© Thinkstock

Tabac, alcool, migraine, troubles sexuels…Tentez l’hypnose

Pratique occulte ? Supercherie ? Faux. L’hypnose s’est imposée dans les blocs opératoires et les centres antidouleur.

Vos questions, remarques, témoignages, doutes, ce mardi, de 12 à 13 heures, au cours du Forum de Midi, sur La Première : Fabienne Vande Meerssche y accueille Soraya Ghali, notamment, pour une émission entièrement consacrée au dossier hypnose du Vif-L’Express.

Ce vendredi matin, rendez-vous à l’Institut de nouvelle hypnose, avec son directeur, le Dr Eric Mairlot, neuropsychiatre, chargé de cours à l’UMH/ULB et à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (université Paris 6). Bref, une star dans son domaine. Aucune appréhension donc, malgré le lot de clichés véhiculés sur cette pratique : « Ça fait resurgir des événements du passé » ou « On ne peut jamais savoir ce qui va se passer quand on est sous hypnose »… A son tour, Eric Mairlot pose LA question. « Avez-vous des préjugés ? » Euh… On tente d’oublier Charcot, le pape de la neurologie. Et Freud bien sûr : cette hypnose-là était autoritaire, procédant par injonctions aux patients, a suscité les clichés et rend encore aujourd’hui méfiants la plupart des psychanalystes. « Tout cela a disparu depuis longtemps ! Aujourd’hui, on n’en est plus là dans les thérapies et les soins. »

Alors, c’est quoi l’hypnose ? L’état hypnotique est un état modifié de conscience. C’est-à-dire qu’une partie de notre cerveau est comme en sommeil, tandis qu’une autre reste vigilante, hyper-concentrée. Toujours. Le praticien est catégorique : « Ce n’est ni un sérum de vérité, ni une perte de liberté. » Des indicateurs permettent de contrôler si le patient est vraiment en état hypnotique, et pas simplement détendu. Ainsi, sa déglutition se calme, sa respiration ralentit fortement. Ces signes indiquent que son inconscient peut alors être sollicité. L’hypnotisé y découvre, alors, les sources d’éventuels blocages personnels qui génèrent des symptômes et des souffrances. Surtout, il accède à un réservoir de capacités d’autoguérison et de changement qu’il n’a pas imaginées dans un état de conscience d’éveil. C’est à cet instant même de connexion avec l’inconscient que commence le « travail thérapeutique » : simple, doux, fait de suggestions lancées de manière peu directive. L’ingrédient de base de la Nouvelle Hypnose, c’est en effet la suggestibilité, c’est-à-dire l’aptitude à transformer une pensée en une réaction psychologique ou physiologique. La force de l’esprit, d’une certaine manière. « Je me souviens d’une dame qui souffrait du côlon spastique – des crampes qui donnent des diarrhées, des constipations, des nausées. Je lui ai fait imaginer qu’elle buvait une tisane qui allait relaxer les muscles lisses de son côlon. Après une gorgée, ses borborygmes se sont arrêtés. Puis je lui ai dit qu’une gorgée n’était pas suffisante, et les gargouillis ont repris, il fallait boire la tasse entière pour que l’effet soit plus long. Ce qui s’est passé jusqu’au lendemain matin », raconte Eric Mairlot. Le patient en fait se saisit de la suggestion et reprogramme en quelque sorte son cerveau, court-circuite des automatismes et les remplace par d’autres, positifs. Une conception de l’inconscient qui diffère de la psychanalyse.

Les patients arrivent chez les hypnopraticiens avec des plaintes variées : des troubles de comportement liés au psychisme, comme l’alcoolisme, la spasmophilie, la boulimie, la migraine, les phobies, mais aussi des maladies de la peau, des troubles sexuels ou la… peur du dentiste. Elle soigne aussi des enfants énurésiques (pipi au lit) ou asthmatiques. « L’hypnose peut traiter les dysfonctionnements du corps mais non les lésions. On ne peut pas traiter un cancer par hypnose ; en revanche, on peut soulager les douleurs qui y sont liées ou les nausées, voire la perte des cheveux », prévient le praticien. Le patient doit avoir un zeste d’équilibre mental et une certaine faculté à se décontracter.

Notre organisme connaît naturellement l’hypnose. Ainsi l’enfant part facilement aux confins de l’imaginaire, dans une bulle de tranquillité où, faisant fi de tout ce qui l’entoure, il va trouver des capacités pour adapter sa vie émotionnelle et physiologique à la réalité. « C’est comme ça qu’il arrive à résoudre des problèmes angoissants. Mais, au fil du temps, notre entourage détruit nos capacités hypnotiques, ne pouvant se résoudre à voir l’enfant rêver ou « ne rien faire » », soupire le Dr Mairlot. Mais pas complètement, puisque chacun expérimente l’hypnose plusieurs fois par jour sans le savoir : quand notre esprit est flou ou quand, en écoutant un bavard, on se laisse aller à fermer les yeux pour s’absenter. Le bruit rythmé du train, la fuite régulière du ruban de l’autoroute, la phase qui précède le sommeil, l’espace de temps pendant lequel nos yeux continuent la lecture alors que notre esprit est ailleurs… Ce sont autant d’éléments d’une hypnose « soft ».

