Axel Gautier

Une nouvelle tarification des réseaux énergétiques

Axel Gautier Professeur à l’Université de Liège

La transition énergétique est en marche. Nos manières de produire et de consommer de l’énergie sont en train de changer. Un des éléments les plus visible de cette transition est sans doute la production décentralisée d’électricité au moyen de panneaux photovoltaïques.

Nous pensons que la transition énergétique doit s’accompagner d’une transition tarifaire et que les relations financières entre consommateurs et réseaux doivent être repensées.

Le réseau joue un rôle clé dans l’approvisionnement en énergie: il permet d’acheminer l’électricité des points de production aux lieux de consommation. L’électricité distribuée aux ménages est mesurée (en kWh) à l’aide du compteur. Le prix payé pour l’utilisation du réseau est lié au niveau de consommation (8 cents par kWh en moyenne en Wallonie). Dans la facture énergétique, le financement du réseau de distribution représente près de 35% de la facture. Du fait de l’absence de concurrence au niveau local pour la distribution, le tarif de distribution est approuvé par un régulateur.

Ces dernières années, on enregistre une diminution de la consommation d’électricité des ménages. Cette baisse s’explique à la fois par une plus grande efficacité énergétique -utilisation d’appareils moins énergivores- et par la croissance de l’auto-production. Dans une habitation équipée de panneaux photovoltaïques (PV), lorsque la production excède la consommation, le surplus d’énergie est injecté dans le réseau. Dans ce cas, le compteur tourne à l’envers diminuant d’autant la facture du ménage. La consommation enregistrée sur le compteur ne correspond plus à la consommation énergétique réelle du ménage, mais au solde de la consommation qui n’est pas couverte par les panneaux. De ce fait, les réseaux facturent une quantité moindre d’énergie.

En matière de distribution d’énergie, plus le consommateur économise, plus il paye cher

Pour le réseau, les coûts (maintenance, entretien) sont peu dépendants du niveau de consommation. Dès lors, une diminution de la consommation entraîne une diminution des revenus des distributeurs sans qu’il y ait une baisse correspondante des coûts. Pour maintenir l’équilibre financier, une seule solution : augmenter le tarif. Une drôle de façon de récompenser les économies d’énergie ! Plus on économise, plus on paye cher. Plus inquiétant, une hausse du tarif diminuera encore la consommation -la rentabilité des panneaux augmente- et entraînera de nouvelles hausses tarifaires. Une spirale infernale.

Ce qui devient inquiétant c’est que des tarifs élevés pourraient inciter certains consommateurs à se déconnecter du réseau. Ceux-ci assureraient leur autonomie énergétique au moyen de panneaux photovoltaïques, de batteries et de générateurs diesel. Un tel comportement pourrait devenir rentable du point de vue individuel, mais ne l’est pas du point de vue du système dans son ensemble. Ce type de comportement est à décourager, mais au contraire, la tarification actuelle du réseau a plutôt tendance à l’encourager.

Le tarif réseau tant sa structure que son niveau sont régulés au niveau régional, en Wallonie par la Cwape. Celle-ci réfléchit actuellement à une nouvelle méthodologie tarifaire. L’auteur de ce billet pense qu’il serait judicieux que cette nouvelle régulation déconnecte en partie la facture réseau du niveau de consommation mesuré. En d’autres mots, la tarification de la composante réseau ne devrait plus être exclusivement liée aux kWh consommés. Cela peut se faire, comme c’est le cas en France, en décomposant le tarif réseau en deux parties. Une redevance fixe modulée en fonction de la puissance souscrite et un prix par kWh consommé. L’introduction d’une redevance fixe dans le tarif a deux avantages. Premièrement, ce tarif reflétera mieux les services rendus par le réseau notamment aux auto-producteurs. Pour ceux-ci, le fait de bénéficier d’une connexion au réseau et de pouvoir l’utiliser d’une part pour injecter les surplus de production et d’autre part s’approvisionner en cas de production insuffisante est la vraie valeur ajoutée du réseau. Comme leur compteur tourne à l’envers, les échanges ne sont pas facturés. Reste logiquement à facturer le service ‘connexion au réseau’, ce qui peut se faire au moyen d’une redevance fixe dans le tarif de distribution. Deuxièmement, il met fin à la spirale infernale décrite plus haut. Une nouvelle structure tarifaire permettrait un partage plus équitable des coûts du réseau entre les différents utilisateurs. En atténuant le lien entre consommation et facture, les économies d’énergie et le développement de l’autoproduction ne mèneront plus automatiquement à des hausses tarifaires, un moyen de contenir la facture énergétique des ménages.

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