Etienne Dujardin

Avec ses propos, le ministre Vandenbroucke méprise des dizaines de milliers de commerçants (carte blanche)

Etienne Dujardin Juriste et élu conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre

Le tollé suscité par le ministre fédéral de la Santé est totalement justifié, dit le libéral Etienne Dujardin. « Les libertés fondamentales, notamment celle de pouvoir travailler pour vivre, ne peuvent être enfreintes qu’en cas de dernier ressort. »

Le tollé suscité par les propos du ministre Vandenbroucke, disant que faire du shopping ne comportait pas vraiment de risque avec un bon protocole sanitaire mais qu’on avait dû fermer pour créer un électrochoc, est totalement justifié. En parlant de la sorte, le ministre de la santé méprise des dizaines de milliers d’indépendants qui regrettent d’être traités comme des variables d’ajustements. Les propos du ministre sont maladroits à plus d’un titre.

Premièrement, l’électrochoc psychologique qu’il voulait créer était déjà présent même sans fermeture des commerces. N’était-ce pas déjà un énorme signal d’avoir l’Horeca fermé, les voyages déconseillés, les écoles fermées pendant 15 jours, un enseignement hybride pour le secondaire supérieur, les cours universitaires entièrement à distance, les opérations médicales non-urgentes reportées, la plupart des activités sportives interdites ou chamboulées, le télétravail obligatoire, la bulle de contact limitée à une seule personne, et, last but not least, un couvre-feu à partir de 22h? Le citoyen n’avait-il pas déjà compris que la situation était très grave avec toutes ces mesures?

Deuxièmement, les mesures prises doivent susciter l’adhésion pour pouvoir être acceptées. Personne ne peut comprendre qu’on ferme des commerces alors que leur ouverture est possible moyennant un protocole sanitaire strict. Derrière ces commerces fermés, ce sont des dizaines de milliers d’indépendants et de familles qui voient leurs revenus fondre et c’est parfois le travail de toute une vie qui part en fumée. On le sait, des commerçants souffrent gravement financièrement mais aussi psychologiquement et socialement de la situation actuelle. Certains ont même mis fin à leurs jours. Dans ce contexte très lourd, on ne peut pas tenir des propos comme que le ministre l’a fait.

Enfin, les libertés fondamentales, notamment celle de pouvoir travailler pour vivre, ne peuvent être enfreintes qu’en cas de dernier ressort. La main d’un politicien qui pose ce genre d’atteinte aux libertés fondamentales doit trembler avant de prendre ce genre de décision. Or on sait qu’en comité de concertation, le ministre de la santé se comporte plutôt comme un bulldozer écoutant peu les avis opposés aux siens et répondant aux remarques d’autres partis par le fameux : « Moi, je suis professeur d’université ». Le ministre pourtant lui-même signale aujourd’hui qu’avec un bon protocole sanitaire, l’ouverture des commerces comporte en fait peu de risque pour la santé des personnes.

Être ministre de la santé, en tant de crise, ce n’est pas une sinécure, c’est évident. On s’expose beaucoup, on déçoit aussi tel ou tel secteur, mais on doit aussi savoir faire preuve d’humilité, écouter ses partenaires et les interlocuteurs de la société civile. Les décisions que prennent les politiciens aujourd’hui n’ont jamais eu autant de conséquences sur la vie des gens. Elles ne peuvent pas être prises à la légère ou sans le doigté indispensable. Si je trouve très positif d’être très ferme pour contenir le virus et limiter les risques sanitaires au maximum, on doit néanmoins aussi apprendre à vivre avec ce virus encore pour quelques mois au minimum. La vie ne s’arrête pas, des équilibres sont à trouver entre vie sociale, économique, familiale, entre santé physique et mentale des citoyens.

Dans les prochaines semaines, on devra essayer d’ouvrir d’autres volets de la société en fonction des derniers résultats sanitaires. Des secteurs importants, comme la culture (cinéma, théâtre), attendent des perspectives d’ouverture à très court terme sachant qu’un protocole sanitaire strict peut y être appliqué également. L’équilibre trouvé chez nos voisins directs semble respecter davantage les libertés fondamentales. La France, notamment, a réouvert ou ouvrira prochainement les commerces, mais aussi la culture (cinéma, théâtre), le culte, avec un protocole sanitaire strict tout en gardant un couvre-feu et le port du masque, mesures qui permettent de rappeler aux citoyens qu’il doit continuer à se montrer le plus vigilant possible et à limiter les contacts rapprochés de la sphère privée qui sont des vecteurs importants de la transmission du virus.

Le ministre devra agir avec plus de tact qu’il ne l’a fait cette fois-ci. Il sera aussi attendu sur la logistique de distribution du vaccin, car si des ratés ont eu lieu sur les masques et autres, faute d’anticipation et vu le contexte exceptionnel de la première vague, la population ne comprendra pas qu’il y ait maintenant des couacs au niveau des vaccins alors que la Belgique peut s’y préparer depuis des mois.

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