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Bras de fer politique en vue au Comité de concertation (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Les débats sur un déconfinement progressif en Belgique seront tendus: mainmise d’un trio flamand, concertation chamboulée, vision prudentissime de Frank Vandenbroucke, asymétrie avec la Flandre, primauté à l’épidémiologie…

Le Comité de concertation se réunit vendredi pour une réunion importante, censée donner des perspectives pour les Belges en vue des fêtes de fin d’année. Les indicateurs sont tous à la baisse, mais la situation épidémiologique reste préoccupante: aussi, les choix à faire ne seront pas évident à poser pour le gouvernement fédéral et ceux des entités fédérées du pays. La Vivaldi fédérale ne rend pas nécessairement plus « fluide » le processus de décision, pour plusieurs raisons.

1 La mainmise d’un trio flamand

Trois ministres fédéraux ont pris l’ascendant dans la gestion de la crise, en toute logique au vu des répartitions des compétences. Tous les trois sont flamands. Le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), gère singulièrement la situation avec le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (SP.A), et la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V): c’est avec eux que le libéral flamand se concerte en première instance, avec eux qu’il détermine les principales lignes des décisions à suivre. Les ministres socialistes francophones, singulièrement Pierre-Yves Dermagne et Thomas Dermine, sont davantage concentrés sur la gestion de la relance socio-économique à venir. Les libéraux francophones, eux, doivent gérer l’activité actuelle (notamment via David Clarinval) et font pression dans les médias depuis hier en faveur d’un déconfinement progressif : parce qu’ols ne sont pas suffisamment entendus.

2 Une vision plus prudente

Le Premier ministre et surtout son ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, sont extrêmement prudents en ce qui concerne la situation sanitaire. Le risque de saturation dans les hôpitaux est leur obsession et la volonté d’éviter une troisième vague aussi forte que les deux premières constitue leur leitmotiv. Frank Vandenbroucke est décrit par certains comme « dogmatique » et marqué par la conception très alarmiste d’un Marc Van Ranst, en Flandre, il entend éviter les travers reprochés à celle qui l’a précédé à ce poste, Maggie De Block (Open VLD), et repose sur sa compétence très sociale, en bon expert de la sécurité sociale. Pour eux, pas question de relâcher trop rapidement l’attention face au virus. S’ajoute à cela un élément « culturel » : tous trois sont nettement moins influencés par les décisions prises en France par Emmanuel Macron, qui pèsent de façon certaine sur les sensibilités en Wallonie et à Bruxelles. Au contraire, le trio flamand doit faire face à des attaques musclées des nationalistes flamands et veulent éviter le moindre faux pas. La sortie médiatique de la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, concernant la possibilité pour la police de visiter les maisons à Noël a fait sursauter dans les rangs francophones – pour le moins…

3 L’asymétrie gouvernementale

Le fait d’avoir un gouvernement fédéral majoritaire donne une assise plus forte aux décisions, mais la décision reste du ressort d’un Comité de concertation réunissant toutes les entités du pays. Or, les majorités ne sont pas symétriques. Au sein du gouvernement flamand, l’Open VLD et le CD&V doivent composer avec la N-VA, ce qui induit forcément une sorte de « double loyauté ». Les liens entre le fédéral et les exécutifs wallon, francophone et bruxellois semblent moins naturels que lors du « règne » de Sophie Wilmès: ses relations étaient bonnes avec le wallon Elio Di Rupo et forcément simples avec son collègue de parti Pierre-Yves Jeholet. Les commentaires off recueillis par Le Soir donnent aussi le sentiment que les réunions préparatoires sont moins nombreuses. La décision de remplacer le Conseil national de sécurité par le Comité de concertation comme organe de décision n’était pas aussi anecdotique que ça: cela induit une autre dynamique.

4 Des experts à vision épidémiologique

La dissolution soudaine cette semaine du Celeval, cet organe des experts appelés à conseiller les politiques, n’est pas anecdotique non plus. Après la vision strictement sanitaire des premières semaines, les politiques avaient induit d’autres approches en intégrant des experts donnent une vision psychologique, économique ou sociologique de la crise. Désormais, Frank Vandenbroucke se repose à nouveau sur des consultants portant une approche épidémiologique, d’abord. Là encore, on retrouve une volonté de prudence, mais le manque de transparence exaspère certains ministres.

Tout cela explique combien le Comité de concertation de vendredi risque de donner lieu à des passes d’armes sur le degré d’ouverture des commerces ou sur les perspectives à donner pour les fêtes de fin d’année.

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