner en rond. J’espère d’ailleurs vivement que vous pourrez contribuer à la solution qui se trouvent sur la table.

Chers Joachim et Maxime, vos partis ont toujours été de grands serviteurs de l’Etat et je me réjouis de voir que vous en êtes les dignes successeurs. Surtout, Maxime, je constate avec plaisir que vous avez pris conscience de la gravité du moment pour rompre avec votre promesse de rejoindre l’opposition.

Messieurs les présidents de parti, notre pays, notre Europe, notre civilisation peut-être, se trouvent à un tournant. L’impasse politique que nous connaissons a assez duré, aussi je vous en conjure : cessez vos comportements mesquins, vos postures électorales et vos considération égoïstes. Je vous avais demandé de cesser vous exclusives, j’attends de vous désormais que vous mettiez de l’eau dans votre vin. Je ne suis pas le seul, d’ailleurs : nos chers compatriotes l’attendent, aux aussi.

Voilà l’essentiel du message que je voulais vous faire passer : dépassez votre nombril, oubliez vos exaspérations les uns à l’égard des autres, songez à l’avenir de la Belgique et, plus que tout, à celui des familles et des enfants de notre beau pays. Les circonstances l’exigent: agissez!

Votre dévoué Monseigneur, Philippe.

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