Olivier Mouton

Coronavirus : la crise s’aggrave et la Belgique se préoccupe… du sexe des anges

Olivier Mouton Journaliste

La Belgique sous-estime l’impact sanitaire et économique du coronavirus. Une réaction politique forte s’impose, mais on se préoccupe… du sondage interne au CD&V, qui met un terme au rêve de Vivaldi.

Le nord de l’Italie placé dans une quarantaine jamais vue sur le continent européen, alors que le système de santé est à deux doigts de s’effondrer. La France qui se prépare à passer en phase trois de l’épidémie, avec des mesures drastiques à la clé. Des écoles fermées, des salons et des événements annulés, des mesures de confinement décidées. Les décisions énergiques se multiplient pour éviter une propagation rapide de l’épidémie. Cela a quelque chose d’hallucinant, d’irréel, on aurait tendance à dire que tout cela est exagéré, mais l’Organisation mondiale de la santé applaudit l’énergie italienne. Dans la foulée, ce lundi matin, les bourses dégringolent à des niveaux records, le prix du pétrole est en forte baisse, après que les compagnies aériennes aient bu la tasse : la crise sanitaire se transforme comme on pouvait s’y attendre à une crise tout court.

Et chez nous ? On reste pour l’instant dans des demi-mesures quand la multiplicité des niveaux de pouvoir n’engendre pas une cacophonie contreproductive (qui reste heureusement limitée, saluons-le). La seule décision radicale a été… l’annulation ce lundi matin du bureau du Parti socialiste pour éviter tout risque. Non, on ne blague pas. Maggie De Block, « super-ministre » d’un gouvernement minoritaire en affaires courantes affirme comme un leitmotiv que « la Belgique est prête », mais les rugissements dans les pays voisins font que l’on commence à se poser légitimement la question de savoir si c’est bien le cas. A vrai dire, c’est le secteur privé qui rend pour l’instant – spontanément – les mesures les plus fortes en incitant au télétravail ou en divisant les équipes pour éviter une interruption du service.

Les médecins, eux, ne cessent de crier à l’impréparation du politique : pénurie de masques, communication déficiente, manque de tests (raison pour laquelle le bilan chez nous reste « limité »), nombre insuffisant de places d’accueil dans les hôpitaux si le nombre de cas explosait… Philippe Devos, président de l’Absym, le principal syndicat de médecins belges, avait tiré la sonnette d’alarme en évoquant la perspective de 850000 cas et de 50000 morts (en ajoutant les décès indirects) : voilà pourquoi, selon lui, il fallait être alarmiste pour sensibiliser la population. « Nous avons réussi à inquiéter les gens et c’était nécessaire », disait en fin de semaine le professeur Marc Van Ranst, virologue à la KuLeuven, et chef du laboratoire de référence pour le coronavirus. Paul De Munck (GBOmnipraticiens) lançait, lui, à la RTBF : « On est en guerre. Pourquoi ne pas nommer à nouveau un commissaire spécial de crise? Il y a bien d’autres aspects que sanitaires ».

Dans notre pays aux compétences ultra-éclatées et aux pouvoirs affaiblis, cette idée d’un commissaire spécial – appelons-le comme on veut, ou d’un(e) ministre chargée de coordonner tous les aspects de la crise – n’est pas dénuée de sens. Bien sûr, on se parle – une réunion du Comité de concertation fédéral / entités fédérées est prévue ce lundi à 14h30 – mais que d’énergies perdues. De même, ne faudrait-il le temps que passe l’orage limiter le nombre de ministres compétents en matière de santé, au nombre de neuf actuellement (!) – quitte à le revoir structurellement à la baisse du côté francophone comme le propose le président du MR, Georges-Louis Bouchez ?

De manière plus naturelle, ne serait-il pas temps, en Belgique, d’avoir… un gouvernement fédéral de plein exercice. Tandis que le monde entier panique, nous sommes suspendus aux résultats internes du CD&V pour connaître l’avis de ses membres et savoir s’il est prêt à entrer en négociation pour former une Vivaldi (socialistes libéraux, écologistes, CD&V) sans la N-VA.En fin de matinée, ce lundi, on a appris que 63% des membres du CD&V privilégiaient un gouvernement fédéral avec une majorité dans le groupe linguisitique néerlandophone – comme ses dirigeants. Un résultat certes partagé, mais qui met sans doute un terme définitif au rêve francophone d’une coalition Vivaldi . Le président du CD&V Joachim Coens, rappelle à raison que si tout le monde à les yeux braqués sur son parti, certains refusent tout simplement depuis des mois de parler (les écologistes, pour ne pas les nommer). Mais ce qui est plus magnifique encore, c’est que l’on parvient en outre à s’étriper sur le caractère sérieux de l’enquête du CD&V (certains ont pu voter plusieurs fois ou sans être membre du parti).

En attendant, les missionnaires royaux, Patrick Dewael (Open VLD) et Sabine Laruelle (MR) risquent de se présenter bredouilles au palais, à 16h. Notre réaction face à la crise majeure du moment est laxiste. Et l’on se pince une nouvelle fois de voir que l’on préoccupe du sexe des anges alors que notre système de santé pourrait être mis sous pression et que notre économie va fortement souffrir.

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