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Covid: « pas d’euphorie, mais la vaccination pourrait être la lumière au bout du tunnel »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le Premier ministre et son ministre de la Santé ont toutefois prévenu: « Cela prendra du temps. » Une quinzaine de députés les ont interpellés au sujet de la gestion de la crise sanitaire: « Nous avons besoin d’un capitaine ». Le compte-rendu du débat à la Chambre.

La gestion de la crise du coronavirus et la stratégie de vaccination belge sont au coeur des questions d’actualité de la Chambre, ce jeudi après-midi. Une quinzaine de députésont interrogé le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), et le ministre des Affaires sociales, Frank Vandenbroucke (SP.A), à ce sujet. Avec des critiques attendues au sujet de la « bulle sociale » pour Noël, des déclarations du ministre de la Santé sur les commerces ou encore du caractère opérationnel du plan de vaccination.

Pas moins d’une quinzaine de questions d’actualité étaient au menu.

« Besoin d’un capitaine »

Sophie Rohonyi (DéFi) ouvre le bal. « Une équipe de onze millions de Belges. Votre message est fort, mais il le serait encore plus s’il était respecté par tous les membres du gouvernement. » Elle constate que trois jours après les décisions, certains appellaient déjà à une nouveau Comité de concertation. « Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle guerre d’egos », dit-elle. Cela risque de nuire à l’adhésion, estime la députée DéFI. Pour elle, la « bulle sociale » doit rester stricte pour Noël, mais la question de réouverture des métiers de contacts devrait pouvoir être envisagée. « Nous avons besoin d’un capitaine » conclut-elle.

Laurence Hennuy (Ecolo): « Voilà, nous y sommes, vous avez annoncé les premiers vaccins le 5 janvier, cela fait du bien. » Le plan de vaccination est un défi logistique, de communication et de confiance vis-à-vis de la population. La députée écologiste insiste sur la transparence et attend du gouvernement qu’il soit « irréprochable sur la question ». Beaucoup de parents sont inquiets au sujet de la vaccination des enfants ou des femmes enceintes, dit-elle. Et le vaccin n’est pas obligatoire, mais il pourrait devenir une obligation pour voyager, pour travailler. Qu’en sera-t-il?

« Une lumière au bout du tunnel »

« Sans vaccin, le retour à une vie normale est impossible, dit Karin Jiroflée (SP.A). La tentation est grande de revenir à la normale, mais ce n’est pas encore le cas. Monsieur le ministre, vous l’avez bien rappelé. » « 2021 sera l’année du vaccin, l’annonce apparaît comme une lumière au bout du tunnel« , enchaîne Robby De Caluwé (Open VLD), même s’il s’agira d’être prudent et de respecter les mesures de prévention. Il demande: à qui fera-t-on appel pour administrer le vaccin, nous aurons besoin de suffisamment de mains.

Maxime Prévot (CDH) évoque une « grande préoccupation » exprimée à l’égard de la stratégie de vaccination. « On est certainement onze millions à être très fier d’être présentés comme le hub aérien de transport du vaccin, mais nous sommes sceptiques au sujet de la stratégie de notre pays. » Il y a une grande attente, mais aussi une « grande méfiance » des Belges à l’égard de ce vaccin. « Il y aura un grand effort d’adhésion et de pédagogie à mener », dit le président du CDH. « Il faut expliquer, rassurer, y compris au sujet de la pertinence de notre stratégie. »

Daniel Bacquelaine (MR) salue « le génie humaine » et « la mondialisation de l’intelligence » qui ont permis le développement du vaccin. « Comme tout évolution, cela suscite des questions légitimes, dit-il. Il faut jouer vaccin sur table. » Il demande: comme le personnel soignant de première ligne – infirmiers, pharmaciens… – sera-t-il associé à cette campagne?

L’extrême droite et l’extrême gauche ont des mot durs à l’égard du ministre Vandenbroucke et s’inquiètent de la défiance de la population – dont ils se nourrissent – en critiquant aussi l’industrie pharmaceutique.