Une séance à la loupe

« Ce n’est pas une thérapie collective. On est pas là pour raconter sa vie », prévient l’hypnothérapeute. Peu de bruits, peu de mots mais répétitifs, tels que « courage » ou « confiance en soi », et des phrases courtes faisant appel à la respiration et à des images apaisantes, celle d’une forêt par exemple. En quelques minutes, l’attention s’évade, le corps est somnolent, comme anesthésié, les yeux se ferment presque automatiquement ou fixent un automatiquement ou fixent un point immobile. Pour autant, la conscience quadruple. La technique ne provoque ni spasmes ni yeux révulsés ! Cette séance se déroule lors d’un atelier de sevrage tabagique, avec une dizaine de participants à cette séance collective d’hypnose, réunis en cercle, assis dans des fauteuils, les pieds bien posés au sol. Ils en sont à leur cinquième séance (la dernière) et ne fument plus depuis une semaine.

La voix basse et monocorde du Dr Eric Mairlot enveloppe les patients, vise juste, valorise leur démarche. « Vous vous en êtes sortis », « Vous faites partie des non-fumeurs et le resterez toute votre vie. »… Aujourd’hui, lors de cette dernière séance, il s’agit d’apprendre à s’hypnotiser soi-même (l’autohypnose), pour dépasser les contrariétés, se protéger contre une rechute. Le praticien invite les participants à visualiser leur comportement de tous les jours face à la cigarette. On se voit dans l’habitacle de sa voiture, devant un café, puis les gestes qu’on effectue… sans cigarettes. Après cinquante minutes, au terme d’un compte à rebours, les yeux se rouvrent simultanément. On semble sorti d’une longue sieste, certains parlent d’une joie intense ou sont en pleine forme.

Tous, avant les séances collectives d’hypnose, sont passés dans son bureau pour un entretien individuel. Un « brainstorming » était indispensable pour décoder le monde du patient, « enquêter » sur ses canaux de communication (auditifs, visuels, kinesthésiques…). Car tout l’art de l’hypnothérapeute consiste à trouver les bonnes métaphores qui auront un impact sur le cerveau et vont entraîner une augmentation des capacités de guérison. Exemple : Marie, qui a surmonté cinquante ans de dépendance. « Arrêter la cigarette, c’était pour les autres, pas pour moi. Mon entourage était prévenu : cinquante ans de nitivement accroc, jamais je n’arrêterais. Arrêter ? Dépendance, manque de volonté, des obstacles impossibles à surmonter. Et en 6 séances, c’était fini ! » Pourquoi ça a marché ? « La confiance instaurée lors de ma rencontre avec le praticien : je me suis sentie écoutée, concernée, plus consciente de ma liberté de choix. J’ai surtout découvert que je pouvais dire non au tabac. »
Dès la première séance, l’hypnothérapeute demande à son patient de poser des actes concrets. Par exemple : fumer de la main gauche (si on a l’habitude d’employer la droite), fumer une cigarette après l’autre jusqu’au dégoût (pour démontrer que la cigarette ne procure pas de plaisir mais comble un manque physiologique)…

La méthode fonctionne-t-elle à tous les coups ? A long terme, selon les hypnopraticiens, 75 % des ex-fumeurs tiennent bon, quelque 25 % rechutent. Et soigne-t-elle à 100 % l’urticaire, l’eczéma… ? Non plus. Il est impossible de suggérer à quiconque un comportement qu’il rejette même sous hypnose. « Les échecs sont dus au refus de certaines personnes de changer. L’impatience et les attentes urgentes bloquent également les processus inconscients à la base des véritables changements durables », affirme Eric Mairlot.

Cet outil thérapeutique tend à se développer à petit bruit en Belgique. Tout dépend du patient, de l’ouverture du chirurgien par exemple, des ressources locales (y a-t-il des hypnopraticiens compétents à proximité ?). Dans le traitement de la douleur, en revanche, l’hypnose a convaincu les cliniciens et a fait son entrée par la grande porte dans les blocs opératoires. Dans le traitement des addictions, elle continue de questionner. Sans parler du nombre de professionnels de la santé formés à l’hypnose, qui est encore très faible. « La pratique nécessite un très grand investissement personnel du thérapeute. Je ne prends que cinq patients par jour », précise le Dr Eric Mairlot. Il n’empêche. Pour de nombreux hypnopraticiens, elle va s’affirmer car elle permet de « ré-humaniser » les patients et de les faire devenir autonomes. « Il s’agit d’une thérapie brève, qui n’est cependant pas express, là où la psychanalyse semble interminable, exige quelques coûteuses années », conclut l’hypnothérapeute.

Le 9 mai, Eric Mairlot donnera une conférence ouverte à tous et ayant pour thème « La Nouvelle Hypnose : guérir les maux par les mots ».

Adresse : Business Club, 19, avenue Van Bever, 1180 Bruxelles. Infos : www.nouvellehypnose.com.

SORAYA GHALI

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire