Christophe Happe

Covid en maison de repos: « Des mesures plus fortes doivent être prises d’urgence »

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Les maisons de repos sont prêtes à affronter la seconde vague de coronavirus, affirme Christophe Happe, Directeur général l’ASBL UNESSA, la fédération de l’accueil, de l’accompagnement, de l’aide et des soins aux personnes. Mais il faut d’urgence renforcer les mesures pour espérer infléchir la courbe avant une saturation des hôpitaux qui aura des conséquences dramatiques pour les maisons de repos. Entretien.

Quel est votre état d’esprit concernant l’augmentation actuelle des cas et des hospitalisations liés au Covid-19 ?

Je suis inquiet parce que la courbe épidémiologique est très verticale avec un effet plus rapide que lors de la première vague. De plus, le contexte n’est pas tout à fait le même. Nous atteignons déjà des taux d’hospitalisation équivalents au pic de la dernière vague alors qu’à l’époque nous étions en confinement. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

D’ailleurs, je ne pense pas que les mesures en vigueur soient suffisantes pour infléchir cette courbe.

Le secteur des maisons de repos se sent-il prêt à faire face à cette nouvelle vague ?

À ce stade, les maisons de repos ne sont pas touchées de la même manière que lors de la première vague. Le personnel est mieux préparé et dispose de matériel en suffisance. Mais il est clair que si cette courbe épidémiologique continue comme elle est partie actuellement, inévitablement à un moment donné il y aura des retombées sur l’ensemble de la population, et ce compris les maisons de repos. Je ne me fais pas d’illusion, si le virus continue de circuler, il n’y a pas de raison qu’un secteur soit épargné. Donc le secteur des maisons de repos est prêt, mais il pourrait subir les conséquences d’un système de santé qui n’est pas stable du tout face à la crise.

Des leçons ont-elles été tirées la première vague ?

Oui. Différentes leçons ont été tirées par le personnel soignant qui a pu se former à un nouveau protocole et mettre en place un plan interne d’urgence. Les réflexes sont meilleurs et il y a plus d’effet de surprise.

J’ai également le sentiment que les autorités sont mieux préparées et ont pris conscience de la nécessité d’accompagner le secteur des maisons de repos, au même rythme que le secteur hospitalier.

Lors de la première vague, il y a eu un retard entre les mesures prises dans les hôpitaux et celles prises dans les maisons de repos. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Nous fonctionnons en parallèle.

Craignez-vous qu’on vous refuse des hospitalisations lorsqu’elles seront nécessaires, comme lors de la première vague ?

Je le crains oui. Peut-être pas pour les mêmes raisons que lors de la première vague, même si les raisons de certains refus à ce moment-là restent relativement floues.

Aujourd’hui, la question ne se pose pas sur un tri précoce, mais sur une véritable saturation du secteur hospitalier. On risque véritablement de manquer de place dans les hôpitaux.

C’est donc très important de préserver le secteur hospitalier au travers de mesures au sein de la population. Aujourd’hui, selon moi, ce n’est pas le cas, les mesures sont clairement insuffisantes. J’en appelle vraiment à des mesures plus fortes. Les chiffres actuels sont identiques à la mi-mars, mais les écoles sont ouvertes, ainsi que les centres commerciaux et les transports en commun sont bondés. Ce qui m’inquiète, c’est ce décalage entre les mesures et la situation sanitaire.

Est-ce que vous relevez un absentéisme comparable à celui des hôpitaux ? (Nb. Entre 15 et 30 % du personnel hospitalier est actuellement absent pour diverses raisons : maladies, congés, conséquences liées à la première vague, contamination Covid et écartement préventif).

Le taux d’absentéisme et d’épuisement est très clair dans les hôpitaux. Dans le secteur des maisons de repos, il est moindre. Les absences liées au Covid sont de l’ordre de 3% en plus des autres absences. C’est un peu plus élevé que la normale, mais l’encadrement n’est pas mis à mal actuellement.

Quelle est votre stratégie de dépistage au sein des maisons de repos ?

Comme vous le savez, la stratégie fédérale a été revue il y a quelques jours. On ne dépiste plus les personnes asymptomatiques.

Cependant, le personnel de soins de santé des maisons de repos sera dépisté chaque semaine. Ce sera dorénavant le cas avec un test salivaire, comme l’a annoncé la ministre wallonne de la Santé ce mercredi.

Les résidents sont-ils testés également ?

Dans la nouvelle stratégie, les nouveaux résidents peuvent bénéficier d’un test.

Dans le cas de la présence d’un cluster dans une résidence, l’ensemble des résidents peuvent également être testés. Mais il ne s’agit pas d’un dépistage préventif comme c’est le cas pour le personnel.

Je pense pourtant qu’il serait judicieux de tester tout le monde au sein des maisons de repos, pas seulement le personnel, car il s’agit d’une communauté.

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Est-ce que vous arrivez à avoir une vision globale des contaminations au sein des maisons de repos ?

Oui. C’est une autre différence par rapport à la première vague. Aujourd’hui on a un monitoring des cas suspects et des cas confirmés chez les résidents et au sein du personnel. Ce monitoring a été mis en place fin mars, ce qui était un peu tard.

Depuis une semaine, il est partagé au sein des représentants du secteur. Et les chiffres sont communiqués quotidiennement. C’est important pour pouvoir accompagner le secteur en fonction d’une réalité sanitaire. De pouvoir cibler certaines mesures d’entraide et de pouvoir tirer la sonnette d’alarme lorsque c’est nécessaire. C’est une visibilité que l’on n’avait pas lors de la première vague.

Est-ce que vous subissez également des retards dans la communication des résultats des tests ?

Oui. Les retards sont identiques. C’est ce qui a poussé la révision de la stratégie de dépistage à l’échelle nationale.

L’important pour nous est que la personne dépistée puisse être prise en charge de manière adéquate et mise en quarantaine si nécessaire. Qu’elle soit porteuse du Covid ou pas, il faut aussi pouvoir mettre place le bon traitement, le plus rapidement possible. C’est vrai que lorsqu’il faut attendre 4 ou 5 jours pour avoir un résultat, c’est un problème.

Êtes-vous pour le maintien des visites au sein des maisons de repos ?

Nous ne voulons certainement pas refermer totalement les maisons de repos. On a vu toute la souffrance que cela pouvait occasionner. Cela n’aurait aucun sens de fermer toutes les maisons de repos, en laissant les magasins et/ou les écoles ouverts.

Car même si vous fermez le secteur et que vous laissez circuler le virus tout autour, à un moment donné, le virus finira par y entrer. Je pense qu’il faut être cohérent et ne pas rompre le lien social avec les personnes âgées.

Il faut bien sûr limiter les visites, comme aujourd’hui. Et qu’elles fassent l’objet d’un accompagnement sanitaire avec port du masque chirurgical, etc.

Dans le même temps, il faut garder de la flexibilité dans le cas où une maison de repos développerait un cluster afin de pouvoir renforcer les mesures sanitaires et peut-être interdire les visites. Nous sommes plus favorables à une gestion au cas par cas.

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