« Euphorie et méfiance »

Nawal Farih (CD&V) évoque le 5 janvier comme « une date d’espoir pour onze millions de Belges ». « Nous attendons l’avis de l’Agence européenne du médicament, quand arrivera-t-il, demande-elle. Le processus doit se dérouler sans problème, nous devons avoir un parcours impeccable. »

« Je constate deux sentiments, d’une part l’euphorie, d’autre part la méfiance, souligne Barbara Creemers (Ecolo/Groen). Nous ne pouvons pas le nier. Nous devons convaincre ceux qui doutent et nous ne pouvons le faire qu’en répondant correctement aux question qui se posent. Qu’en est-il de l’efficacité, des effets secondaires, du prix… de ces vaccins? Les gens ont besoin de réponses. »

Kathleen Depoorter se réjouit aussi de cette « bonne nouvelle ». « Mais c’est aussi un défi. Vous avez surtout étonné les gens sur le terrain qui devront s’occuper de tout ça. » Le gouvernement, demande-y-elle, fera-il appel au secteur de l’événement – sinistré par la crise – pour donner son appui pour organiser cette campagne?

Laurence Zanchetta (PS): « Il faudra être prêt à mener cette campagne d’envergure sans précédent. » La logistique sera essentielle pour vacciner huit millions de personnes, mais aussi l’adhésion. « Messieurs, le manque d’anticipation a été légion durant cette crise, il ne faura pas commettre d’erreur pour cette vaccination. »

De Croo: « Cela prendra du temps »

Alexander De Croo s’associe à ceux qui parlent d’un « lumière au bout du tunnel ». « Cela demandera encore des efforts, dit le Premier ministre. Il salue la stratégie adoptée par la Conférence interministérielle de la santé. Et applaudit cette prouesse de la science et l’effet de la coopération européenne.

« Nous n’avons pas de prise sur le processus de production, nous devons être prêts pour le scénario le plus favorable, à savoir des vaccins disponibles début janvier », souligne-t-il. La vaccination prendra du temps, en tenant compte de cette production. Pendant le deuxième et le troisième trimestre, de nombreux vaccins seront encore administrés. »

Le Premier ministre défend son ministre de la Santé pour la fermeture des commerces non-essentiels. « Ce sont des décisions difficiles parce que leur impact est grand, dit-il. Mais en cinq semaines, nous avons évolué d’une situation où nous étions le plus mauvais élève de la classe, à celui d’un pays où la situation est meilleure. Ces sacrifices portent leurs fruits.« 

En ce qui concerne les métiers de contact, le Comité de concertation s’est prononcé contre leur rouverture sur base d’un avis exprimant le fait qu’il y a un grand risque de cotnamination lors de contacts de plus de quinze minutes ou la diffusion d’aérosols. « Nous devons prendre ces avis au sérieux, ils ont été formulés pour une bonne raison par nos meilleurs experts. »

Il s’agit toujours d’éviter une pression insoutenable sur le secteur de la santé. « La meilleure motivation pour nous tous, c’est que les chiffres continuent à diminuer », insiste-t-il.

Au sujet de Noël, « je comprends la déception de ceux qui auraient aimer le fête autrement, mais comme je l’ai déjà dit, ne gaspillons pas en quelques jours ce que nous avons fait. Une étude de l’université d’Anvers montre que les gens comprennent pourquoi ces décisions sont dures. » Le meilleur signal d’humanité, n’est-ce pas de protéger les plus fragiles?, conclut-il.

Vandenbroucke: « On va informer! »

Frank Vandenbroucke, ministre de la Santé, précise quelles seront les personnes prioritaires pour la campagne de vaccination. Il salue la bonne nouvelle scientifique, mais expose les moments où les vaccins pourraient recevoir le feu vert de l’Agence européenne de médicament.

« En ce qui concerne la confiance, la délégation belge au sein de l’Agence a reçu l’instruction de veiller à ce que toutes les mesures de sécurité soient prises, même dans une procédure courte. Monsieur Bacquelaine, votre formule est parfaite: ‘vaccin sur table’. On va informer! Il y a un troisième élément: il faut écouter quelles sont les inquiétudes. » Yvon Englert, ancien recteur de l’ULB et médecin, est l’homme chargé de cette campagne de communication.

« Pour la logistique, « au coeur de tout, il y a les hôpitaux », souligne-t-il. « La première campagne, le personnel soignant et les maisons de repos, se fera en janvier-février », dit-il. Mais il ne souhaite pas s’avancer davantage et cela dépendra, rappelle-t-il, de la production des vaccins.

« Pas d’euphorie, dit Frank Vandenbroucke, mais ce serait le triomphe de la science, de la coopération européenne. Ainsi, nous vaincrons. »

« La mise en oeuvre concrète de tous ces scénarios, c’est-là-dessus que vous êtes attendus », conclut Maxime Prévot. Globalement, le ton de l’opposition, extrêmes mis à art, sera resté modéré: il s’agira, tous ensemble, de réussir cette campagne de vaccination pour sortir du tunnel de la Covid.

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