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Attentat déjoué dans le Thalys: le récit de 40 minutes dramatiques

Une ultime vidéo YouTube – un prêche islamiste – sur son mobile, puis il s’isole dans les toilettes du train, retire sa chemise et saisit son fusil d’assaut… Dans un sac sur son ventre, neuf chargeurs, 270 munitions: Ayoub El Khazzani s’apprête à commettre un massacre.

Le récit mardi du procureur de Paris François Molins, et les témoignages de plusieurs protagonistes, permettent de retracer les 40 minutes dramatiques de ce qui pourrait être comparé à un véritable « film d’action ».

Le jeune Marocain a acheté son billet de première classe le jour même de l’attaque, le vendredi 21 août, à la gare de Bruxelles-Midi, 149 euros en espèces. L’hôtesse lui propose de partir plus tôt, dans un autre train où il reste des places, mais il refuse: c’est dans le Thalys 9364 de 15H17, qui relie Amsterdam à Paris, qu’il a projeté de tirer à vue sur les passagers.

Il est 17H35 quand il ouvre la porte des toilettes, laissant derrière lui une partie de ses bagages – une valise à roulette et une petite bouteille d’essence – mais avec sur son ventre un sac ouvert plein de munitions et une deuxième arme à feu, un pistolet Luger M80.

Un jeune homme est dans le couloir, qui attend son tour. Quand il voit l’arme, ce banquier français le saisit à deux mains et le repousse contre le porte-bagages.

Il parvient « ainsi à le bloquer pendant environ 15 secondes en faisant poids avec son torse », selon le récit du procureur.

Dans une voiture adjacente, un contrôleur, Michel Bruet, 54 ans, entend les deux hommes. Il pense d’abord à une classique bagarre, avant de réaliser qu’un homme est armé.

Il intervient: « J’ai été projeté contre une porte (…) Je me suis retrouvé avec l’individu, il m’a mis au sol, m’a pointé le revolver puis il est parti dans la voiture 12. »

Ayoub El Khazzani s’est dégagé. Il met aussi en joue le jeune Français – qui veut rester anonyme – puis commence à tirer. Une vitre se brise.

Dans les voitures 11 et 12, c’est la panique. « Nous avons entendu des passagers hurler en anglais: « Il tire ! Il tire ! Il a une kalachnikov ! », raconte l’acteur Jean-Hugues Anglade, présent en voiture 11.

« Tout à coup des membres du personnel navigant ont couru dans le couloir, le dos courbé » pour s’enfermer dans leur wagon de travail, poursuit-il. « Dos au mur, collés les uns aux autres contre la porte métallique de la motrice, nous tapions dessus, nous criions pour que le personnel nous laisse entrer… »

La SNCF a précisé que les agents incriminés font partie du « personnel de restauration », salariés d’un sous-traitant.

Des passagers sautent par la fenêtre

Wagon 12, Spencer Stone et Alek Skarlatos, deux militaires américains d’une vingtaine d’années, sont en vacances, leurs premières en Europe. « J’ai vu un type entrer dans le train avec un AK et un pistolet. Je me suis tournée vers Spencer et je lui ai dit « on y va, on y va », raconte Alek Skarlatos, qui vient de rentrer d’une mission de neuf mois en Afghanistan.

L’assaillant fait un mouvement vers le haut avec son arme, sans doute pour l’armer: Spencer Stone en profite pour se jeter sur lui et le projeter au sol.

Alek Skaralatos lui retire son arme, un AKM – fusil est-allemand proche d’une kalachnikov – mais le jihadiste saisit son pistolet. Il braque Spencer Stone et appuie sur la détente: aucune balle ne sort.

L’Américain étrangle l’agresseur, qui répond à coups de cutter, le blessant au cou et au pouce. Alek Skarlatos tente de le désarmer.

D’autres passagers les rejoignent: leur ami étudiant Anthony Sadler, donne des coups ; Christopher Norman, un sexagénaire britannique, saisit le bras droit ; Eric Tanty, un conducteur de Thalys en voyage privé, maintient le bras gauche. Il y a aussi Mark Moogalian, un franco-américain de 51 ans.

El Khazzani perd connaissance, puis est ligoté.

« Au cours de l’intervention des passagers, (…) un autre coup de feu semble avoir été tiré », détaille François Molins: Mark Moogalian a pris une balle dans l’épaule, ressortie au niveau du cou.

L’alarme est donnée depuis plusieurs secondes, notamment par le banquier français et le contrôleur, et le train ralentit. A hauteur d’Hénin-Beaumont (nord de la France), plusieurs passagers paniqués brisent les vitres et sautent.

Fin de course à Arras, où Ayoub El Khazzani est interpellé.

La majorité des 554 passagers, qui n’imaginent pas ce qui vient de se passer, sont évacués à 18H15. Ils découvrent un colosse chauve sur une chaise, les mains en sang: Spencer Stone. Et un maigrichon ligoté, plaqué au sol par les policiers: Ayoub El Khazzani.

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